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NSSM-200 : la guerre démographique de Kissinger contre le tiers monde

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Extraits d’un rapport de l’Executive Intelligence Review (1992)

Il n’y pas si longtemps, les Etats Unis se vantaient d’être la première puissance économique mondiale. A l’exception d’une faction de l’establishment dominée par une idéologie typique de l’oligarchie britannique, une vaste majorité des citoyens était favorable à l’idée de progrès.

Avant le milieu des années 60, des concepts tels que la rareté des ressources naturelles, la croissance nulle et l’explosion de la démographie, n’avaient aucune influence sur la plupart des américains. Ces idées étaient soutenues par le noyau dur de l’élite néo-malthusienne américaine. La plupart des américains moyens pensaient que le choix du nombre d’enfant était question de moralité et de mœurs personnelles. Aussi, la plupart des gens à l’époque pensaient à raison - avant qu’ils ne soient convaincus par les brigades qui militent en faveur d’une croissance nulle - que la science et la technologie permettaient de soutenir une croissance continue de la population mondiale.

L’idée qu’il y avait une crise de la démographie, ou que le gouvernement américain devrait intervenir pour réguler le nombre de naissances, aussi bien sur le territoire qu’à l’étranger, eut été reçu comme autant de scepticisme que d’horreur.

Par ailleurs, beaucoup d’américains soutenaient qu’il était de la responsabilité des Etats-Unis d’étendre leur prospérité aux personnes les plus démunies de la planète, un engagement à l’origine du Plan Marshall d’après guerre, de la reconstruction du Japon et de l’Alliance pour le Progrès (Alliance for Progress) du président John F. Kennedy.

Du fait de l’influence de la force de l’opinion publique concernant ces questions, le président Dwight Eisenhower refusa de mettre en œuvre les recommandations d’une commission qu’il avait nommée pour enquêter sur les questions de démographie mondiale. « Le contrôle des naissances n’est pas de notre compétence, » affirma-t-il. « Je ne puis imaginer un quelconque sujet qui relève moins de la politique propre du gouvernement (…) ou de sa responsabilité. »

Eisenhower n’était pourtant pas personnellement opposé à la « planification de la famille ». Quelques années après son mandat, il rejoint la Fédération de planification familiale (Planned Parenthood). Alors, interprétant avec discernement l’opinion publique, il décida que s’il impliquait le gouvernement dans la question très personnelle de la reproduction, il provoquerait une tempête sur l’échiquier politique.

Son successeur, John F.Kennedy, s’opposa également au financement par le gouvernement de la « planification familiale », sur la base que de telles mesures pourraient « sembler favoriser la limitation des naissances des personnes de couleur, dont la population s’accroît plus vite aux Etats-Unis que nulle part ailleurs dans le monde. » (Malheureusement, Kennedy autorisa le Département d’Etat à déclarer officiellement que les Etats Unis étaient concernés par l’accroissement de la population dans les pays en voie de développement).

La guerre démographique des Etats-Unis

Mais ce point de vue allait changer radicalement en l’espace de quelques années. Avec l’assassinat de John Kennedy, les Etats-Unis commencèrent à subir un profond changement de politique, rejetant l’investissement dans l’industrie, l’infrastructure et la recherche et développement, qui avait transformé le pays d’un régime colonial stagnant en un géant industriel en quelques centaines d’années. Plutôt qu’une croissance économique guidée par un vecteur scientifique et technologique, les élites américaines favorisèrent le canular que constitue la société « post-industrielle » - l’équivalent économique du nouvel age des ténèbres - qui a conduit fatalement les Etats-Unis vers l’actuel effondrement économique.

Pour justifier ce changement radical, une nouvelle idéologie fut crée - l’idéologie « Halte à la croissance ». Les experts décidèrent du jour au lendemain que les ressources de la terre s’épuisaient et que la raison principale de cet épuisement était « la bombe démographique ». Ils prétendaient que si l’humanité ne ramenait pas ses taux de reproduction à zéro ou moins, particulièrement dans les pays en voie de développement, alors l’humanité était condamnée. Cette absurdité pseudo-scientifique autorisa un volte-face dans la politique démographique américaine.

Au début des années 60, le lobby du contrôle de la population lança une croisade en vue de réduire la population mondiale, particulièrement les races de couleur dans le tiers monde et aux Etats-Unis même. Une série de nouvelles associations - telle que Croissance de population zéro (Zero Population Growth), le Comité de crise de la population (Population Crisis Committee) et la Campagne pour freiner l’explosion de la population (Campaign to Check the Population Explosion) - émergea. Avec la complicité des principaux médias et dirigeants politiques (parmi eux, le congressiste Georges Bush), ils submergèrent la population de récits terrifiants sur « la bombe démographique », prétendirent que la quantité de ressources naturelles n’était plus suffisante pour tolérer toute augmentation de la population humaine et réclamèrent du gouvernement qu’il prenne les mesures restrictives nécessaires contre la race humaine.

Ces éléments clés de la campagne ne se contentèrent pas seulement de revendiquer des mesures brutales pour limiter l’accroissement de la population ; ils revendiquèrent également l’arrêt de tout progrès économique. Paul Ehrlich, auteur de l’infâme Population Bomb, recommandait dans son Population, Resources, Environment : Issues in Human Ecology (Population, Ressources, Environnement : problèmes de l’écologie humaine) (1970) qu’« une campagne de grande ampleur doit être lancée pour restaurer la qualité de l’environnement en Amérique du Nord et pour dé-développer les Etats-Unis. Dé-développer signifie adapter notre système économique (particulièrement les modèles de consommation) aux réalités écologiques et à l’état des ressources mondiales. Cette campagne serait amplement politique, surtout si l’on considère la surexploitation de nos ressources mondiales, mais la campagne devrait être largement accompagnée de lois et d’actions de boycott contre les pollueurs et contre toute autre activité de dégradation de l’environnement. »

Sous l’impulsion du lobby de la démographie, la politique des Etats-Unis changea radicalement. On cessait l’aide au tiers monde, dont le but était de favoriser le développement économique de ces pays afin qu’ils puissent subvenir aux besoins de leur population en expansion. Le but était dès lors de détruire leur potentiel de vie. Il n’était plus tabou de promouvoir le contrôle des populations, comme cela l’était en 1959 ; désormais, il était tabou de s’y opposer !

Plutôt que d’exporter des technologies vers le tiers monde, le gouvernement américain, en collaboration avec l’Agence pour le développement international et une multitude d’organisations privées telles que la Fédération internationale pour la planification de la famille (International Planned Parenthood), commencèrent à réorienter une proportion sans précédent de fonds étrangers vers des organismes de contrôle des naissances, et vers les techniques d’avortement et de stérilisation, la plupart d’entre elles étant réalisées sous contrainte, comme en Asie, en Afrique et en Ibéro-Amérique.

Sur le territoire, sous l’influence de la stratégie du « dé-développement » d’Ehrlich, de l’argent était investi dans des régions pauvres habitées par les minorités en faveur de cliniques de « planification familiale », où toute sorte d’abus était pratiqués, comme la stérilisation forcée.

Reimert T. Ravenholt, qui dirigea pendant 15 ans l’Agence américaine pour le développement international (AID) à partir du milieu des années 60, résuma l’esprit de cette campagne de la sorte : « Personne ne devrait se reproduire au-delà de sa capacité à élever sa progéniture. » dit-il à Peter Donaldson, auteur de Nature Against Us (La nature contre nous). « Si une famille pauvre désire avoir des enfants et élever des enfants au-delà de toute autre considération, je pense que c’est leur droit du moment de les élever. Mais je suis fortement opposé au fait que des gens pauvres se reproduisent au-delà de leurs moyens et demandent ensuite à leur voisin, “il faut que vous vous occupiez de ces enfants, parce que j’en suis incapable.” »

Le gouvernement américain devint rapidement le principal investisseur des programmes de contrôle de la population dans les autres pays, en avançant l’idée que l’aide financière et matérielle américaine dépendrait de la volonté du pays à restreindre son taux de reproduction.

Selon Donaldson, les fonds américains en faveur du contrôle de la population sont passés de 2.1 millions de dollars en 1965 (15.4% de l’aide étrangère américaine totale) à 185 millions de dollars en 1980, ce qui représente plus de 50% de l’aide étrangère américaine. Mais cela ne reflète pas totalement la quantité réelle d’argent issu des coffres du gouvernement américain investi dans les efforts à réduire les taux de reproduction de la population dans le secteur en développement.

Entre 1981 et 1989 - les années de l’administration « pro-vie » Reagan-Bush - l’AID consacra 3 milliards de dollars aux activités de contrôle de population, plus de trois fois le montant dépensé pendant les 15 années antérieures, depuis que les Etats-Unis ont commencé à financer de telles mesures. Selon un rapport récent de l’AID, l’agence fournit environ 75% des contraceptifs dans les pays en voie de développement, ce qui inclut les contraceptifs oraux, les préservatifs, la stérilisation chirurgicale et 50 millions de stérilets. Le même rapport vante le fait que l’AID finance des programmes de réduction de population dans 95 pays en voie de développement, 45 d’entre eux en Afrique sub-saharienne.

Toutefois, ces dépenses ne traduisent par toute l’ampleur de la volonté du gouvernement américain de réduire la croissance des populations. Comme le signale Donaldson, des sommes colossales ont été déboursées par des agences privées américaines, dirigées par les fondations Ford et Rockfeller et le Conseil de Population , en faveur de programmes de contrôle démographique dans les pays étrangers. Il documente le fait que le gouvernement américain avait passé un accord officieux avec ces institutions privées pour qu’elles deviennent publiquement leader des programmes de réduction de population dans le tiers monde, dans le but de protéger Washington des critiques de la population. Un rapport de l’AID sur les difficultés d’une implication directe du gouvernement dans le financement de campagnes de réduction de population, commente : « Une aide directe du gouvernement américain pourrait engendrer (…) d’indésirables (…) affrontements politiques. »

En décembre 1968, l’administrateur de l’AID Rutherford Poats, écrit à John E. Moss qu’un comité consultatif « d’experts de haut niveau en questions de population et de maîtrise de la fertilité ont grandement affirmé la nécessité que (…) l’AID essaie de tenir à l’écart de l’opinion, de la presse et de la politique en Amérique latine, les programmes de contrôle des naissances. Ils ont recommandé que l’on dirige notre aide autant que possible vers des intermédiaires privés telle que la Fédération internationale pour la planification de la famille (International Planned Parenthood Federation), le Fonds pathfinder (Pathfinder Fund), le Conseil de la population (Population Council) et vers des agences internationales telles que les Nations Unies. (…) Ils ont particulièrement déconseillé de révéler que le gouvernement américain a un programme démographique pour l’Amérique latine. »

Henry Kissinger fut plus explicite dans un document confidentiel qu’il rédigea en 1974, alors qu’il était conseiller à la sécurité nationale du président Ford. Dans ce National security study memorandum 200 (rapport sur la sécurité nationale), Kissinger écrit : « Il y a également le danger que les dirigeants des pays les moins développés considèrent les motivations des pays riches pour la réduction des populations comme une forme d’impérialisme économique ou racial ; cela pourrait créer de sérieuses répercussions. » Il ajouta donc : « Il est vital que les dirigeants des pays les moins développés ne voient pas, dans la volonté de développer et de renforcer un engagement de leur part [pour la réduction de population], une politique des pays industrialisés pour maintenir leur pouvoir ou pour détourner les ressources naturelles en faveur des pays ’riches’. Une telle perception pourrait créer de sérieuses répercussions défavorables au projet de stabilité des populations. »

Surpopulation ou mainmise sur les ressources naturelles ?

Le lobby du génocide aux Etats-Unis à mis en œuvre tous les moyens de propagande et de persuasion à leur disposition pour revendiquer le fait que son unique motivation à promouvoir le contrôle des populations est la santé et le bien-être des peuples du tiers monde. Selon la ligne officielle, les Etats-Unis craignent que le tiers monde soit incapable de développer son économie s’il ne restreint pas la croissance de sa population, et sont soucieux de l’oppression que vivent les femmes du tiers monde du fait d’un trop grand nombre d’enfants.

Cette idée n’est que diversion, pour ne pas dire hypocrisie de la pire espèce. La vérité est que puisque que les Etats-Unis avaient adopté une politique de croissance nulle, il s’ensuivit inévitablement qu’ils empêcheraient toute puissance étrangère de se développer à un point qui pourrait remettre en question la suprématie impériale de Washington. « Nous avons décidé de ne pas nous développer, alors vous ne pouvez pas non plus » a été le message de Washington depuis le milieu des années 60. Et il s’agit d’un message, cela doit être souligné, qui était adressé aussi bien aux pays du tiers monde qu’aux pays industrialisés, tels que le Japon et l’Allemagne, qui ont refusé de suivre les Etats-Unis dans leur politique économique et scientifique suicidaire.

La véritable motivation qui se cachait derrière la politique américaine de contrôle des populations était mise à nue dans une série de trois rapports secrets du Conseil de sécurité nationale, écrits par deux conseillers à la sécurité nationale successifs, Henry Kissinger et Brent Scowcroft (anciennement conseiller à la sécurité nationale de George Bush), entre 1974 et 1976. Le secret sur ces documents n’a été levé que récemment. Le premier, paru le 10 décembre 1974, s’intitule National Security Study Memorandum 200 : Implications de la croissance de la population mondiale sur la sécurité des intérêts américains outre mer. Le second, National Security Decision Memorandum (NSDM 314), paru en 1975, devait établir les lignes d’application de cette nouvelle politique : l’on décidait pour ainsi dire de « passer à l’acte ». Le troisième, First Annual Report, paru en 1976, faisait état des progrès accomplis leur mise en œuvre de cette stratégie. Ainsi il devint soudainement évident que la cause première de l’attaque menée contre les populations du tiers monde était la volonté de la part des américains de maintenir leur accès aux matières premières bon marché, et d’éviter que tout pays du tiers monde ne devienne une puissance mondiale.

Concernant le problème des ressources naturelles, on lit dans NSSM 200 : « La localisation des réserves connues de minerai de qualité supérieure accentue une dépendance croissante de toutes les régions industrialisées sur les imports en provenance des pays les moins développés. Les véritables problèmes d’approvisionnement en minerai ne consistent pas en une simple question d’abondance physique, mais en une question politico-économique d’accès en terme d’exploration et d’exploitation, et de division des profits entre producteurs, consommateurs et gouvernements des pays hôte. »

Traçant une connexion directe entre croissance de population et revendication pour un accord plus équitable sur la distribution des matières premières du tiers monde, le document continue : « Des concessions aux pays étrangers peuvent être vues comme de l’expropriation ou une intervention arbitraire. Aussi bien à travers l’action du gouvernement, des conflits ouvriers, du sabotage, ou des émeutes civiles, le flux régulier des matières premières nécessaires sera mis en péril. Bien que les problèmes de population ne soient pas les seuls facteurs impliqués, ce genre de perturbations est moins probable sous les conditions d’une croissance lente ou nulle de la population. Par conséquent, la réduction de la population dans ces états est une question vitale pour la sécurité nationale des Etats-Unis.

« Quoi qui puisse être fait pour se protéger contre les interruptions d’approvisionnement (…) l’économie américaine va exiger des quantités croissantes de matières premières en provenance de l’étranger, particulièrement des pays les moins développés. Ce fait accroît l’intérêt qu’ont les Etats-Unis à la stabilité politique, économique et sociale des pays fournisseurs. Partout où une réduction de population mise en œuvre via une réduction des naissances peut renforcer l’espérance d’une telle stabilité, la politique démographique devient importante pour l’approvisionnement en ressources et pour les intérêts économiques des Etats-Unis. »

NSSM 200 a aussi exprimé la crainte de Washington que certains pays du tiers monde se développent politiquement et économiquement au point de devenir un point de ralliement contre ce qui était devenu une véritable poussée néo-colonialiste américaine. Le rapport cite 13 « pays-clé » pour lesquels il existe un « intérêt politique et stratégique américain particulier » d’imposer une politique de contrôle et de réduction de la population. La principale raison pour laquelle ces pays sont ainsi cités est que l’effet de l’accroissement de leur population est jugé apte à accroître leur pouvoir politique, économique et militaire régional et même mondial. (Les partisans de la croissance nulle proclament publiquement que l’accroissement de population enfreint le développement, mais NSSM 200 montre qu’ils savent fort bien que l’opposé est vrai.) Les 13 pays-clé identifiés par NSSM 200 sont : l’Inde, le Bengladesh, le Pakistan, le Nigeria, le Mexique, l’Indonésie, le Brésil, les Philippines, la Thaïlande, l’Egypte, la Turquie, l’Ethiopie et la Colombie. L’étude exprime une inquiétude sur le fait que même avec la mise en place de programmes de réduction de la population dans ces pays, « les taux d’accroissement de la population ont tendance à s’élever considérablement avant qu’ils ne commencent à décliner. »

Ainsi, par exemple, « le Nigeria tombe dans cette catégorie. D’ores et déjà le pays le plus peuplé du contient [africain], avec 55 millions de personnes estimées en 1970, la population du Nigeria atteindra 135 millions de personnes à la fin du siècle. Cela suggère un rôle politique et stratégique grandissant pour le Nigeria, au moins en Afrique au sud du Sahara. »

Pareillement, l’Egypte : « La taille grandissante de la population égyptienne est, et restera pendant plusieurs années, une considération importante dans la formulation de beaucoup de politiques étrangères et nationales pas seulement de l’Egypte, mais aussi des pays voisins. » Comme pour le Brésil, il « domine clairement le continent [Ibéro-américain] démographiquement », rapporte l’étude, avertissant qu’en conséquence, il y aurait une « élévation du statut du Brésil en Amérique latine et sur la scène mondiale dans les 25 prochaines années. »

Le rapport NSSM 200 d’Henry Kissinger a exprimé de graves inquiétudes au sujet de la résistance que les Etats-Unis ont rencontré au sujet de leurs plans draconiens de réduction de population à la Conférence mondiale sur la population (World Population Conference) qui eut lieu à Bucarest en août 1974. Lors de cette conférence, plusieurs nations du tiers monde se sont jointes au Vatican, à la Chine et à l’Europe de l’est pour s’opposer vigoureusement à la proposition américaine d’un plan d’action mondial pour réduire la population. Washington espérait que la conférence soit un événement qui change son époque, et devint fou de rage face aux obstacles émergeant sur son chemin. Se référant à cette conférence, le rapport de Kissinger énonce : « Il y eut une consternation générale, quand au début de la conférence, le plan fut sujet à une attaque venant de 5 fronts de la part de l’Algérie, avec le soutien de plusieurs pays africains ; l’Argentine, soutenue par l’Uruguay, le Brésil, le Pérou et de manière plus limitée, d’autres pays d’Amérique latine ; le groupe d’Europe de l’est (moins la Roumanie) ; la RPC (Chine) ; et le Saint-Siège. »

Le rapport en vint à déplorer le fait que les objections au plan étaient basées sur l’idée qu’un « Nouvel ordre économique mondial » pourrait être la base d’un développement économique et social du secteur des anciennes colonies, et aussi la base du respect de la souveraineté des ces pays. Cela ferait apparaître le contrôle des populations inutile ou même dangereux, s’inquiète le rapport, se plaignant de « l’idée utopique selon laquelle le développement économique pourra résoudre le problème » de la population. Ces idées avaient déjà été développées de manière plus aboutie dans les écrits de Lyndon H. LaRouche, que Kissinger, Bush et les autres ont par la suite expédié pour 15 ans dans une prison fédérale américaine. L’effort de Kissinger pour anéantir le mouvement de LaRouche et sa campagne pour le développement économique et la justice sociale remonte à la période en question, quand l’influence de LaRouche était devenue un puissant facteur international avec lequel il fallait compter. Bien que le document du Conseil de sécurité nationale ne mentionne pas ce fait, Helga Zepp, maintenant Madame Helga Zepp-LaRouche, mena une intervention à la conférence de Bucarest autour des idées du « Nouvel ordre économique mondial », défiant personnellement l’interlocuteur John D. Rockfeller III et sa politique de réduction de population aux implications génocides.

Une suite au document NSSM 200 parut en mai 1976, toujours sous l’égide du Conseil de la Sécurité Nationale. Intitulée Premier rapport annuel sur la politique démographique internationale américaine, l’étude fut envoyée à un groupe choisi de représentants officiels de plusieurs gouvernements pour sa mise en œuvre, y compris le directeur de la CIA de l’époque George Bush. Ce document identifiait les diverses entraves politiques, religieuses et culturelles à la promotion du contrôle de la population dans le tiers monde et ébauchait une stratégie pour subvertir la résistance. Le rapport reconnut que « dans la mesure où la planification familiale est identifiée au monde occidental, particulièrement les Etats-Unis, il y a de plus grandes réticences aux planifications familiales dans certains pays. Ce facteur peut être particulièrement perceptible dans les conférences internationales dans lesquelles les pays du tiers monde tendent à joindre leurs efforts contre l’Occident, contre le capitalisme, et en faveur du ’Nouvel Ordre Economique International’. »

Par conséquent, « Il s’ensuit que nos efforts pour promouvoir la planification familiale parmi les pays non-engagés doivent être accordés aux attentes particulières de chacun de ces pays. Cela nous permet de souligner le rôle important de notre ambassadeur et de son équipe dans chaque pays en développement en terme de conseil à Washington sur la façon de mener l’action la plus efficace dans les circonstances particulières de ce pays et qu’il soit informé qu’il se doit de prendre ses propres initiatives pour parvenir à ces objectifs. »

Dès lors, les programmes de population américains mirent davantage l’accent sur des opérations indirectes, qui reposent plutôt sur un plan de recrutement de politiciens indigènes et autres dirigeants, de médecins et autres personnes de la santé, pour réaliser concrètement les opérations. Cette approche est illustrée par des campagnes telles que la campagne de Johns Hopkins discutée plus haut.

NSSM 200 et ses successeurs ne laissèrent pas de doute quant au fait que les Etats-Unis useraient de mesures coercitives si la « persuasion » ne faisait pas l’affaire. Dans NSSM 200, Kissinger esquisse un scénario dans lequel l’aide en nourriture est gelée pour forcer les pays récalcitrants à accéder à la demande américaine concernant le contrôle de la population : « Il y a aussi un précédent établi pour tenir compte de la performance de la planification familiale dans l’estimation de l’aide exigée à l’AID et aux groupes consultatifs. Puisque la croissance de la population est un facteur déterminant dans l’accroissement des demandes en nourriture, l’allocation des rares ressources PL 480 devrait tenir compte du niveau atteint par le pays en terme de contrôle de la population et en terme de production de nourriture. Il est cependant important, dans ces relations sensibles, aussi bien dans la forme que dans le fond, d’éviter d’afficher tout aspect de contrainte. »

Le document de Kissinger évoque la possibilité que « des programmes obligatoires peuvent être nécessaires et que nous devrions maintenant considérer ces trois possibilités », ajoutant : « La nourriture sera-t-elle considérée comme un instrument de pouvoir national ? Serons nous contraints de faire des choix sur les pays que nous devrons raisonnablement aider, et si c’est le cas, les efforts de contrôle de la population devraient-ils être un critère pour une telle aide ? (…) Les Etats-Unis sont-ils prêts à accepter un rationnement de la nourriture pour aider les gens qui ne peuvent/veulent contrôler leur taux de reproduction de population ? »

Poser ce choix en tant que question est extrêmement trompeur, dans la mesure où les Etats-Unis ont déjà utilisé de par le passé la nourriture comme arme dans leur combat sur la population. Julian Simon raconte comment Lyndon Johnson fit en 1966 exactement ce que Kissinger évoquait huit ans plus tard. Dans son ouvrage de 1990, Population Matters, Simon écrit : « Joseph Califano [conseiller des affaires domestiques de LBJ - ed] nous dit que le Président Lyndon Johnson ’rejetait continuellement les demandes unanimes de ses conseillers (…) d’expédier du blé aux Indiens affamés pendant leur famine de 1966. Il demanda que le gouvernement indien accepte d’abord de monter un vaste programme de contrôle des naissances. Finalement, les indiens acceptèrent et Johnson délivra le blé au delà d’une période suffisamment longue pour s’assurer que le programme de contrôle des naissances avait été lancé. Et L.K. Jha, l’ex-ambassadeur d’Inde aux Etats-Unis, se souvient comment les politiques de Johnson en 1988 sont venues s’ajouter à ses [celles d’Indira Gandhi] difficultés politiques. (…) Il (…) tint l’Inde dans une attente insoutenable concernant la livraison de blé qui était désespérément nécessaire en raison de sécheresses répétées dans le milieu des années 60. En conséquence, Indira Gandhi se résolu à mettre fin aux imports de PL 480 en rendant le pays autonome en céréales. »

En réponse aux pressions américaines, le gouvernement indien institua un programme de stérilisation forcée qui contribua au renversement de Mme Gandhi. Un comble pour la prétendue attention que portent les Etats-Unis à l’instabilité politique engendrée par la croissance de la population !

Sous ce programme, des indiens furent poussés à subir une stérilisation après avoir eu trois enfants ; ils furent menacés de perdre leurs subventions pour le logement, leurs traitements hospitaliers gratuits, et leurs allocations de déplacement.

Bien que NSSM 200 et ses documents corollaires furent officiellement tenus secrets jusqu’en 1989, il y eut suffisamment de répercutions publiques de leur contenu pour permettre de conclure que le souci du rapport d’assurer aux Etats-Unis un accès aux matières premières bon marché, même si cela signifiait détruire la population des pays qui les possédaient, représentait le consensus des mouvements de contrôle de la population.

Par exemple, dans des commentaires faits en 1977, Reimert Ravenholt de l’AID insista sur le fait que le contrôle de population était nécessaire pour maintenir « l’exploitation normale des intérêts commerciaux des Etats-Unis à travers le monde. (…) Sans notre tentative d’aider ces pays dans leur développement économique et social, le monde se rebellerait contre la forte présence commerciale américaine. (…) La notion de l’intérêt est un élément obsédant. »

En 1981, le Comité de crise de la population (Population Crisis Commitee), fondé par l’ami de longue date de la famille Bush, Gen. William Draper, prêchait pour une augmentation des fonds en faveur du ralentissement de la croissance de la population sur les territoires suivants : « Quelque 30 pays en voie de développement possèdent des sources de pétrole, de minerai, et d’autres ressources naturelles essentielles à l’économie et à la défense des Etats-Unis, voire occupent une position géographique stratégique importante. Les populations des ces pays doublent tous les 20-35 ans. »

Dans un témoignage au Congrès en 1983, le secrétaire d’Etat de l’époque George Shultz affirma qu’« une croissance excessive de la population (…) est une sérieuse menace à long terme pour la stabilité politique et les ressources de base de notre planète. » Dans le même style, les Services internationaux pour la population (Population Services International) énoncent : « La plupart des experts sont en accord sur le fait que des famines chroniques et généralisées surviendront inévitablement si les taux de reproduction actuels restent incontrôlés. Outre la souffrance de ceux qui meurent (…) nous pouvons nous attendre à des conflits raciaux et sociaux, du terrorisme de grande ampleur, des catastrophes économiques, une baisse brutale de la production de matières premières, (…) et des guerres intermittentes pour la survie. (…) Une telle situation confrontera les Etats-Unis à de dangereux risques militaires ou de sottes embuscades telle que celle du Vietnam. (…) Nous ferons face à la perte des matières premières qui alimente notre économie. »

Et en 1989, l’Institut de population (Population Institute) organisa un briefing public affirmant que « la bataille clé dans le siècle à venir sera la concurrence pour les ressources naturelles entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud, plutôt que la traditionnelle confrontation - Est contre Ouest. (…) L’approvisionnement en ressources critiques et stratégiques sera de plus en plus important pour la sécurité militaire et économique des Etats-Unis. »

Peut-il y avoir le moindre doute sur le fait que les programmes de stérilisation de masse imposés au Brésil, par exemple, ou la destruction sauvage de l’Irak par George Bush père (ainsi que celle planifiée par son fils), sont une implémentation de cette politique ? Et que dire de l’indifférence de l’administration américaine face à l’explosion du Sida et dans d’autres régions du monde ? Ou du déni de l’accès du tiers monde aux médicaments génériques ?

Extraits : des documents confidentiels de 1974, 1975 et 1976, et déclassifiés par la suite montrent la politique de génocide adoptée par les Etats-Unis

NATIONAL SECURITY STUDY MEMORANDUM 200 : Les implications de la croissance de la population mondiale sur la sécurité des Etats-Unis et les intérêts outre-mer.

Le 10 décembre 1974. Ce rapport, alors confidentiel, fut écrit sous la direction personnelle du conseiller de la sécurité nationale Henry Kissinger.

Le 26 novembre 1975, Kissinger étant Secrétaire d’état, son successeur en tant que conseiller de la sécurité nationale, Brent Scowcroft, rédigea le NSDM (National Security Decision Memorandum) 314, dans lequel fut approuvé officiellement le rapport précédent en tant que politique officielle des Etats-Unis concernant les questions de population.

NSSM 200 fut déclassifié le 6 juin 1990, et se trouve aux Archives nationales des Etats-Unis à Washington D.C. (Les extraits ci-dessous sont des fragments de paragraphes issus du document original ; les accentuations sont celles de l’original.)

30. Le plan d’action sur la population mondiale demandera des efforts considérables de la part des pays concernés, des agences des Nations Unies et d’autres institutions internationales pour le rendre efficace. Le leadership américain est fondamental. La stratégie doit inclure les éléments et actions suivants :

(a) La concentration sur les pays clés. L’aide à la réduction de population devra privilégier en priorité les pays en développement dont la croissance de population est la plus rapide, et qui présentent un intérêt politique et stratégique particulier pour les Etats-Unis. Ces pays sont : l’Inde, le Bangladesh, le Pakistan, le Nigeria, le Mexique, l’Indonésie, le Brésil, les Philippines, la Thaïlande, l’Egypte, la Turquie, l’Ethiopie et la Colombie. Réunis, ils comptent pour 47% de l’actuel accroissement de la population mondiale.

Comme le montre le tableau 4, la population des pays à économie planifiée [communiste et socialiste - ed], comprenant environ un tiers du total des pays sous-développés en 1970, est prévu de s’accroître entre 1970 et 2000 à un taux bien en deçà du taux moyen des pays les moins développés qui est de 2.3%. Au-delà de la période de 30 ans, leur taux de croissance moyen avoisinera 1.4%, celui des autres pays sous-développés étant en comparaison de 2.7%. Entre 1970 et 1985, le taux moyen annuel de croissance dans les pays les moins développés d’Asie communiste est estimé à 1.6% et en conséquence déclinera à un taux moyen de 1.2% entre 1985 et 2000. Le taux de croissance des pays sous-développés à économie de marché, d’un autre coté, demeurera pratiquement le même, à 2.7 et 2.6% respectivement. Ainsi, en l’absence d’efforts pour contrôler les naissances à grande échelle ou de changement de cap politique ou économique, les 25 prochaines années ne laisseront aux pays sous-développés communistes que peu de repos face au fardeau que représente l’accroissement exponentiel de l’humanité. Bien sûr, quelques pays sous-développés seront capables de corriger cette croissance moins difficilement que les autres.

De plus, outre des mesures draconiennes il n’est pas possible qu’un pays sous-développé puisse stabiliser sa population à moins du double de sa taille actuelle. Pour la plupart, la stabilité sera atteinte au triple de la population actuelle. (…)

Afrique : L’estimation des orientations démographiques à venir en Afrique est sérieusement entravée par le manque de sources de données fiables concernant la taille, la composition, la fertilité, la mortalité et la migration de la majeure partie de la population du continent. En tenant compte de cette lacune de taille, la population d’Afrique est amenée à s’accroître de 352 millions en 1970 à 834 millions en 2000, un accroissement de presque 2.5. Dans la plupart des pays africains, les taux de croissance de la population peuvent s’accroître rapidement avant de commencer à décliner (…)

D’ores et déjà le plus peuplé des pays du continent, avec une population évaluée à 55 millions de personnes en 1970, la population du Nigeria atteindra le nombre de 135 millions à la fin du siècle. Cela suggère un rôle politique et stratégique grandissant pour le Nigeria, au moins en Afrique sub-saharienne.

En Afrique du Nord, la population égyptienne qui comptait 33 millions de personnes en 1970 doublera aux alentours de l’année 2000. La taille grandissante de la population égyptienne est, est restera pour pendant plusieurs années, un facteur important dans l’élaboration des politiques étrangères et nationales pas seulement de l’Egypte mais aussi de celle des pays voisins.

Amérique latine. Un hausse rapide de la population est attendue en Amérique du Sud tropicale qui inclut le Brésil, la Colombie, le Pérou, le Venezuela, l’Equateur et la Bolivie. Le Brésil, avec une population de plus 100 millions de personnes, domine clairement le contient démographiquement ; à la fin de ce siècle, sa population atteindra le seuil de la population des Etats-Unis en 1974, qui était d’environ 212 millions de personnes. La possibilité d’une forte croissance économique - si elle n’est pas amputée en raison de la surpopulation - laisse présager un statut de plus en plus important du Brésil en Amérique latine et sur la scène mondiale au cours des 25 prochaines années. (…)

La tendance démographique la plus significative du point de vue des Etats-Unis est probablement la possibilité que la population du Mexique augmente de 50 millions en 1970 à environ 130 millions aux alentours de l’année 2000. Même dans les cas les plus optimistes, dans lesquels la moyenne de fertilité du pays chuterait au seuil du renouvellement de la population vers 2000, la population du Mexique pourrait excéder 100 millions à la fin du siècle. (…)

Chapitre III - Minéraux et combustibles.

La croissance de la population en tant que telle n’est pas susceptible d’imposer de sérieuses restrictions à la disponibilité physique globale de minerai combustible et non combustible à la fin du siècle et au delà.

Cette perspective favorable sur les réserves naturelles n’écarte pas le danger de situations de pénurie ponctuelle de minerais spécifiques. Un planning méthodique de progrès scientifique et technologique (incluant le développement de substituts) devrait maintenir les problèmes de disponibilité des ressources physiques dans des proportions raisonnables.

Le principal facteur qui influence la demande de matières premières non-agricoles est le niveau d’activité industrielle, régionale et globale. Par exemple, les Etats-Unis, avec 6% de la population mondiale, consomme à peu près le tiers des ressources globales. La demande de matières premières, contrairement à la nourriture, n’est pas directement fonction de la croissance de la population. Les pénuries actuelles et la flambée des prix de la plupart de ces matières premières résultent principalement de la hausse des conditions de toutes les régions industrialisées des années 1972-73.

La connexion importante entre la hausse rapide de la population et la disponibilité des matières premières est plutôt de nature indirecte. Elle découle de l’effet négatif d’une hausse excessive de la population sur le développement économique et le progrès social, et par conséquent sur la stabilité interne, des pays sous-développés surpeuplés. Les Etats-Unis sont devenus de plus en plus dépendants des importations de minerais en provenance des pays en voie de développement ces dernières décennies, et cette tendance pourrait se poursuivre.

La localisation des réserves connues de minerai de qualité supérieure accentue une dépendance croissante de toutes les régions industrialisées sur les imports en provenance des pays les moins développés. Les véritables problèmes d’approvisionnement en minerai ne reposent pas sur une simple question d’abondance physique, mais sur une question politico-économique d’accès en terme d’exploration et d’exploitation, et sur la division des profits entre producteurs, consommateurs et gouvernements des pays hôte.

Dans les cas extrêmes où les problèmes démographiques mènent à des famines endémiques, des émeutes pour la nourriture et une décomposition de l’ordre social, ces conditions encouragent rarement l’exploration des dépôts de minerai ou l’investissement à long terme requis pour leur exploitation. Outre les famines, à moins qu’un minimum d’aspiration populaire pour l’amélioration des conditions de vie matérielles puisse être satisfait, et à moins que les conditions d’accès et d’exploitation persuadent les gens et les gouvernements que cet aspect de l’ordre économique international présente « quelque chose pour eux « , des concessions aux pays étrangers peuvent être vues comme de l’expropriation ou de l’intervention arbitraire. Aussi bien à travers l’action du gouvernement, des conflits ouvriers, du sabotage, ou des émeutes civiles, le flux régulier des matières premières nécessaires sera mis en péril. Bien que les problèmes de population ne soient pas les seuls facteurs impliqués, ce genre de perturbations est moins probable sous les conditions d’une croissance lente ou nulle de la population (…)

Quoi qui puisse être fait pour se protéger contre les interruptions d’approvisionnement et pour développer des solutions alternatives locales, l’économie américaine va exiger des quantités croissantes de matières premières en provenance de l’étranger, particulièrement des pays les moins développés. Ce fait accroît l’intérêt qu’ont les Etats-Unis à la stabilité politique, économique et sociale des pays fournisseurs. Partout où une réduction de population mise en œuvre via une réduction des naissances peut renforcer l’espérance d’une telle stabilité, la politique démographique devient importante pour l’approvisionnement en ressources et pour les intérêts économiques des Etats-Unis. (…)

Inde - Bengladesh : Le sous-continent sera pendant des années le centre d’inquiétude principal concernant la croissance de la population mondiale. La population de l’Inde est maintenant approximativement de 580 millions, et augmente d’un million à chaque pleine lune. L’ambassade de New Delhi (New Delhi 2115, 17 juin 1994) rapporte : « Il semble n’y avoir aucun moyen d’arrêter l’hémorragie démographique d’un milliards d’indiens, ce qui signifie que l’Inde doit continuer à flirter avec le désastre économique et social.

« Il n’est pas certain que l’économie instable et de faible croissance de l’Inde puisse supporter les énormes dépensesen terme de santé, de logement, d’emploi et d’éducation, ce qui devra être fait si la société veut être capable de maintenir ses performances actuelles modestes. »

(…) Trois paragraphes du rapport de l’ambassade de Dacca expliquent précisément l’impact sur les intérêts politiques américains que nous pouvons anticiper à partir des facteurs de population au Bengladesh etdans d’autres pays qui, si la tendance actuelle n’est pas changée, seront dans les conditions du Bengladesh dans quelques années :

« Les conséquences de l’aggravement de la situation politique, économique et sociale dans les décennies à venir pourraient inquiéter les Etats-Unis. Déjà affligé d’une crise mentale par laquelle le pays attend des pays riches qu’ils soutiennent son économie mouvementée, le gouvernement du Bengladesh continuera à intensifier ses demandes auprès des Etats-Unis, bilatéralement et internationalement pour étendre son aide, aussi bien en biens qu’en argent. Le Bengladesh est maintenant un supporter assez solide des positions du Tiers Monde, et défend une meilleure distribution de la richesse du monde et des concessions des échanges aux nations pauvres.

« Comme ses problèmes s’accroissent et son aptitude à conserver le même rythme d’attribution d’aides s’amenuise, les positions du Bengladesh sur les problèmes internationaux se radicaliseront, inévitablement en opposition avec les intérêts américains du fait qu’il cherche à s’aligner aux autres pour obtenir les aides suffisantes. » (…)

Chapitre VI : La conférence Mondiale sur la Population

Du point de vue du programme et des orientations, le point central de la Conférence Mondiale sur la Population (CMP) à Bucarest en Roumanie, en août 1974, fut le plan d’action pour la population mondiale (PAPM). Les Etats-Unis ont contribué sur plusieurs points à l’élaboration du Plan. Ils ont particulièrement mis l’accent sur l’introduction de facteurs de population dans les programmes de planification nationale démographique des pays en développement afin d’assurer la disponibilité des moyens de planification familiale aux personnes en age de reproduction, des objectifs spécifiques mais volontaires de réduction de la croissance de la population, et un planning de réalisation.

Du fait que le PAPM fut présenté au CMP il fut ordonné en document démographique. Il décrit également les facteurs de population inhérents au bien-être des familles, le développement économique et social, et la réduction de la fertilité. La souveraineté des nations quant à la détermination de leur propre programme et politique démographique était sans cesse reconnue. L’impression générale après cinq réunions consultatives régionales à propos du Plan était qu’il avait un soutien général.

Il y eut une consternation générale, quand au début de la conférence, le plan fut sujet à une attaque venant de 5 fronts de la part de l’Algérie, avec le soutien de plusieurs pays africains ; l’Argentine, soutenue par l’Uruguay, le Brésil, le Pérou et de manière plus limitée, d’autres pays d’Amérique latine ; le groupe d’Europe de l’est (moins la Roumanie) ; la RPC (Chine) ; et le Saint-Siège. Bien que ces attaques ne furent pas identiques, elles englobaient trois éléments essentiels relatifs à l’action et à la politique américaines dans ce domaine :

  1. Des multiples références à l’importance (comme diraient certains, la condition requise) du développement économique et social pour la réduction de la fertilité. Menés par l’Algérie et l’Argentine, la plupart soulignèrent le « nouvel ordre économique international » comme étant primordial au développement économique et social.
  2. Les efforts pour minimiser les références aux programmes démographiques ainsi que leur importance et effacer toute référence aux objectifs en terme quantitatif ou en terme de temps.
  3. Des références à la souveraineté nationale concernant la mise en place des programmes et des politiques démographiques. (…)

F. Le développement d’un engagement politique et populaire pour la stabilisation de la population et l’amélioration de la qualité de vie qu’elle implique.

L’élément fondamental dans l’élaboration de la stratégie globale pour traiter des problèmes de population est l’obtention du support et de l’engagement des principaux dirigeants des pays en développement. Cela est possible s’ils perçoivent clairement l’aspect négatif d’un taux de croissance démographique incontrôlé dans leur pays et les avantages qu’apporte la réduction des naissances - et s’ils croient qu’il est possible de survivre aux problèmes de population au travers d’instruments de politique publique. Puisque les plus hauts fonctionnaires sont en mandat pendant des périodes relativement courtes, il doivent percevoir les avantages assez tôt ou la valeur d’une manière de gouverner à plus long terme. Pour chaque cas spécifique, les dirigeants devront considérer leurs problèmes de population dans le contexte des qualités, des ressources et des priorités de leur pays.

Par conséquent, il est vital que les dirigeants des principaux pays les moins développés prennent les devants dans l’élaboration de planifications familiales et de stabilisation de la population, pas uniquement au sein des Nations Unies et autres organisations internationales mais également au travers de contacts bilatéraux avec les dirigeants d’autres pays en développement. La réduction de la population dans les pays les moins développés ne doit pas être soutenue uniquement par les pays développés. Les Etats-Unis devraient encourager un tel engagement dans la mesure où des opportunités apparaissent avec ses contacts de hauts niveaux avec les dirigeants des pays en voie de développement. (…)

Il est vital que les dirigeants des pays les moins développés ne voient pas, dans la volonté de développer et de renforcer un engagement de leur part [pour la réduction de population], une politique des pays industrialisés pour maintenir leur pouvoir ou pour détourner les ressources naturelles en faveur des pays ’riches’. Une telle perception pourrait créer de sérieuses répercussions défavorables au projet de stabilité des populations.

De plus, les Etats-Unis et les autres pays « riches » devraient veiller à ce que les politiques qu’ils défendent pour les pays en voie de développement soient acceptées dans leur propre pays. (Cela pourrait nécessiter un débat public et l’affirmation de nos intentions politiques.) Le leadership « politique » dans les pays en développement devrait, bien entendu, être assumé autant que possible par leurs propres dirigeants.

Les Etats-Unis peuvent aider à minimiser les accusations d’une motivation impériale derrière leur support aux activités démographiques en affirmant continuellement qu’un tel support est animé par le souci :

  1. Du droit qu’a un couple d’individu à déterminer librement et de façon responsable le nombre et la fréquence d’enfants qu’il souhaite ainsi que l’information, l’éducation et les moyens pour agir comme tel ; et
  2. Du développement économique et social fondamental des pays pauvres au sein desquels une croissance rapide de la population est à la fois la cause et la conséquence de la pauvreté. En outre, les Etats-Unis devraient progressivement véhiculer le message que le contrôle de la croissance de la population mondiale est dans l’intérêt mutuel des pays développés et des pays en voie de développement. (…)

Outre essayer d’influencer les dirigeants nationaux, l’aide mondiale consacrée à l’amélioration du support de la population mondiale devra mettre l’accent sur les programmes des Nations Unies, de l’USIA (Agence Américaine d’Information) et de l’USAID (l’Agence Américaine pour le Développement International). Nous devrons donner une plus grande priorité à nos campagnes d’informations à travers le monde et envisager de nouveaux accords avec les institutions multilatérales en faveur de programmes d’éducation de la population (…)

Les approches personnelles du Président, du secrétaire d’Etat, d’autres membres du cabinet et leurs principaux députés seraient d’une grande aide. Le congrès et la population devraient être clairement informés que l’exécutif est grandement inquiet du problème et qu’il mérite toute leur attention. Les représentants du congrès à la Conférence Mondiale sur la Population peuvent aider.

Une autre approche

La stratégie décrite ci-dessus présuppose que les formes actuelles de programme d’aide au développement de la population et au développement économique et social seront capables de résoudre le problème. Il existe cependant une autre approche, qui est partagée par un nombre grandissant d’experts. Dans cette approche, le problème est considéré comme plus ardu et moins négociable que l’on ne le perçoit communément. Il est dit que la gravité du problème démographique du siècle, qui englobe déjà la vie de plus de 10 millions de personnes tous les ans, est telle que l’on peut envisager des famines généralisées et d’autres catastrophes démographiques, et dans les termes de C.P. Snow, nous regarderons les gens mourir de faim à la télévision.

La conclusion à cette perspective est que l’on aura besoin de recourir à des programmes obligatoires et que nous devrions dorénavant considérer ces possibilités.

Premier rapport annuel sur la Politique Internationale Démographique des Etats-Unis

Ecrit en mai 1976. Alors classifié, il a été écrit sous la direction du Conseiller de la Sécurité Nationale Brent Scowcroft. Le rapport a été décrété par NSDM 314 (voir plus haut), et résume la progression dans la réalisation des politiques de NSSM 200 et NSDM 314. Ce rapport a été transféré au Directeur de la CIA George Bush pour sa mise en œuvre. Le document a été déclassifié le 6 juin 1990 et se trouve aux Archives Nationales Américaines (U.S. National Archives) à Washington D.C.

II. Stratégie et Développement des Etats-Unis concernant l’engagement mondial en faveur de la Stabilisation de la Population

A. La stratégie américaine concernant les problèmes de population mondiale découle de la reconnaissance des implications désastreuses des taux de naissance actuels (y compris les menaces pour notre sécurité nationale), et en contre partie la reconnaissance que le problème peut être pallié si les nations du monde prennent des contre-mesures rapides et efficaces. La tache principale incombe aux pays handicapés par une croissance excessive de la population, ce qui inclut presque tous les pays en développement. Mais ces nations ont besoin d’une aide extérieure, et cela doit être notre tache principale que de voir si, en coopération avec d’autres pays et organismes donateurs, nous envisageons une aide efficace, lorsque celle-ci est sollicitée et souhaitable. (…)

B. Dans le cas de pays qui ont une politique nationale de planification et de développement de la famille (désignés dans la suite du texte en « pays engagés »), les Etats-Unis devraient, en plus de ses programmes d’aide actuels, promouvoir discrètement trois approches en corrélation et qui ont prouvé leur haute efficacité :

  1. Encourager les dirigeants nationaux à prendre parti clairement et fermement en faveur de larges plans de population, en maintenant pour l’avenir une discipline pour vérifier que les politiques de population sont correctement gérées et mises en œuvre, particulièrement au niveau des villages où vivent la plupart des gens ;
  2. Encourager ces pays à adopter des approches innovantes (qui ont été adoptées avec succès dans plusieurs pays), destinées à enraciner la planification familiale dans les villages, relatant les intérêts économiques que représentent la planification familiale pour la communauté, créant ainsi de fortes pressions pour limiter la taille des familles ;

E. Dans les cas des pays les moins développés non-engagés dans des plans de populations, nos efforts doivent être en harmonie avec leurs attitudes et leurs sensibilités. Nous devrions essentiellement éviter l’expression de « contrôle des naissances » au profit de « planification familiale » ou « parenté responsable », en mettant l’accent sur l’espacement des grossesses dans le temps, dans l’intérêt de la santé de l’enfant et de la mère ainsi que le bien-être de la famille et de la communauté. L’introduction et l’extension de services de soins primaires sont en fait les méthodes principales pour introduire avec succès la planification familiale dans la plupart de ces pays. Nous devrions aussi trouver des méthodes, telles qu’au travers de contacts personnels informels et de représentations graphiques spéciales, nous puissions montrer aux dirigeants comment les taux actuels de croissance détruisent les espoirs de développement économique de leur pays. Ceci, en coordination avec la formation économique et démographique de dirigeants prometteurs au sein des pays les moins développés, est particulièrement important en vue de la large ignorance des réalités économiques de la vie, incluant l’espérance que le développement économique résoudra automatiquement les problèmes de population (…)

H. Nous devons néanmoins être sélectifs et prudent dans notre approche. Il est important que les pays les moins développés soient les pionniers des problèmes de population lors des conférences internationales et chez eux. Une grande partie de notre travail consiste à impliquer des contacts personnels avec des hommes et des femmes d’influence dans les pays les moins développés et dans les pays donateurs, avec notre Congrès également, les médias, les organismes américains, et les groupes de citoyens concernés. Nous devons faire en sorte que des organismes internationaux comme IBRD, WHO, UNDP, UNICEF et UNFPA, ainsi que des organismes volontaires privés, jouent un rôle positif et actif dans le support des plans de population, quoique nous ne pensons pas que d’autres réunions du type de celle de Bucarest sur les problèmes de population soit d’une quelconque utilité à ce stade. Nous devons nous focaliser sur une mise en œuvre efficace du Plan d’Action de Bucarest.

III. Maximiser les efforts et les contributions des autres donateurs et organismes et améliorer la coordination Les principaux moyens techniques dont dispose l’Agence pour le Développement International (AID) pour soutenir les politiques de population dans ces pays ont été, et continueront certainement à l’être, les fournitures et les systèmes d’approvisionnement. L’AID cherche également à aider à améliorer les données démographiques, développer la recherche en sciences biomédicales appliquées et en sciences sociales, améliorer les projets d’information/d’éducation/de communication de soutien à la planification familiale, et étendre les activités d’éducation et de formation relatives aux plans de population.

Les Etats-Unis soutiennent aussi des mesures touchant à la planification familiale, telles qu’un vaste développement économique, un statut élevé pour les femmes, des réformes de loi et de statuts (telles qu’élever l’age légal du mariage et autres incitations aux familles peu nombreuses.) et une meilleure distribution des revenus. (…)

Cependant, beaucoup de dirigeants reconnaissent que ces mesures, en tant que telles, n’aideront pas à réduire suffisamment les taux de croissance de la population pour empêcher des catastrophes de grande ampleur.

Les facteurs essentiels pour un tel succès passent par trois approches interdépendantes et qui ont prouvé leur efficacité :

  1. Une orientation ferme du sommet ;
  2. Développer une communauté ou une pression des « pairs « par le bas ; et
  3. Fournir des services adéquats et à faible coût de planification de famille et de santé pour les gens.

Concernant le point (1), les programmes de population ont connu le plus grand succès lorsque les dirigeants avaient des propos clairs, sans équivoque, et publics, tout en maintenant une discipline au niveau national et au niveau des villages, en rassemblant les fonctionnaires (y compris les policiers et les militaires), les docteurs, et les agents de stimulation pour vérifier que les politiques de population sont bien gérées et mises en œuvre. Une telle orientation est le sine qua non d’un plan efficace. Dans certains cas, une orientation forte a produit certaines incitations telles qu’une rémunération à ceux qui étaient volontaires pour une stérilisation, ou des effets néfastes tels qu’accorder une priorité secondaire à l’allocation de logements ou d’écoles aux familles nombreuses. (…)

Les pays les moins développés qui ne sont pas engagés dans des programmes de population incluent la majeure partie de l’Afrique, l’Amérique latine et le Moyen Orient, avec une population combinée d’environ 750 millions de personnes. Les politiques de population dans ces pays vont de la pro-natalité de quelques uns au non-engagement de beaucoup d’autres, pour lesquels, à différents degrés, la planification familiale est tolérée et même encouragée. L’avortement est généralement détesté, et la stérilisation défavorisée.

Le relatif manque d’intérêt dont font preuve ces pays pour les problèmes de population peuvent être expliqués par plusieurs facteurs tels que :

  1. Le non discernement du besoin de limiter la croissance de la population ;
  2. Ou, si le besoin est reconnu, l’idée utopique selon laquelle le développement économique résoudra le problème ;
  3. La conviction qu’une grande famille est nécessaire pour la sécurité des personnes âgées ou pour les besoins en main d’œuvre à certains moments du cycle agricole ;
  4. La préoccupation d’autres problèmes plus immédiats ;
  5. L’influence religieuse ; et
  6. L’ignorance, le racisme, le tribalisme et le traditionalisme.

Dans la mesure où la planification familiale est identifiée au monde occidental, particulièrement les Etats-Unis, il y a de plus grandes réticences aux planifications familiales dans certains pays. Ce facteur peut être particulièrement perceptible dans les conférences internationales dans lesquelles les pays du Tiers Monde tendent à joindre leurs efforts contre l’Occident, contre le capitalisme, et en faveur du « Nouvel ordre économique International ». Il devient dès lors particulièrement difficile de proposer quoique que ce soit en terme de « contrôle des naissances » dans de telles conférences internationales, dans lesquelles les pays communistes sont préparés à se joindre aux pays du tiers monde contre l’Occident, même si quelques uns des ces pays communistes pratiquent un sévère contrôle des naissances.

Il s’ensuit que nos efforts pour promouvoir la planification familiale parmi les pays non-engagés doivent être accordés aux attentes particulières de chacun de ces pays. Cela nous permet de souligner le rôle important de notre ambassadeur et de son équipe dans chaque pays en développement en terme de conseil à Washington sur la façon de mener l’action la plus efficace dans les circonstances particulières de ce pays et qu’il soit informé qu’il se doit de prendre ses propres initiatives pour parvenir à ces objectifs.