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Contrôle des changes et des capitaux, le nouveau paradigme économique mondial
24 décembre 2014
Pour se défendre des attaques spéculatives contre le rouble, Poutine devrait s’inspirer de la politique de contrôle des changes et des capitaux qui avait permis au premier ministre Mahathir (photo) de défendre la Malaisie. Crédit : Reuters.Solidarité&Progrès—L’un des principaux éléments qui constitueront, à moyen terme, le nouveau paradigme économique mondial, sera celui d’une coopération entre Etats-nations souverains pour le déploiement efficace de contrôles des change et des capitaux. L’objectif de ce dispositif sera de contrer la spéculation financière (qui est souvent, comme le décrit ci-dessous l’ancien premier Ministre malais le Dr Mahathir bin Mohamad, utilisée comme instrument de guerre contre les États souverains) et de créer les conditions pour l’investissement à long terme dans l’économie réelle. Les récentes tentatives des intérêts financiers anglo-américano-saoudiens pour faire plier la Russie ont provoqué dans ce pays, mais également un peu partout dans le monde, une dynamique mondiale en faveur des contrôles des changes et des flux de capitaux. [1] En voici les principales manifestations :
Mahathir : « si les politiques sont dictées par les investisseurs étrangers, où est l’indépendance ? » Extraits de l’entretien accordé à la revue Executive Intelligence Review par le premier Ministre malais Dr Mahathir bin Mohamad, le 22 janvier 1999, quelques mois après la « crise asiatique » qui a secoué de nombreux pays de l’Asie de l’Est. Dr. Mahathir : Même si nous n’avons demandé aucun prêt au FMI, celui-ci continuait à venir nous voir pour nous dire ce que nous devions faire, ce qui signifie qu’il fallait, pour empêcher que les spéculateurs sur les marchés des changes ne mettent la main sur notre monnaie, que nous accroissions les taux d’intérêt ; que nous limitions l’offre de crédit ; que nous forcions nos entreprises à faire faillite en raccourcissant la période définissant un prêt non performant, et parce que le FMI avait à l’époque beaucoup d’influence sur le ministre des Finances et la banque centrale, ils ont suivi les conditions du FMI ; résultat : l’économie tomba tout simplement en vrille. Nos entreprises et nos banques sombraient dans la faillite. EIR : Comment et quand fut prise la décision d’imposer d’urgence, le 1er septembre [1998], le contrôle des changes et des capitaux ? Avec quel effet ? Déjà, à la mi-décembre, un rapport du FMI [World Forecast] concédait qu’ils avaient produit des effets positifs, que la Malaisie s’en était mieux sortie grâce à ces contrôles que les pays qui avaient appliqué les politiques du FMI ? Dr. Mahathir : Nous avons constaté que nos appels aux institutions internationales pour restreindre la spéculation sur notre devise n’avaient reçu aucune réponse. Ils n’ont rien fait. Notre monnaie continuait à tomber de plus en plus bas, et ceci a eu un très mauvais effet sur notre économie. Comme je viens de le dire, nous nous dirigions vers la faillite, l’ensemble du pays aurait déclaré faillite, si nous avions attendu que le FMI agisse pour restreindre la spéculation sur notre monnaie. Puisqu’ils n’allaient pas le faire, il fallait que nous le fassions nous-mêmes. La seule chose que nous pouvions faire était d’empêcher que notre monnaie tombe aux mains des traders sur les marchés des devises. Ceci impliquait que nous fassions en sorte que notre monnaie ait cours légal uniquement à l’intérieur de notre propre pays. A l’extérieur du pays, elle ne vaudrait rien, et elle ne pourrait être rapatriée. Une fois qu’elle aurait quitté le pays, elle ne pouvait être réintroduite. Et ceci a empêché les traders de dévaluer notre monnaie et nous avons, bien sûr, agi de manière simultanée pour mettre fin aux transactions sur nos actions [de nos entreprises] sur les marché étrangers. Elles étaient échangées à Singapour, et l’idée était de provoquer une baisse de nos actions, à un niveau tellement bas qu’une fois qu’on aurait demandé l’aide du FMI, et que celui-ci aurait insisté pour qu’on ouvre notre économie, ils auraient pu entrer et racheter au rabais toutes les entreprises. Nous devions prendre la décision de faire quelque chose par nous-mêmes, car nous ne pouvions attendre quoi que ce soit de la communauté internationale. (...) [Sur les perspectives de réforme du système financier international que faisaient miroiter au moment de l’entretien les pays du G-7 :] Voyez-vous, nous considérons que leur expérience [des pays développés] est différente de la nôtre. Nous étions victimes d’une attaque. Ce qui est arrivé aux pays riches, c’est que l’instrument qu’ils ont utilisé pour nous attaquer s’est retrouvé dans l’eau chaude, LTCM [le fonds spéculatif américain Long Term Capital Management], s’est retrouvé dans l’eau chaude, et ils ont perdu de l’argent. Eux cherchent à endiguer les pertes qu’ils ont encourues dans le cours de cette opération ; nous cherchons à nous protéger contre les effets de leur action. (…) Il me semble que plus de gens réalisent maintenant que ceci est, en réalité, une nouvelle forme d’impérialisme, où l’arme utilisée est le capital, qui peut être utilisé pour appauvrir les pays jusqu’au point où ils se voient obligés de quémander de l’aide. Et lorsqu’ils le font, alors on peut leur imposer des conditions, et l’une de ces conditions, bien sûr, est qu’il faut ouvrir l’économie et permettre aux entreprises étrangères d’entrer et opérer librement. Ces sociétés étrangères sont des grandes sociétés, des énormes banques. Elle viennent et entrent en concurrence avec des petites sociétés et des petites banques, et ces banques font éventuellement faillite et sont absorbées par les grosses banques étrangères, et nous finissions par ne plus avoir de banques qui nous appartiennent. Elles affirment, bien sûr, que nous aurons le meilleur service, du moins pour les gens qui ont le plus d’argent, mais nous ne serons que des salariés au sein de sociétés étrangères. Nous n’aurons plus d’indépendance, comme dans le cas des républiques bananières, et lorsque l’économie dépend totalement de société contrôlées de l’extérieur, ils dictent l’avenir politique du pays. Il faut se soumettre. S’ils n’aiment pas qu’une personne devienne président, par exemple, ils peuvent monter une opération qui permettra de renverser cette personne, comme ils l’ont fait dans certains pays. Et ceci signifie que nous n’avons plus aucune indépendance. Vous savez, lorsque nos politiques sont déterminées par les investisseurs étrangers, où se trouve alors l’indépendance ? [1] Ceux-ci feront partie d’un dispositif global qui sera complété, à part la grande politique d’investissement dans l’infrastructure et dans la recherche scientifique déjà amorcée par les BRICS, par : des mesures protectionnistes (tarification douanière) négociées entre Etats souverains pour assurer un développement équilibré entre les pays et entre les diverses classes sociales au sein d’un même pays ; reprise en main par les Etats de l’émission monétaire, grâce à un système de crédit productif public. [1] Ceux-ci feront partie d’un dispositif global qui sera complété, à part la grande politique d’investissement dans l’infrastructure et dans la recherche scientifique déjà amorcée par les BRICS, par : des mesures protectionnistes (tarification douanière) négociées entre Etats souverains pour assurer un développement équilibré entre les pays et entre les diverses classes sociales au sein d’un même pays ; reprise en main par les Etats de l’émission monétaire, grâce à un système de crédit productif public. |