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Visio-conférence internationale des 15 et 16 avril 2023
L’ingrédient essentiel d’une dédollarisation réussie : la science de l’économie physique selon Lyndon LaRouche

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3ème session

Présentation de Dennis Small (Etats-Unis), journaliste économique pour l’Executive Intelligence Review (EIR), lors de la visio-conférence de l’Institut Schiller des 15 et 16 avril 2023 sur le thème : « Sans développement de toutes les nations, pas de paix possible sur notre planète ».

Bonjour ou bonsoir à tous

Lors de la conférence de presse historique donnée par [l’économiste américain] Lyndon LaRouche (1922-2019) le 28 juin 2001, la veille de son intervention avec Helga Zepp-LaRouche devant la Commission économique de la Douma russe, il affirma d’emblée : « Aucun système monétaire nouveau ne peut fonctionner sans un moteur de politique économique répondant à des objectifs à long terme. »

Je reprends cette phrase car c’est le point de départ de la discussion de notre session. Le lendemain, devant la Douma, tout en évoquant l’effondrement du système financier transatlantique, M. LaRouche est revenu sur cette question centrale : qu’est-ce qui donne de la valeur à un système économique et à sa monnaie ?

Je le cite : « Cette réorganisation des systèmes monétaires et financiers mondiaux doit être fondée sur une coopération à grande échelle et à long terme pour développer les infrastructures au sein de chaque nation et entre elles, et sur la priorité donnée aux objectifs adoptés en matière de progrès scientifique et technologique. Le pivot de la croissance économique mondiale devrait être un nouveau système de coopération transcontinentale entre les États-nations souverains de l’Eurasie continentale (...) mais dont le monde entier pourra bénéficier s’il se fait partenaire de cet effort. »

Douze ans plus tard, le 12 septembre 2022, Sergei Glazyev, l’éminent économiste russe qui présidait à l’époque la Commission économique de la Douma, adressait ce message à Helga Zepp-LaRouche, à l’occasion du centenaire de la naissance de Lyndon LaRouche :

« Dans pratiquement tous les grands pays du monde qui se développent aujourd’hui avec succès, surtout l’Inde et la Chine, il y a des partisans de LaRouche. Ils ont utilisé ses pensées et ses idées pour créer leurs miracles économiques. Ce sont les principes de l’économie physique défendus par LaRouche qui sous-tendent aujourd’hui le miracle économique chinois et qui sont à la base de la politique de développement économique de l’Inde. Les partisans de LaRouche dans ces pays exercent une influence fructueuse, très positive et constructive sur l’élaboration des politiques économiques dans ces nations leaders du nouveau paradigme économique mondial. »

Je résumerai mon propos en trois points.

Tout d’abord, nous sommes au cœur d’un effondrement total du système financier transatlantique, inarrêtable, irréversible, tonitruant et dangereux. Deuxièmement, on voit déjà déferler une avalanche d’appels et d’actions en faveur de la dédollarisation, où des nations entières se séparent du système spéculatif mondial dirigé par la City de Londres et Wall Street, qui utilisent le dollar à leurs propres fins. Ce mouvement de dédollarisation est bien engagé et je dirais qu’à ce stade, c’est une affaire conclue. Cela ne va pas s’arrêter.

Le troisième point, et c’est vraiment la question clé sur laquelle je voudrais attirer votre attention, est de savoir sur quelles bases construire ce nouveau système qui est en train de voir le jour. Quelle est la source réelle de la valeur ? Comment déterminer les parités, les taux de change entre monnaies ? Comment faire en sorte qu’elles ne se dévaluent pas ? Comment s’assurer qu’elles ne deviennent pas elles-mêmes des instruments spéculatifs ? L’ingrédient clé ici, celui qui fait défaut dans la plupart des discussions, même chez ceux qui cherchent vraiment à faire avancer les choses, ce sont les principes de l’économie physique de LaRouche.

Les produits dérivés

En ce qui concerne l’effondrement financier, il ne s’agit pas d’un problème de dette internationale, mais de produits [financiers] dérivés.

Nous avons affaire à une bulle financière mondiale d’environ 2 quadrillions de dollars. Pour ceux qui ne connaîtraient pas vraiment la taille d’un quadrillion, c’est le chiffre 2 suivi de 15 zéros. Et cette bulle est construite sur la bulle de la dette des actions, des obligations, de l’endettement des nations, des individus, etc. C’est cette bulle des produits dérivés qui a explosé en 2008, et la « solution » alors proposée par les génies de Wall Street et de la City de Londres était la suivante : « Il suffit d’alimenter la bulle et de la faire grossir. Tout devrait bien se passer. » Et nous voilà, 30 000 milliards de dollars plus tard en assouplissement quantitatif (QE) et autres formes d’argent fictif, et la bulle mondiale est en train d’exploser.

Ce qu’ils ont fait en premier lieu, c’est appuyer sur l’accélérateur pour tenter de stimuler la bulle financière. Puis, il y a un an environ, lorsqu’ils ont vu que la situation échappait à tout contrôle, ils ont décidé de freiner. Ils ont augmenté les taux d’intérêt jusqu’à 4,5 %, voire 5 % aujourd’hui, avec pour effet immédiat au cours de cette période, la faillite de certaines banques moyennes et grandes à l’échelle internationale.

Nous avons connu la crise de la Silicon Valley Bank, qui a fait faillite. Elle a été renflouée, essentiellement par la FDIC (Agence fédérale américaine garantissant les dépôts) qui est intervenue bien au-delà des limites légales autorisées pour défendre les dépôts (250 000 dollars), en disant : « Nous allons renflouer tout le monde. Tout va bien, ne vous inquiétez pas ! »

Cette banque s’était engagée dans une vaste spéculation, en particulier dans la bulle technologique. Ensuite, nous avons eu le cas du Crédit suisse, l’une des plus grandes banques helvétiques, qui possédait une énorme quantité de produits dérivés dans son bilan. Elle a fait faillite et a été renflouée par la Banque nationale suisse (BNS), qui a fourni quelque 270 milliards de dollars de fonds de sauvetage. A son tour, la BNS a été soutenue par la Réserve fédérale, qui a fourni des lignes de swap à toutes les banques centrales européennes, comme on l’avait fait en 2008 pour aider à renflouer le cancer financier. C’est alors que le Crédit suisse a été racheté par UBS, sur ordre et instructions de la BNS et d’autres banques centrales, créant ainsi une seule mégabanque gigantesque, en faillite totale.

Cette affaire du Crédit suisse met en lumière le véritable problème. Et comme je l’ai dit, nous parlons de produits dérivés. Si vous prenez les quatre plus grandes banques des États-Unis, vous constaterez qu’elles détiennent 173 000 milliards de dollars de produits dérivés, contre 8000 milliards de dollars d’actifs. Si l’on considère les actifs de la banque comme un chien et les produits dérivés comme une puce ou une tique suçant le sang du chien, on a un rapport de 22 à 1. Pour un chien de 20 kg, cela ferait une tique de 400 kg. Pauvre bête, direz-vous !

La situation de la Chine est très différente. Ses quatre premières banques détiennent 19 000 milliards de dollars d’actifs, mais seulement 7000 milliards de dollars de produits dérivés. C’est encore trop, mais la situation n’est pas ingérable. Ce fait est connu de tous ceux qui, dans le monde, ont les yeux suffisamment ouverts et veulent bien le voir. Les uns après les autres, les pays le reconnaissent et l’on assiste à un processus de dédollarisation, où les gens disent : « Nous voyons que le Titanic est en train de couler. Nous ne voulons pas couler avec lui. »

Il y a trois raisons à cela. Tout d’abord, comme je l’ai dit, ils voient que le Titanic est en train de couler et ils ne veulent pas rester à bord. Deuxièmement, ils constatent que les sanctions appliquées à la Russie n’ont pas détruit son économie. Comme l’a récemment déclaré un haut fonctionnaire brésilien, à propos des échanges avec la Chine, entre autres : « Qui a peur du grand méchant loup ? » La Russie n’a pas sombré, même « l’option nucléaire » consistant à l’exclure du système [de paiement international] SWIFT n’a pas eu l’effet escompté.

Mais l’autre chose qui apparaît, c’est l’émergence d’un certain leadership. Les idées présentées par Xi Jinping, par Poutine, par les dirigeants du Brésil, de l’Arabie saoudite, de la Turquie, de l’Indonésie et d’autres pays vont clairement dans le sens d’un renforcement du rôle des monnaies nationales et locales, autres que le dollar. D’abord par le biais de swaps (swaps de banque à banque pour des lignes de crédit), ensuite, par le biais d’échanges commerciaux libellés, par exemple, en yuan. Enfin, en mettant en place des mécanismes de compensation permettant non seulement le commerce, mais aussi l’investissement dans les économies respectives.

La Figure 1 montre que le nombre de pays utilisant le yuan dépasse la trentaine et qu’ils représentent plus de la moitié de la population mondiale. Il s’agit donc d’un processus en cours, qui s’étend très rapidement. Beaucoup de gens aux États-Unis sont montés sur leurs grands chevaux et ont dit : « C’est terrible, c’est une attaque contre nous. Ils veulent se débarrasser du dollar. Nous devons arrêter cela. Il faut arrêter la Chine, il faut arrêter la Russie, il faut arrêter le Brésil, il faut tous les arrêter ! »

C’est un non-sens, car le fait est que les États-Unis devraient également se dédollariser. Si ce que nous entendons par dollar est le dollar de Wall Street, celui de la City de Londres, ce n’est pas ce qui était autrefois le billet vert ou la monnaie nationale des États-Unis pour permettre le développement économique national, mais un animal toxique et spéculatif qui a pris le contrôle de notre système monétaire et nous a mis sous la coupe de la City de Londres et de Wall Street.

Nous devons, nous aussi, nous débarrasser de Wall Street et nous dédollariser. Aux États-Unis, ce processus a une histoire et un nom bien précis : c’est le Glass-Steagall de Franklin Delano Roosevelt. Il s’agit d’une séparation stricte entre d’un côté, un dollar spéculatif contrôlé non pas par le peuple américain mais par la City de Londres et Wall Street, et de l’autre, un système bancaire commercial productif dans lequel le dollar peut redevenir la monnaie des États-Unis.

La question fondamentale dans cette bataille est la suivante : comment donner une valeur à cette monnaie ? Comment s’assurer que, quelle que soit la nouvelle monnaie mise en œuvre – qu’il s’agisse du yuan ou, plus probablement, d’une monnaie commune des BRICS, à l’issue du sommet des BRICS qui se tiendra en août prochain en Afrique du Sud (les Indiens seraient sans doute plus à l’aise avec cette nouvelle monnaie qu’avec le yuan chinois) – mais quoi qu’il en soit, l’important n’est pas la monnaie en soi, mais la politique lui procurant sa valeur.

Lyndon LaRouche a traité cette question en profondeur dans une étude que je vous recommande, Trade without Currency (Commerce sans monnaie).

Permettez-moi d’évoquer une discussion personnelle que j’ai eue un jour avec Lyndon LaRouche et qui m’a véritablement ouvert les yeux. Je lui demandai comment établir des parités sur une base productive utile entre les États-Unis et d’autres monnaies (par exemple, le peso mexicain). J’avais approfondi le sujet en élaborant un tableau avec des paniers de biens de consommation et de production, des biens d’infrastructure, etc. J’abordai cette question avec LaRouche et je n’étais pas allé très loin dans mon propos lorsqu’il m’interrompit : « Oublie ça ! Cela n’a aucune importance ! Il suffit de fixer une parité fixe qui semble raisonnable, parce que cette parité, ce taux de change fixe permettra d’adopter des politiques d’investissement, de haute technologie et de progrès scientifique, ce qui est la seule chose qui puisse donner de la valeur à n’importe quelle monnaie. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’on pourra discuter de ce que devrait être une parité réelle. Ne faites pas cela avec des mathématiques, faites-le avec l’économie physique. »

Regardons maintenant ce que LaRouche lui-même avait à dire dans cet extraordinaire document. L’important, lorsque vous regardez la situation en Chine, c’est que la force du yuan réside dans son économie. Tirer 850 millions de personnes de la pauvreté extrême, construire un vaste réseau de lignes ferroviaires à grande vitesse, réaliser des progrès scientifiques, etc. Si l’on se tourne vers les BRICS, comme vous pouvez le voir dans la Figure 2, il existe une véritable base économique physique dans les pays « BRICS+ » (les cinq pays membres des BRICS et environ neuf autres pour lesquels nous avons fait des calculs), affichant des paramètres économiques physiques très encourageants.

Avec 51 % de la population mondiale, ces pays produisent 53 % du blé, 77 % du charbon, 73 % de l’acier consommés dans le monde. Ils ne représentent qu’une infime partie de la valorisation boursière, ce qui est une bonne chose. Mais il ne s’agit pas de valeur, il s’agit d’une plateforme d’où la valeur prendra son essor. C’est une plate-forme encourageante, mais la fusée qui doit décoller est l’augmentation de la productivité de l’économie physique, l’augmentation des pouvoirs productifs du travail.

Dès le début de l’essai dont je vous ai parlé, LaRouche pose cette question :
« Qu’est-ce qui fait la qualité de la valeur durable sur laquelle la formation de capital à moyen et long terme, à partir de matières premières, pourrait rationnellement s’appuyer ? Lorsqu’il est ainsi démontré à l’évidence que les formes durables de valeurs économiques ne peuvent être obtenues à partir d’une quantité de monnaie, où réside l’évaluation mesurable de l’activité économique ? »

Il soulève alors la question de la densité relative potentielle de population (DRPP), qui constitue sa principale percée et découverte en économie : « Le calcul essentiel à effectuer, dans tout programme rationnel d’études économiques, est ce que l’on désignera le plus correctement comme la densité relative potentielle de population de l’économie nationale dans son ensemble. La mesure à dériver de cette norme est le taux d’augmentation ou de recul de ce potentiel. »

Et qu’est-ce qui engendre l’augmentation de cette DRPP densité relative potentielle de population ? LaRouche répond : « Dans la science de l’économie physique, telle que définie initialement dans l’ouvrage de Gottfried Leibniz (1671-1716), ce qui distingue spécifiquement l’espèce humaine de toutes les autres, est le fait que seule l’humanité est capable d’augmenter volontairement la densité de population relative potentielle de son espèce - son pouvoir. Dans cet accroissement du pouvoir de l’humanité sur et au sein de l’univers, l’acte volontaire en question s’exprime par la découverte de ce qui s’avèrera un principe physique universel. »

Dès lors, comment fixer la valeur réelle des monnaies et des échanges selon ce concept d’économie physique, ces principes posés par LaRouche ?

« Un panier de marchandises, tel que je l’ai décrit ici, explique-t-il, doit être compris comme un engagement commun à faire le bien. La question de l’économie n’est donc pas le prix exact à fixer sur une marchandise, mais la bonne volonté exprimée dans la façon d’adopter une estimation raisonnable d’un prix juste. Sur cette base, un prix raisonnable pour un panier unitaire de produits de base sera le bon prix en pratique. »

A quoi LaRouche veut-il en venir ? A l’affirmation qu’en tant qu’espèce, l’homme est doté d’une créativité unique qui lui permet de découvrir les principes physiques universels de l’univers dans son processus de création, et qu’en découvrant ces principes, il contribue au processus de développement de l’univers. Cette créativité, ce libre arbitre qui permet de s’engager dans la créativité, est également la base de la moralité. Le bien est la décision morale d’agir de manière à améliorer la densité relative potentielle de population de notre espèce, sur toute la planète, dans l’intérêt de tous. C’est donc cette approche, celle de la philosophie, celle de l’économie physique, qui constitue la seule base pour discuter de la façon de construire réellement une nouvelle architecture économique et de développement.

Comme dans le cas de la thèse soutenue par Riemann, qui affirmait que pour comprendre le problème qui se posait à lui, il fallait passer du domaine des mathématiques à celui de la physique, de même, si nous voulons comprendre ce que signifie une nouvelle architecture, nous devons passer du domaine des considérations purement financières et monétaires à celui de l’économie physique, c’est-à-dire à la science de l’économie physique de Lyndon LaRouche.

Je vous remercie de votre attention.

Vers toute la conférence