News / Brèves
Back to previous selection / Retour à la sélection précédente

Face à l’arrogance d’Obama et de Wall Street, Glass-Steagall relève la tête

Printable version / Version imprimable

Karel Vereycken

L’adoption la semaine dernière de la nouvelle loi des finances 2015 (Omnibus Budget Bill, d’un montant de 1014 milliards de dollars), a donné lieu à l’émergence d’un début de fronde chez les élus républicains et démocrates contre la Maison Blanche et le monde financier.

Pris en otage par leurs propres manœuvres et par le lobby bancaire, les élus se sont retrouvés le dos au mur : si la loi était rejetée, le pays aurait été de nouveau paralysé. La loi a donc été votée jeudi à la Chambre des représentants (219 voix contre 206) et samedi au Sénat (56 voix contre 40). Si le scrutin a été aussi serré, c’est le fait qu’un minuscule amendement très particulier, introduit à la dernière minute par Obama et les Républicains, a mis le feu aux poudres.

Rappelons qu’en vertu de la fameuse « réforme financière » Dodd-Frank de 2010, les banques étaient sommées d’organiser en leur sein le cantonnement de certaines de leurs transactions sur les produits dérivés (notamment les « Credit default swaps », CDS) dans des entités distinctes (article 716 ou Swaps Pushout Rule). Contrairement aux dépôts et à l’épargne, les CDS n’auraient plus été assurés par le fonds des garanties qui assure les banques commerciales, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC). Ce dispositif visait à éviter que l’argent du contribuable soit utilisé pour subventionner ces opérations spéculatives, qui sont à l’origine de l’énorme bulle spéculative qui plane aujourd’hui sur l’ensemble du système financier mondial.

La loi Dodd-Frank étant une vaste usine à gaz manquant cruellement de décrets d’application, les banques ont bagarré dur pour ne jamais devoir se soumettre à cette règle. En janvier 2013, elles avaient d’ailleurs obtenu deux années supplémentaires pour se mettre en conformité avec la loi. Or, avec le vote de la semaine dernière, l’article 716 (considéré la seule chose importante dans la réforme), est tout simplement abrogé !

Dans un discours prononcé le 10 décembre, le jour avant l’odieux vote du Congrès américain qui a rétabli la protection de l’État américain sur les activités spéculatives des banques de Wall Street, la sénatrice Elizabeth Warren, farouche partisane d’une séparation stricte des banques sur le modèle de Glass-Steagall, a appelé la Chambre des représentants à rejeter tout compromis avec Wall Street.

Cette clause (article 716), qui vient d’être abrogée, était le seul élément à peu près valable de la loi Dodd-Franck (adoptée en fanfare au lendemain de la crise financière de 2008) qui jusqu’ici a surtout servi pour écarter la nécessité d’un nouveau Glass-Steagall.

Extraits :

M. le Président [du Sénat], je prends la parole devant vous aujourd’hui pour poser une question fondamentale : Pour qui travaille donc le Congrès ? Est-il au service des millionnaires, des milliardaires, des sociétés géantes et de leurs armées de lobbyistes et d’avocats ? Ou travaille-t-il pour nous tous ? (…)

Et maintenant, la Chambre des représentants est sur le point de nous montrer le pire de ce qu’est un gouvernement au service du riche et du puissant. La Chambre est sur le point de voter pour une loi budgétaire, une entente négociée dans les coulisses et qui intègre insidieusement une clause qui permettrait aux traders de produits dérivés à Wall Street de parier avec l’argent du contribuable et de se faire renflouer par l’État lorsque leurs paris risqués menacent de faire sauter notre système financier.

Ce sont là les mêmes banques qui ont presque détruit notre économie en 2008, et détruit des millions d’emplois. Les mêmes banques qui ont été renflouées par le contribuable et qui engrangent aujourd’hui des profits records. Les mêmes banques qui consacrent une grande partie de leur temps et argent dans des tentatives pour influencer le Congrès, pour qu’il infléchisse les règles à leur avantage.

Vous entendez beaucoup de gens dire que la règle qui sera abrogée dans le projet de loi est technique et compliquée, et qu’il ne faut pas s’en inquiéter parce que les gens intelligents qui en savent plus que vous sur les questions financières savent que ce n’est pas une chose si importante. Ne les écoutez pas.

A l’heure actuelle, la règle est assez simple. Voici comme elle s’intitule, cette règle que le Congrès est sur le point d’abroger, et je cite le texte de la Loi Dodd-Frank : « Interdiction du renflouement des activités de swaps par le gouvernement fédéral. » De quoi s’agit-il ? La clause qui est sur le point d’être abrogée exige que les banques gardent séparément un partie clé de leurs activités spéculatives risquées sur Wall Street de manière à ce qu’aucune assurance de l’État ne puisse couvrir cette partie de leurs activités. (…)

Cette règle a été mise en place après l’effondrement du système financier parce que nous espérions réduire le risque que les paris casse-cou sur Wall Street ne viennent plus jamais menacer les emplois et le niveau de vie de la population américaine. Nous avons mis cette règle en place parce que les gens de toute sensibilité politique étaient dégoûtés par la possibilité d’autres renflouements à venir. Et aujourd’hui, aucun débat, aucune discussion, les républicains à la Chambre des représentants menacent de fermer le gouvernement s’ils n’ont pas la possibilité d’abroger cette règle. [Rappelons que cette clause d’abrogation a été insidieusement insérée dans la loi sur le budget de l’État fédéral, sachant qu’un vote contre la loi dans son ensemble provoquerait une suspension des services gouvernementaux, comme cela s’est déjà produit à quelques occasions par le passé,ndlr.] (...)

Wall Street consacre beaucoup de temps et d’argent sur le Congrès. Selon les associations Public Citizen et le Center for Responsive Politics, dans la période précédant l’adoption de la loi Dodd-Franck, l’industrie financière a employé 1447 anciens salariés de l’État fédéral pour faire du lobbying auprès du Congrès, incluant 73 anciens députés et sénateurs. (…) Beaucoup d’anciens employés de l’État fédéral – ainsi que des députés et sénateurs – sont dépêchés auprès du Congrès pour faire en sorte que les banques soient entendues. Il n’y a rien de surprenant dans le fait que l’industrie financière dépense plus d’un million de dollars par jour pour faire pression sur le Congrès au sujet des réformes financières. (…)

Et nous voyons le fruits de leurs efforts. (…) Selon des documents examinés par le New York Times, la clause original qui a été incorporée dans la loi budgétaire qui sera soumise au vote de la Chambre aujourd’hui a été littéralement rédigée par des lobbyistes de Citigroup, qui ont « réécrit » le projet de loi, « effaçant certaines phrases et en insérant d’autres ». (…)

Cette clause va trop loin. Citigroup est une grande banque, et elle est puissante. Mais elle reste une simple entreprise privée. Elle ne devrait pas tenir tout le gouvernement en otage, en menaçant une interruption des services gouvernementaux, afin d’obtenir des concessions sur des mesures importantes visant à protéger notre économie. Nous sommes en démocratie, et le peuple américain ne nous pas élus pour défendre les intérêts de Citigroup. Il nous a élus pour défendre l’intérêt de tous.

Je prie donc mes collègues de la Chambre, en particulier mes collègues démocrates, dont le vote est essentiel pour obtenir la passage de cette loi, de retenir leur soutien jusqu’à ce que cette concession risquée soit retirée du projet de loi. Nous devons tous faire le nécessaire et lutter contre cette concession aux banques les plus puissantes de ce pays.

Au Canada :

- voir notre page Glass-Steagall & Crédit Productif

-Signez en ligne - L’Europe et les États-Unis doivent abandonner leur approche géopolitique et coopérer avec les BRICS. !