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Le Mali a soif de développement !

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Christine Bierre
Éditrice en chef du journal Nouvelle Solidarité

(Solidarié&Progrès)—Le top départ pour les élections présidentielles du Mali, le 28 juillet prochain, a été donné, et bien que tout le monde soit conscient qu’elles n’ont pas lieu dans des conditions idéales, le sentiment général est qu’il vaut mieux rétablir au plus vite l’institution de la Présidence et poursuivre les réformes ensuite. Puissante incitation aussi, le fait que les fonds promis au Mali, lors de la conférence des donateurs réunis à Bruxelles le 15 mai, ne seront pour la plupart déboursés qu’au fur et à mesure que l’ordre de paix sera rétabli.

En tout, 3,2 milliards d’euros ont été promis, une somme très importante pour l’un des pays les plus pauvres de la planète. Pas plus qu’un hors-d’œuvre cependant si l’objectif en vue est non seulement la sortie de crise, mais la modernisation rapide du pays, son entrée pleine et entière dans le XXIe siècle !

Et c’est le rêve de beaucoup de patriotes maliens. Pour eux, la situation est mûre ; le choc de voir leur antique patrie démembrée a créé le sentiment d’urgence qui peut inciter les hommes à accomplir de très grandes choses. A condition de prendre son élan dans la grandeur passée de l’Empire du Mali, pour se porter le plus loin possible, au-delà des sables qui couvrent l’horizon.

Tout reste à construire pourtant, dans ce pays immensément riche ! Riche d’abord d’une population de 16 millions d’habitants, dont une diaspora particulièrement mobilisée depuis les événements. Riche en matières premières : l’or dont il est le troisième exportateur africain, l’uranium de Faléa, le gaz et le pétrole de Taoudeni. Riche en bétail avec un cheptel, troisième source d’exportation après l’or et le coton, estimé à 9 millions de bovins et 32 millions d’ovins-caprins. Pourtant, dans ce pays, seule 24 % de la population est lettrée, 80 % est rurale et l’espérance de vie ne dépasse pas 52 ans !

Le trésor du système Faguibine

Le Mali est surtout très riche en eau, même si cette ressource est terriblement mal répartie. Grâce aux fleuves Niger et Sénégal qui le traversent, à un important volume de précipitations, à une eau de surface abondante et à de riches aquifères, le volume d’eau renouvelable par habitant et par an est de 10 000 m3 (contre 3370 m3 en France en 2005 !).

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Carte du Mali - Avec agrandissement de la région de Tombouctou à droite.

Pourtant, seulement 0,2 % de ses ressources sont exploitées. C’est la raison pour laquelle, lorsque la France a déclenché la guerre contre les djihadistes au nord du Mali, Jacques Cheminade a immédiatement proposé qu’outre l’action militaire, nécessaire, la France contribue au développement économique du pays, par la remise en eau du système Faguibine et l’augmentation des surfaces irrigables de l’Office du Niger, dans le Delta intérieur du Niger. Car, sans développement économique, impossible d’assurer la paix au Mali.

Notons avec intérêt que le Plan pour la relance durable, remis par le Mali à la conférence des donateurs de Bruxelles, met à la septième place de ses douze priorités, deux défis majeurs : que le Mali « redevienne le grenier à céréales et le premier producteur de viande, de lait et de poissons d’eau douce de l’Afrique de l’Ouest et qu’il se transforme en puissance agro-industrielle ». Cela pose « la nécessité de sécuriser le fleuve Niger » et « la mise en valeur des immenses potentialités de la zone lacustre dans la région de Tombouctou, où le système Faguibine (…) constitue non seulement une ressource essentielle mais un véritable trésor (…) ». Le plan prévoit aussi pour l’Office du Niger de « doubler les surfaces exploitées d’ici 2017 ».

L’Office du Niger est un complexe aménagé de 88 000 ha de cultures irriguées sur le Delta intérieur du Niger, un écosystème humide de 36 000 km² décrit comme « très productif, caractérisé par une biodiversité extraordinaire et des systèmes de production sophistiqués pour un million de personnes, contribuant pour près de 10 % au PIB du Mali par ses pêcheries (jusqu’à 100 000 tonnes/an), ses pâturages pour plusieurs millions de têtes de bétail et son agriculture (50 000 à 130 000 ha de riz flottant et d’agriculture de décrue, essentiellement du sorgho) »

A l’ouest de Tombouctou, le système Faguibine est constitué de cinq cuvettes (lacs) qui forment les plaines inondables les plus septentrionales du Delta intérieur du Niger. En cas de fortes crues, l’eau qui se déverse depuis la branche occidentale du fleuve par deux canaux, le Kondi et le Tassakana, permet au lac Faguibine d’atteindre jusqu’à 590 km².

Les pointes de crue du Niger à Diré, et leur durée, déterminent si le niveau d’eau est suffisamment élevé pour inonder tout le système Faguibine. Avec des bénéfices innombrables pour les populations ! Lorsque le système est en eau, la pêche est estimée à 5000 tonnes par an, et il permet d’approvisionner les collectivités locales en eau potable, abreuver le bétail et recharger les nappes phréatiques. En décrue, la fertilité des sols très argileux et leur capacité à retenir l’eau donnent lieu à un système de polyculture décrit comme « remarquable », avec deux cultures consécutives par an.

Or, ce système est pratiquement asséché depuis les années 1970. En cause, la baisse de la pluviométrie au départ du fleuve Niger, l’ensablement du fleuve et des canaux qui conduisent l’eau au système Faguibine, la déforestation et les retenues « sauvages » opérées par des particuliers qui n’ont pas d’accès alternatifs à l’eau.

Sur tout cela, l’homme peut agir. Il suffit d’avoir des capitaux et la volonté politique pour réussir. Aidons nos amis maliens !