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De Alexander Hamilton à Lyndon LaRouche : une proposition de projet de loi pour rétablir le crédit productif public

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En guise d’introduction

Nous présentons ici le préambule à la proposition de projet de loi que font circuler, sous la forme d’une brochure de 25 pages, nos amis du Comité d’action politique de l’économiste américain Lyndon LaRouche (LPAC) aux États-Unis, visant à remplacer le système de la Réserve fédérale actuel (géré par les banques privées), par une troisième Banque nationale des États-Unis, inspirée par les conceptions économiques d’Alexander Hamilton, premier secrétaire au Trésor des États-Unis.

Hamilton, l’un des plus puissants esprits derrière la Révolution américaine, avait découvert que le rôle d’une banque centrale n’est pas uniquement de gérer la monnaie ou la dette publique, mais surtout d’être la source d’émission de crédit productif, sous contrôle public, afin d’accroître la richesse physique de la nation. La Banque des États-Unis qu’il imagina avait pour objectif de faire naître et de développer les découvertes scientifiques, les grandes infrastructures, les industries de pointe et le commerce.

Les conceptions de ce « colbertiste » américain ont été à l’origine de la fondation des deux « Banques des États-Unis », suivant ces principes. La première Banque des États-Unis fut fondée en 1791, mais les ennemis de Hamilton – le parti anglais qui voulait prendre sa revanche contre la Révolution américaine – l’ont rapidement dévoyée. La deuxième Banque des États-Unis fut créée sous l’administration de James Madison en 1817. Sous l’administration de John Quincy Adams, elle a rendu de grands services à l’économie productive américaine. C’est Andrew Jackson, soutenu là encore par le parti anglais totalement hostile à cette approche économique, qui a finalement réussi à obtenir sa fermeture en 1836, après 8 ans de sabotage.

Depuis, des efforts significatifs pour la rétablir ont été menés sous les présidences d’Abraham Lincoln et de Franklin Delano Roosevelt, dont l’arrière-arrière-grand-père Isaac était l’un des collaborateurs de Hamilton. Ces efforts se sont traduits par des périodes de très forte croissance utile pour les États Unis, sans toutefois parvenir à rétablir un contrôle public sur le système monétaire.

Le texte de Michael Kirsch que nous présentons ci-dessous, ainsi que son ouvrage How Andrew Jackson Destroyed the United States (décembre 2012), seront des contributions importantes à l’effort mené des deux côtés de l’Atlantique pour rétablir des Banques de la Nation, au service de la croissance des peuples.

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L’édifice classique à Philadelphie qui abritait la première banque nationale des États-Unis.

Proposition de projet de loi pour revenir à la (première) Banque des États-Unis

Par Michael Kirsch, LPAC
Texte complet en anglais

Dans l’histoire des États-Unis, ce n’est qu’au cours de brèves périodes que l’État central a pu s’employer à créer une économie tenant compte des contraintes du temps de la croissance et harmonisant l’économie physique avec le système financier, créant ainsi les conditions pour que le processus de construction de la nation soit guidé par l’intention de la productivité future. C’est seulement lors de ces brèves périodes, de 1789 à 1801, de 1823 à 1830, de 1861 à 1869, de 1897 à 1901, où l’économie opérait sous la direction d’un système de crédit productif public, que l’économie des États-Unis a été dirigée conformément à l’esprit de la Constitution.

Le reste du temps, la politique de construction de la nation a été attaquée du dedans comme du dehors, et la politique du pays a été sabotée par le monétarisme. Quand cela n’était pas le cas, lors des périodes mentionnées, c’est le système de crédit productif public [1] qui a permis de rompre avec le monétarisme et de développer le pays de pair avec d’autres nations. C’est précisément le succès éclatant, l’efficacité du système de crédit public des États-Unis qui en a fait la cible d’attaques et de mystifications.

Le monétarisme est constamment tourné vers le passé afin de monétiser les résultats de la production passée au lieu de s’orienter vers la création de richesses nouvelles.

A l’opposé, le crédit productif public est un pari sur l’avenir. Au lieu de dépendre de la production passée, ou de richesses stockées, il crée de la richesse en établissant un lien entre l’achèvement de projets et la production de biens et de manufactures dans le futur, et la promesse d’origine. La monnaie du monétarisme est créée par la « liquidation » des biens présents, lorsqu’on les transforme en argent. Dans le système de crédit productif public, c’est la croissance elle-même qui est la monnaie, non les produits de la croissance.

Le monétarisme voit la dette comme un fardeau qui doit être éliminé immédiatement, et il en exige son paiement dans le présent, peu importe combien cela coûtera au futur ou combien du passé en sera gaspillé. Dans le cadre d’un système de crédit productif public, les dettes ne sont pas des objets en soi ; l’action qui génère de la valeur à travers le processus qui les amortit progressivement est incluse dans leur création.

Le monétarisme mesure toute valeur en termes de capital et de travail, et attribue à l’argent une valeur en soi. A l’opposé, dans un système de crédit productif public, la mesure de la valeur n’est ni le capital, ni l’argent, mais les pouvoirs créateurs de l’esprit qui augmentent la puissance productive du travail, et qui, en augmentant la production, accroissent à leur tour la valeur des biens, du travail et du capital. Ainsi, c’est la productivité qui devient la mesure de la valeur du capital. Avec des hausses de productivité, le coût de la production baisse, et la valeur de la devise augmente.

L’argent peut être converti en capital et en biens, mais le crédit, sans être lui-même du capital, augmente l’efficacité du capital. Car le crédit rend une même quantité de capital ou de travail plus efficace et productive, et constitue une source d’accélération dans la création de richesses, un potentiel qui accompagne le capital existant à chaque instant et qui le met en action. La valeur d’une économie nationale est ainsi redéfinie par l’organisation des relations du capital existant et du potentiel pouvant être réalisé à partir du crédit.

Le système de crédit productif public considère ainsi l’économie comme un système productif, et définit son objectif essentiel comme étant celui de promouvoir un accroissement de son efficacité globale et de la puissance productive du travail, par des investissements dans le progrès technologique. Ce faisant, il exprime une concordance entre les lois établies par les représentants du peuple et le développement des ressources et de l’industrie de ce peuple, définissant ainsi un domaine échappant aux axiomes et aux règles du monétarisme.

Dans les pages qui suivent, les principes clés du système de crédit productif public seront démontrés à partir de l’histoire des États-Unis. Et ainsi, la façon dont nous entendons les faire revivre, par le présent projet de loi, deviendra claire.

Hamilton et l’assainissement des finances

Le système de crédit productif public des États Unis n’est pas une option éventuelle ou un rajout à la Constitution. La nécessité de mettre en place un système de crédit productif public était la cause principale de la conception de la Constitution.

La souveraineté arrachée par la Déclaration d’indépendance (4 juillet 1776) donnait au Congrès l’autorité implicite de contrôler les relations commerciales avec d’autres nations au profit de l’industrie nationale, de créer une monnaie unique pour tous les États, d’accorder à l’État tous les pouvoirs nécessaires à la gestion réelle de l’administration des finances publiques, et d’unifier les États en une seule économie. Cependant, c’est Alexander Hamilton (1757-1804) qui, par son action courageuse et immortelle, a fait usage de ces pouvoirs.

Pendant la guerre, la Banque de l’Amérique du nord, fondée par Robert Morris, Alexander Hamilton et Benjamin Franklin, a créé une monnaie alternative à la « devise continentale » qui se dépréciait à vue d’œil, et du crédit pour garantir la victoire de la guerre d’indépendance entre 1781 et 1783. Cependant, l’absence d’union entre les États a empêché de fournir à la banque le financement nécessaire pour assurer l’unification des États et le financement de la dette publique. La grande période de la faillite, pendant et après la guerre révolutionnaire, amena Robert Morris, Alexander Hamilton, James Wilson, Gouverneur Morris, Benjamin Franklin, George Washington et autres pères fondateurs à un engagement commun. Une nouvelle constitution fondée en accord avec la Déclaration d’indépendance était nécessaire, dotée de pouvoirs suffisants accordés d’un commun accord par le peuple, plutôt qu’imposés par une confédération de souverainetés d’États.

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Vue d’ensemble de la Convention constitutionnelle américaine.

L’Union n’a été formée avec succès que grâce à la conversion opérée par Hamilton d’une dette et d’une monnaie « monétaristes », en une monnaie d’un système de crédit productif public, liant le futur de la nation à la réussite de tous les États et faisant en sorte que le fait de rembourser la dette transforme la monnaie elle-même. L’intention de rembourser la dette grâce aux investissements productifs étant affirmée, l’économie devenait le moteur pour bâtir la nation, et les intérêts de la nation se confondaient avec la banque et avec cette monnaie. La monnaie n’était pas une abstraction.

De plus, la création d’une nouvelle banque [La Première banque nationale des États-Unis, NDT] dans le même élan qui avait accordé aux législateurs, lors du premier acte du Congrès, le pouvoir d’émettre de la dette pour protéger et encourager les manufactures, créa un système financier directement lié au succès de l’industrie des États-Unis et des améliorations de l’économie nationale. Par cette démarche, Hamilton a réussi à faire passer les États-Unis d’un système monétaire à un système de crédit productif public, puisque l’essentiel d’un système de crédit n’est pas l’émission de titres d’État contre une monnaie fondée sur l’or ou l’argent, mais l’unification de la puissance de l’économie qui détermine la monnaie, et une monnaie reflétant la croissance future.

Ce qui caractérisait la Banque des États-Unis était le fait d’être une institution prêtant directement à la croissance économique, et définissant ainsi les limites de croissance de l’économie, au lieu de conditionner sa politique de prêt aux préoccupations des banques commerciales qui appliquent des équations mathématiques indiquant à quelle vitesse l’économie peut croître suivant la loi de l’offre et de la demande. C’était une institution soumise au contrôle parlementaire, non pas séparée du reste de l’économie mais à sa tête. Elle reliait aussi directement la banque privée et l’intérêt des investisseurs industriels et hommes d’affaires, à l’intérêt national.

En finançant la dette nationale grâce aux tarifs sur les importations et aux impôts nationaux, ainsi que par d’autres décisions du Congrès, la dette refinancée, transformée en crédit bancaire, est devenue la source d’une monnaie et de billets de banque, qui constituaient le gros du capital propre de la Banque.

Différentes reconnaissances de dette, émises pendant la guerre, ont pu être réémises grâce au nouveau pouvoir de l’État en action, alors que les branches de la banque acceptaient les nouveaux certificats de dette comme des dépôts ou des prêts sur la production manufacturière et industrielle à venir. La législation sur le financement de la dette des États-Unis a mis en circulation une somme immense de capital qui a fait fleurir les affaires.

En 1791, Hamilton, dans son Rapport sur les manufactures, décrivait au Congrès l’impact de sa démarche :

« Lorsque les fonds publics sont assainis et rétablis, un homme qui en possède une certaine somme, peut s’engager dans un projet d’entreprise, avec autant de confiance que s’il possédait la même somme en argent comptant. L’utilisation des fonds publics comme capitaux est trop intéressante pour être mise de côté (…) Bien qu’une dette refinancée ne soit pas de prime abord un accroissement absolu de capital ou de vraie richesse, pourtant, en agissant comme une nouvelle capacité pour faire marcher l’industrie, cette opération a, dans certaines limites, la tendance d’accroître la vraie richesse de la société (…) »

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Alexander Hamilton, le premier secrétaire au Trésor des Etats-Unis, colbertiste américain et inventeur du crédit productif public.

Sous Hamilton, l’argent devint subordonné au crédit, et la monnaie en circulation était presque entièrement celle liée à la valeur qu’allait prendre une dette financée. L’or et l’argent métalliques tombaient au second plan et les gens préféraient utiliser le crédit, les billets de la banque nationale, et ceux d’autres banques d’État mises en place pour faciliter la croissance des régions. L’argent, en tant que tel, défini par l’or et l’argent, ne représentait qu’une fraction de ce que l’on utilisait pour équilibrer les comptes, et au fur et à mesure que le système bancaire prenait son envol, l’or et l’argent finissaient par ne représenter que 0,01% de tous les paiements dans le commerce et l’industrie et 1% de la valeur du total des transactions.

La monnaie d’Hamilton, fondée sur le crédit, a mobilisé tout le capital actif du pays. Réfléchissant au système qu’il avait mis en place, il écrivait en 1795 dans son Rapport sur le crédit public :

« Le crédit public (…) est l’un des moteurs majeurs pour les entreprises utiles et l’amélioration de l’économie nationale. En tant que substitut au capital, il est à peine moins utile que l’or ou l’argent dans l’agriculture, dans le commerce, dans les manufactures et les arts mécaniques (…) Un homme qui désire prendre et cultiver un lopin de terre l’achète à crédit et, en temps et en heure, il rembourse l’argent emprunté avec la production qu’il tire du terrain qu’il a amélioré par son labeur. Un autre monte une entreprise commerciale ; dans le crédit fondé sur son mérite, il cherche, et souvent trouve, les moyens de devenir en fin de compte un marchand prospère. Un troisième entre en affaires en tant que manufacturier ou technicien doté d’un savoir-faire mais dépourvu d’argent. C’est grâce au crédit qu’il peut se procurer les outils, les matériaux, et même la subsistance dont il a besoin, jusqu’à ce que son industrie lui fournisse un capital ; et même dans ce cas il tire du crédit existant et augmenté, les moyens d’étendre son entreprise. »

Proprement compris, l’objectif des politiques d’Hamilton n’était pas monétaire mais industriel et scientifique. Hamilton ne considérait pas la monnaie comme une richesse en tant que telle, mais comme la responsabilité constitutionnelle de l’État pour faciliter l’ingénuité scientifique et l’esprit d’entreprise. Dans son Rapport sur les manufactures, Hamilton définit le principe de base de l’économie comme un système physique de productivité. La valeur n’est pas définit en termes de capital mais des pouvoirs créateurs qui sont à l’origine de la hausse du pouvoir productif du travail, et en conséquence, de la hausse de la valeur du capital, obtenue via l’augmentation de la productivité et de la production. La valeur des biens, du travail et de la production, se détermine en fonction de hausses ou de baisses des taux de productivité.

Le système de crédit productif public mis sur pied augmentait les moyens et l’ingénuité des citoyens pour contribuer à leur propre bien-être et à l’intérêt général. L’objectif, au sein du crédit productif public, n’était pas de produire pour obtenir de l’argent, mais d’avoir du crédit comme moyen d’accroître la puissance du travail.

Les innovations et les inventions augmentent le profit des emprunts, accroissent la productivité de l’économie ; elles ne sont pas mécaniques. La démarche d’Hamilton, consistant à transformer de la dette monétaire en dette-crédit, s’avérait plus intéressante pour la croissance de l’économie que le simple effacement de cette dette monétaire.

L’économiste hamiltonien Robert Hare écrivait en 1819 :

« Dans un stricte système de droit (…) le crédit (…) est préférable à la monnaie. L’homme qui dispose de l’un a presque autant de facilité que celui qui dispose de l’autre, pour l’achat de matériaux à des fins commerciales ou manufacturières. Mais le stimulant pour l’industrie, ou l’effort obtenu, est très différent dans les deux cas. Le mécanicien qui possède cent dollars peut vivre sans travailler tant que cela dure. Il peut dépenser le tout ou une partie selon son bon plaisir et il peut travailler proportionnellement moins. Mais le mécanicien qui dispose d’un crédit de cent dollars, dispose quasiment de la même capacité que l’autre à gagner de l’argent ; mais ce privilège ne l’entretiendra pas dans l’oisiveté ou la dissipation. Cela ne lui sera d’une utilité que par l’intermédiaire de l’industrie.

Enclins avec toute la richesse substantielle et héréditaire à s’échoir dans des canaux plutôt amples que nombreux, les métaux précieux traversent un pays à grands flots, faisant sortir autant de richesses qu’ils en amènent, et contribuant ainsi plus à une magnificence partielle qu’à une fertilité généralisée : alors que le crédit, jaillissant sous la forme d’innombrables ruisselets auto-crées, diffuse son effet fertilisant à travers chaque région.  » [2]

Il est fondamental de comprendre que le crédit productif public des États-Unis, n’est pas seulement une monnaie bien régulée et du crédit disponible dans les banques, mais une organisation complète de l’économie par la pensée humaine, pour aboutir à la croissance. On le constate dans la politique spécifique qui guide l’ensemble des rapports de Hamilton sur le crédit productif public, en particulier celui de 1795, son dernier. La façon dont Hamilton a géré le Trésor montre une gestion des finances publiques constamment en accord avec le principe suivant : que le résultat de tout acquittement de dette, de toute nouvelle loi du Congrès, et des dépenses, devait conduire à un accroissement de la productivité.

La balance des paiements de la dette coordonnée par la Banque, était en permanence organisée selon le principe qu’il faut réorienter un surplus et des revenus vers l’augmentation de la croissance économique. Comme l’affirme la première loi du Congrès à la suite de son premier Rapport sur le crédit productif public, aucune dette de l’État ne devait être traitée comme une dette monétaire allant de soi, mais comme étant liée à un revenu futur en rapport avec des accroissements de productivité grâce à une économie régulée et rendue possible par la Banque.

Cependant, à partir de 1801, sous [le président] Thomas Jefferson et le secrétaire au Trésor Albert Gallatin, l’économie des États-Unis a fonctionné sur des bases diamétralement opposées au système hamiltonien, devenant un instrument au service d’intérêts étrangers comme avant la Constitution.

Gallatin avait été le principal opposant à la gestion par Hamilton du budget fédéral, à sa volonté de l’utiliser pour obtenir des hausses de productivité, ainsi qu’à l’utilisation de la dette comme instrument de crédit public. Gallatin s’opposait à l’ensemble de sa politique, ayant même voté contre la Constitution en 1789 et contre les pouvoirs octroyés par ce document à l’État dans son Article 1, Section 8, qui a permis aux États-Unis d’imposer sa souveraineté économique à l’Empire britannique. Gallatin a radicalement modifié la politique du département du Trésor et sa relation avec la Banque, en orientant le surplus de croissance économique vers le passé et le présent pour payer la dette nationale au plus vite, et coulant l’économie en conséquence. Les profits du système bancaire et les hausses de revenu national, fruits d’une productivité rendue possible uniquement par les dispositions habiles d’Hamilton, se retrouvèrent désormais sacrifiées, employées à éponger immédiatement la dette, coupant ainsi les liens de l’économie avec le futur.

Ainsi, bien que la Banque des États-Unis continuât d’exister, elle ne pratiquait plus le système de crédit productif public des États-Unis. Cas criant au sein du déclin plus général qui en résulta, l’élimination de la Marine, quasi-inexistante à quelques années pourtant de la guerre de 1812. [3]

L’administration Jefferson a créé les conditions qui, plus tard sous l’administration Andrew Jackson et sa réduction du gouvernement à « une simple machine », allaient mettre totalement fin au système de Hamilton. Ce processus fut facilité par des agents d’influence britanniques tels que Aaron Burr, Joseph Randolph et d’autres, qui ont livré l’économie aux fers axiomatiques du monétarisme, soumettant ainsi le pays une fois de plus aux intérêts de la Compagnie britannique des Indes orientales. [4]

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Siège de la deuxième banque nationale des États-Unis à Philadelphie.

Comment Mathew Carey a ressuscité le système hamiltonien

Sous la direction d’une de nos personnalités les plus excellentes, Mathew Carey – un protégé de Benjamin Franklin maîtrisant les principes de l’économie contenus dans le Rapport sur les manufactures d’Hamilton – une équipe fut mise sur pied pour restaurer les principes de l’économie hamiltonienne, dont la création de la deuxième banque nationale sous le président James Madison faisait partie. [5]

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L’économiste américain Mathew Carey, tableau de John Neagle (1925)

Cependant, l’existence d’une telle banque à elle seule n’implique pas nécessairement l’existence d’un système de crédit productif public, et le rétablissement du système hamiltonien n’a été couronné de succès qu’avec l’entrée en fonctions de Nicholas Biddle, un hamiltonien, comme directeur de la Banque en 1823, sous les directives de Mathew Carey. Ensemble, ils rétabliront une monnaie nationale fonctionnelle contre les effets de la spéculation résultant de la destruction du système hamiltonien. [6]

Comme sous Hamilton, à partir de 1823, le système était géré pour conclure des accords de crédit au lieu de sacrifier la richesse future sous l’autel de l’immédiat.

L’objectif de Biddle était de maintenir les opérations de l’économie au sein de l’échelle de temps du système de crédit productif public, au lieu de céder à la demande excessive d’honorer des paiements immédiats, en particulier en argent. Ceci permettait aux surplus productifs de toutes les parties d’être constamment absorbés pour la croissance future et l’investissement productif, exprimés par une plus grande disponibilité du crédit et non pas comme une richesse dormante allant simplement à une consommation accrue, qui est le fléau de l’argent. Ainsi, l’économie nationale pouvait croître en fonction de sa propre puissance productive plutôt que par des manipulations artificielles.

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Nicholas Biddle, président de la deuxième banque nationale américaine.

La valeur de la monnaie était déterminée par des taux de production en hausse, et la facilité et la sécurité avec lesquelles on pouvait investir dans une production accrue, consolidaient encore plus le crédit. Étant donné qu’on augmentait les surfaces cultivables, que des nouvelles manufactures sortaient de terre, que des réseaux de transport pour le charbon et la production étaient mis en service pour l’industrie et le transport des biens manufacturés, le volume de crédit bancaire qu’on pouvait escompter et mettre en circulation sans danger augmentait en proportion pour doubler et tripler pendant cette décennie.

La monnaie avait une relation organique avec la réalité des affaires et des échanges du pays – au lieu de n’aller qu’à ceux disposant de garanties suffisantes pour l’obtenir – et fluctuait en fonction des besoins de l’activité réelle de la société. La monnaie de la banque nationale et le crédit bancaire était fortement appuyés par le secteur productif et sa valeur augmentait au fur et à mesure que les coûts de production diminuaient.

Tel fut le principe de base du crédit papier en opposition à la monnaie papier, puisque aucune monnaie n’a de substance si elle n’unit pas les ressources et la croissance de l’économie réelle avec son extension et sa circulation. En contraste, la production d’argent ex nihilo à laquelle se livrent nos banques centrales actuelles, devient un instrument de subversion de la souveraineté nationale, au lieu de son progrès.

Dotée du pouvoir de diriger et de coordonner les interactions d’une croissance productive fondée sur le crédit, presque toute entreprise d’une certaine valeur faisait appel au crédit de la Banque (nationale) des États-Unis, en coordination avec les collectivités territoriales, sous condition que cela soit dans le contexte d’une monnaie régulée.

En un rien de temps, la réorganisation de la Banque opérée par Biddle, la confiance du peuple que cette banque serait désormais l’outil de l’investissement économique, ont donné un élan aux entreprises qui s’est traduit par une vaste expansion dans la construction des canaux et des industries. Quantité d’hommes industrieux, honnêtes et capables, furent encouragés à se lancer en tant que marchands, manufacturiers et fermiers, bien que dépourvus de tout capital de départ pour monter leur affaire, et s’appuyant sur le système de crédit. C’est seulement grâce à cette nouvelle confiance que des nouvelles terres furent défrichées avec grande rapidité, que des industries ont champignonné et que des canaux de telles dimensions furent construits.

Avec la croissance du système de crédit productif public, de moins en moins de transactions se réglaient en argent comptant. Comme le stipulait Hamilton, pour qui le crédit productif public ne devrait créer aucune dette sans en prévoir les moyens de son extinction, de façon identique toute banque commerciale, sous le contrôle de la Banque des États-Unis, devait faire valoir le même principe : aucune dette en soi ne devait être créée ; uniquement des accords de crédit garantissant que celui-ci soit retourné par les débiteurs aux banques à un taux égal à celui auquel il est accordé.

Dans le cadre d’un système de crédit productif public, la signification du mot ‘dette’ était transformée. La dette des fermiers était payée par la prochaine récolte, la dette des marchands par les ventes à venir, et sur une échelle plus vaste, la dette des États pour l’infrastructure était payée par le développement futur des industries qui allaient s’en servir. La dette créée pour l’aménagement du territoire ou les dettes personnelles dans les secteurs agricole et industriel faisaient partie d’une économie en pleine croissance sous un système de crédit productif public. Les États qui s’étaient endettés fortement pour construire des canaux et des routes, ont décidé d’ouvrir des mines de charbon et des industries sidérurgiques pour mettre en valeur les terres désenclavées. Ces nouvelles contrées et les industries qui se sont installées tout le long des corridors infrastructurels, ont décuplé les revenus par rapport à l’investissement initial.

L’imposition du monétarisme

Après la réussite du système de crédit hamiltonien sous la Deuxième Banque nationale des États-Unis, la seule poussée pour une politique de laissez-faire radicale est venue des agents britanniques et de ceux dont les profits provenaient essentiellement des échanges et du commerce, plutôt que de l’industrie nationale. Il ne s’agissait pas d’une simple différence de point de vue et d’opinion sur la Constitution.

Comme l’auteur l’a détaillé ailleurs, ceux qui tiraient les ficelles du président Jackson ont délibérément détruit le système de crédit productif et les principes de base de la productivité physique furent remplacés par l’orthodoxie monétariste au nom de laquelle on a justifié une réduction drastique de la circulation de monnaie. [7]

Ensuite, l’or et l’argent métalliques furent promus auprès de la population comme la vraie richesse à acquérir. La productivité n’était plus considérée comme une mesure de la valeur et on affirma avec force que la nation, en tant qu’entité économique intégrée, n’était plus un point de référence valable. La propriété individuelle et la « liberté » des riches propriétaires de terres et d’esclaves ont été déclarées sacrées.

La tartufferie des « lois du marché  » fut imposée pour remplacer le bien commun. L’Administration Van Buren demanda que la dette soit payée tout de suite, quelles qu’en soient les implications pour le futur et le gâchis pour le passé. Des accords de crédits valables furent présentés comme des excès de dépenses et la cause d’une crise, laquelle avaient été créée en vérité à dessein par les contrôleurs de l’Administration Jackson. Ces politiques furent remplacées ensuite par une politique d’austérité supposée apaiser « le marché ».

Sous la férule du système monétariste qu’on imposa, les dettes étaient considérées par rapport au présent, et une somme abstraite de dette et d’argent était définie comme adéquate à la taille du marché, dans l’illusion que le marché serait capable de générer par lui-même l’offre et la demande nécessaires à la production, sans le cadre d’un État bâtisseur de nation.

La monnaie émise par Abraham Lincoln fut mise en circulation selon les mêmes hypothèses fondamentales que les billets de la Banque des États Unis. Mais plus tard, de nouveau, sous l’administration d’Andrew Johnson, le secrétaire au Trésor McCullouch, travaillant avec l’agent britannique et déserteur de l’Administration Lincoln, David Wells, décida de réduire la masse monétaire, sans aucun rapport avec les besoins et capacités réelles de l’industrie. [8]

Reprenant à leur compte, en 1837-1839, les arguments de Jackson et de Van Buren, McCullouch et ses amis dans l’administration d’Ulysse Grant se moquaient des gens, en disant que la « surproduction » et le « marché » étaient à l’origine de la crise et que le système économique précédent avait été excessif. L’économie a ainsi été sacrifiée sur l’autel du monétarisme.

De telles contractions et crises, comme celles qui eurent lieu dans les années 1870, ou encore après l’assassinat de McKinley, ou le krach de 1928, résultèrent à chaque fois de la destruction intentionnelle de l’économie industrielle et du système de crédit productif qui va avec. Chaque fois, des sophismes, ou l’innocence feinte de Jackson et de Van Buren, ont permis d’attribuer l’origine des crises à d’autres causes.

Le bien-être (welfare) général et la Déclaration d’indépendance

Contrairement au mythe d’Andrew Jackson, le système de Banque des États-Unis a brisé l’aristocratie de l’argent, mettant à disposition le capital, au bénéfice de tous, sous la forme d’escompte et de prêts. Le système de crédit productif public signifiait que chaque citoyen pouvait faire de la concurrence à un riche capitaliste ; que c’était le droit de toute personne ayant un esprit d’entreprise d’avoir accès aux moyens permettant d’accroître la productivité.

La Déclaration d’indépendance portait déjà en elle-même l’exigence d’un système de crédit productif public hamiltonien, puisque c’est dans l’intention des « droits égaux inaliénables » que l’homme doué pour l’activité commerciale puisse s’y engager sur la base d’un capital emprunté avec intérêt ; qu’un homme ayant un savoir-faire dans le domaine industriel puisse profiter de cette facilité accordée à son entreprise, grâce à la confiance établie entre lui et le prêteur choisi pour l’accomplir ; le fermier devrait ambitionner de devenir le propriétaire de la terre qu’il cultive, grâce à un crédit établi en fonction de sa capacité à honorer ses obligations, avec son travail.

Les droits égaux ne sont pas un simple filet de sauvetage. Ce n’est pas juste la distribution d’argent de façon égale à chacun. Les droits égaux sont la capacité de contribuer à la productivité de la nation et donc le droit de contracter une dette dans ce but.

L’État ne peut pas créer de façon directe de la richesse en imprimant de l’argent ou en frappant monnaie, car la richesse ne se mesure qu’à l’aune de la productivité de l’économie. Cependant, un État, agissant de façon souveraine, peut créer une institution centrale qui régule les moyens de l’échange de crédit pour favoriser la productivité de l’économie. La responsabilité, le devoir et l’autorité des élus sont de donner une vision au pays – non pas de contrôler chaque détail, mais de créer les moyens de guider le bateau de l’État vers la prospérité nationale. Par le système hamiltonien de crédit, l’État remplit sa responsabilité en créant les moyens permettant de faire valoir ces droits.

Et avec ces droits, l’esprit d’entreprise s’anime grâce aux accords de crédit. Un nombre croissant de transactions se concluent alors sur la base des modes de paiement du système de crédit productif, au fur et à mesure que la liberté et la sécurité de la propriété d’une personne se renforce.

Puisque la conduite du travailleur garantit sa capacité à obtenir l’appui de capitaux, en rendant le travail plus productif et sa condition meilleure, un nombre toujours croissant d’incitations est créé pour que le citoyen américain utilise ses biens au service d’objectifs du futur. Le caractère moral des citoyens s’améliore et avec lui, l’efficacité du crédit. Le caractère moral de la société donne ainsi son pouvoir au système de crédit productif public.

Sans le système de crédit productif public comme l’ont conçu et mis en œuvre les auteurs de la Constitution, les Américains sont condamnés à souffrir d’une ironie : qu’avec la bannière de l’égalité des droits flottant au-dessus de leurs têtes, l’exigence d’honorer des créances avec la richesse du présent et du passé emprisonne l’entreprise, châtre les capacités, et leur vole le droit d’accroître la puissance de leur travail.

Comme le formulait William Elder, l’un des protagonistes du système américain d’économie politique en 1871 :

Une société sans un système de crédit productif public est tout simplement sauvage. Une économie qui se fonde sur les affaires, dont le capital serait restreint à la propriété matérielle, reviendrait à une forme de despotisme de la propriété (…) aussi mort que la terre insensible, où tout ce qui est précieux est figé dans les cristaux, et où tout ce qui est ordinaire, est aussi impuissant que les rochers dans lesquels l’or et l’argent sont confinés. »

La leçon des années 1930

Une leçon cruciale doit être tirée de l’approximation du système de crédit productif mis en œuvre par le Président Franklin Roosevelt. Son administration n’a pas seulement dû réorganiser les banques mais rétablir le principe de crédit qui autrement faisait défaut. Roosevelt n’a pas réorganisé les banques par seule préoccupation des banques elles-mêmes, mais pour les rendre capables d’opérer dans le nouveau contexte du principe de crédit productif qu’il visait à rétablir, notamment avec son plan « Banques de crédit pour l’industrie », devenu par la suite la Reconstruction Finance Corporation renouvelée ou RFC (Banque de financement de la reconstruction). La loi sur les progrès industriels (Industrial Advances Act), les amendements ultérieurs à la RFC et autres politiques de crédit adoptées, avaient pour but de garantir le succès d’une reprise industrielle suite à des décennies d’échecs des politiques économiques, provoquées par la prise en main des politiques des États-Unis par la City de Londres et Wall Street.

Correctement analysée, la politique de Roosevelt de prêts directs à l’industrie, à partir de 1934, ne visait pas à rajouter une fonction spéciale à l’économie, mais plutôt à en créer une, puisque l’économie productive qui avait existé, avait été détruite au cours des décennies où les accords de crédit productif à long terme au profit du progrès industriel, ont été remplacés par la pure spéculation. Roosevelt a réussi à recréer un système de crédit opérationnel en réorientant le système financier vers l’économie physique, plutôt que vers les banques que le système de la Réserve fédérale avait servi.

Rétablir la conception d’origine

Le système de crédit productif public des États-Unis est une économie définie par des taux croissants de productivité où le commerce se retrouve au second plan. Il se fonde sur une monnaie en circulation qui représente une valeur future, qui établit un lien entre l’intention à long terme de l’État, et sa capacité de réaliser cette intention. Il fournit un moyen suffisant pour des paiements futurs, sous le contrôle d’une institution centrale de crédit accordant des prêts et des cycles de l’escompte au service de l’économie.

Le système de crédit productif public permet à la nation de disposer d’un levier en capital dépendant du volume de commerce physique qu’elle peut soutenir. La masse monétaire et le volume de crédit sont régulés par ce principe crucial et non pas par une quelconque formule mathématique. Les politiques de crédit industriel peuvent s’égarer, mais sous la direction d’économistes issus de la tradition du système américain d’économie politique, cela ne dure jamais longtemps ; cela n’est d’ailleurs jamais arrivé.

C’est la leçon à apprendre maintenant, sinon la nation risque de périr par le manque d’attention donnée aux simples lois de la productivité et par l’allégeance à des axiomes complètement étrangers à notre propre héritage. Notre nation ne peut pas être découpée en morceaux. Sous Obama, et en gros depuis John Kennedy, toute volonté audacieuse visant à la défendre en la faisant passer avant les intérêts de Wall Street, et avant les échanges avec l’étranger ou supranationaux, a disparu du siège de notre gouvernement.

Le crédit exige de la vigueur, de la puissance et de l’autorité. L’échec à utiliser l’autorité de l’État signifiera la perte de la nation. L’enjeu ici n’est pas celui du « gouvernement restreint » contre un « big government », encore moins celui des démocrates contre des républicains. Le système de crédit productif public est une affaire de prospérité nationale.

Heureusement, les mythes du monétarisme ont été réfutés d’innombrables fois par nos meilleurs économistes des XVIIIe et XIXe siècles, Benjamin Franklin, Alexander Hamilton, Mathew Carey, Daniel Raymond, Henry Carey, William Elder, Robert Ellis Thompson et Stephen Colwell.

Pourvu qu’on ne s’obstine pas à débattre de faux sujets, les avocats du crédit productif public sont descendus dans l’arène et peuvent une fois de plus arracher la victoire. Si les vrais patriotes d’aujourd’hui prennent la suite de ces grands économistes, comme Lyndon LaRouche l’a fait, leurs adversaires seront battus d’avance.

L’État doit se réapproprier son pouvoir de légiférer sur la création d’un système financier qui fournisse à chaque citoyen le droit de mettre en œuvre son goût d’entreprendre, un système de monnaie qui lui donne une capacité d’accroître sa productivité, et le droit de contracter une dette à cette fin. Le Congrès a à plusieurs reprises abandonné son pouvoir en maintenant le mythe d’Andrew Jackson. [9]

Ce mythe a été détruit et l’État est maintenant libre pour rétablir la version originale de la Banque des États-Unis et du système de crédit hamiltonien.


[1[Note du traducteur : pour expliciter l’intention de ce texte, nous avons (presque) toujours traduit le terme « credit system » par « crédit productif public » aux endroits adéquats. Pour la même raison, nous avons également (presque) toujours traduit « The government  » par «  L’État » alors que forcément, aux États-Unis, le mot État à un autre sens qu’en France.

[2Robert Hare, Les preuves que le crédit en tant que monnaie dans un pays réellement libre est largement préférable à l’argent comptant, résumé d’un pamphlet de 1834.

[3Entre 1801 et 1812, Gallatin avait réduit de 80% la dette pour l’augmenter rapidement de 180% pour faire face aux dépenses de guerre. En final, la dette augmenta de 60% par rapport au niveau d’endettement sous Hamilton.

[4Michael Kirsch, “The Myth of Andrew Jackson Is Hereby Destroyed,www.larouchepac.com/andrewjackson

[5Mathew Carey, Essays on Political Economy ; or The Most Certain Means of Promoting the Wealth, Powers, Resources, and Happiness of Nations, Philadelphia 1822

[6Michael Kirsch, The Credit System vs Speculation : Nicholas Biddle and the 2nd Bank of the United States, Executive Intelligence Review (EIR), 20 juin 2012.

[7Michael Kirsch, The Myth of Andrew Jackson Is Hereby Destroyed

[8Allen Salisbury, The Civil War and the American System : America’s Battle with Britain 1860-1876

[9Michael Kirsch, The Myth of Andrew Jackson Is Hereby
Destroyed,