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Election grecque : l’heure est à l’effacement partiel de la dette

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En 1953, l’Allemagne avait obtenu, avec le consentement de ses créanciers, une réduction de sa dette de plus de 50 %.

Dans le cadre de la campagne électorale grecque (l’élection est prévue pour le 25 janvier), le parti Syriza (gauche radicale) aussi bien que les Grecs indépendants (souverainiste) ont proposé une « conférence européenne sur la dette », à l’image de celle de Londres de 1953 pour l’Allemagne.

Lors d’un entretien avec la chaîne télé anglaise BBC4, le dirigeant de Syriza Alexis Tsipras a précisé qu’une conférence européenne permettrait d’aborder collectivement le problème. « Il n’existe pas d’autre solution que l’effacement d’une partie importante de la dette, un nouveau mémorandum sur son remboursement et une nouvelle clause de développement. »

Et le sujet fait débat. Dans les pages du quotidien allemand Handelsblatt, le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer a rappelé qu’une « restructuration de la dette est toujours très couteuse en termes de confiance », et qu’il faut donc « la considérer uniquement en dernier recours  ». Esprit d’ouverture immédiatement corrigé mardi dans le quotidien Die Welt, par Benoît Coeuré, membre français du directoire de la BCE : «  Il ne peut y avoir aucun accord sur l’allégement de la dette grecque touchant aux obligations détenues par la BCE... »

En vérité, une telle conférence offrirait effectivement l’occasion par excellence de non seulement régler le problème de la dette grecque, mais aussi de réorganiser et réformer tout le système financier européen. Car c’est la mise en faillite ordonnée de toute la zone euro qui est nécessaire et, au-delà, du système financier transatlantique.

Documentation :

La conférence de Londres de 1953

Un bref regard sur les principes mis en œuvre lors de la conférence de Londres de 1953, afin de traiter la question de la dette allemande d’avant-guerre, est instructif :

1. La prémisse de la négociation était d’alléger la dette afin de faciliter la reconstruction rapide de l’économie allemande, clé de la reprise de toute l’Europe occidentale.

2. Toute la dette extérieure, publique et privée, devait être réorganisée de manière globale. Aucune dérogation ne fut accordée à des intérêts particuliers et certainement pas aux fonds spéculatifs. L’accord a pris la forme d’un traité entre les États respectifs, et donc à l’abri de l’action de juridictions étrangères, contrairement à ce qu’on a aujourd’hui en Argentine.

3. En moyenne, le principal de la dette a été réduit de 50 % et assorti de faibles taux d’intérêt. Les remboursements se faisaient exclusivement en fonction des recettes à l’exportation. Par conséquent, si la balance commerciale de l’Allemagne était négative, aucun remboursement n’était exigé. Dans ce cadre, on favorisait la réduction des importations en y substituant des produits nationaux, c’est-à-dire une politique « protectionniste » complètement bannie depuis au nom du dogme néolibéral.

4. Aucune « conditionnalité » ne fut imposée à l’Allemagne, pas de coupes budgétaire ou de dévaluation et pas de « réforme structurelle ». Par conséquent, aucune mesure d’austérité ne fut exigée.

Si cela a fonctionné, c’est notamment parce que les banques de dépôts et les banques d’affaires opéraient de façon séparée [(doctrine Germain et principe du Glass-Steagall Act américain). Pour les premières, il était interdit de s’engager dans le négoce de produits dérivés ou d’autres produits financiers exotiques. En même temps, dans le cadre du Plan Marshall, le Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) investissait massivement dans l’industrie et les infrastructures, menant rapidement à une situation de plein emploi.

Depuis lors, il n’y a jamais eu de restructuration comparable de la dette, bien qu’elle explique le « secret » du « miracle économique » allemand.

Dans le système actuel, une telle réorganisation est tout simplement impossible, surtout parce que la dette actuelle fait partie d’un système de banques casino, ou les « titres souverains » sont liés à une pyramide de produits dérivés et autres titres spéculatifs. D’où la nécessité de réorganiser tout le système bancaire et de crédit dans le cadre d’une mise en redressement judiciaire ordonnée comme cela fut fait aux Etats-Unis sous Franklin Roosevelt, avec la loi Glass-Steagall et la création d’une institution de crédit public (RFC).

Une telle démarche, suivie par l’ensemble des pays européens lors d’une conférence européenne convoquée dans ce but, permettrait à l’Europe de trouver une solution « par le haut » de la crise de la dette qui frappe de nombreux pays.

Une fois engagée une telle négociation dans un esprit de bonne volonté, il s’avérerait que la façon la plus efficace de procéder consisterait à redonner le pouvoir souverain aux Etats. Avec le retour des banques nationales, la Banque centrale européenne pourrait être remplacée par une Banque européenne de développement chargée de fournir du crédit aux projets infrastructurels et industriels capable d’arrimer l’Europe à la perspective du « pont terrestre mondial  » envisagée par les BRICS.

Article plus complet sur la conférence de Londres de 1953 : ICI