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France-Inde : « Une relation la plus belle qui soit »

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Christine Bierre

Dévoilement des maquettes des timbres franco-indiens émis pour célébrer les 50 ans de coopération spatiale franco-indien.

La première visite de Narendra Modi en France consolide notre partenariat stratégique avec ce géant des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et nous ouvre une porte de sortie à la zone transatlantique en pleine crise et tentée par la guerre.

La visite en France du Premier ministre indien, du 9 au 12 avril, s’est conclue avec l’annonce surprise d’une commande de 36 avions Rafale « prêts à voler », construits en France. Un contrat de 4 milliards qui ne remplace pas celui, toujours en négociation, pour 126 appareils du même type.

Deux autres accords ont été signés avec Areva. Pour François Hollande, il s’agit d’une « étape cruciale » dans le projet de construction de six réacteurs EPR sur le site de Jaitapur au Marastra, en négociation depuis cinq ans. L’un est un mémorandum d’entente en vue de fabriquer en Inde des composants pour réacteurs EPR, l’autre, un accord de pré-ingénierie entre Areva et le groupe public Nuclear Power Corporation of India Limited (NPCIL) pour la certification du réacteur EPR en Inde.


A noter que dans ces contrats du nucléaire et de la défense, la France s’engage à faire d’importants transferts de technologie vers ce grand pays. C’est le reflet de cette « relation de confiance » dont parlait François Hollande, évoquant « une relation la plus belle qui soit » entre la France et l’Inde. En effet, dans l’accord portant sur 126 Rafale, 108 pourraient être fabriqués en Inde.

En s’intégrant dans le développement de l’Inde, promise à devenir prochainement la quatrième économie du monde, avec des taux de croissance de 8 ou 9 %, la France a plus à gagner qu’elle ne perdrait à partager ses technologies.

Un protocole d’accord a par ailleurs été signé sur une ligne à semi-grande vitesse entre New Dehli et Chandigarh, ainsi qu’un accord de coopération renforcée entre le Centre national d’études spatiales (CNES) et l’agence spatiale indienne (ISRO) dans les domaines de la climatologie, de l’exploration martienne et des applications spatiales.

Les « villes intelligentes » (smart cities), que le Premier ministre entend répartir sur l’ensemble du territoire en vue de structurer l’urbanisation et d’éviter l’exode rural, ont également fait l’objet de discussions.

Partenariat stratégique

Mais c’est la chaleur particulière de cette relation franco-indienne que la visite de M. Modi nous a révélée. Une plaquette distribuée par l’Elysée aux médias explique que ce «  partenariat stratégique d’exception  », qui remonte à 1998, n’a cessé de se renforcer dans les domaines de «  la lutte contre le terrorisme, le nucléaire civil, la coopération en matière de défense et le spatial ».

Le Premier Ministre indien Modi lors de sa visite du site de production d’Airbus à Toulouse.

C’est l’espace et l’aérospatial qui ont été particulièrement à la fête au cours de ce voyage. Les deux pays commémorent cette année le 50e anniversaire de leur coopération dans le domaine spatial, dont le lancement des satellites indiens par Arianespace et la production conjointe de satellites sont des éléments concrets. M. Modi s’est aussi rendu à Toulouse, au CNES et sur le site d’assemblage final de l’A380, un joyau de l’aviation française. Airbus emploie déjà 5000 personnes en Inde et y détient 70 % de parts d’un marché qui doit croître encore de 10 % dans les prochaines années.

Make in India

Avec l’Inde de M. Modi, c’est un vrai pari sur l’avenir que fait notre pays, car le nouveau Premier ministre a l’ambition de faire passer la part de l’industrie dans le PIB de 16 % à 24 % d’ici à 2022.

« Mon but est de faire de l’Inde une nation moderne et d’éliminer totalement la pauvreté en une génération, »

a déclaré M. Modi au Figaro. « C’est une tâche et une ambition énormes, mais j’ai confiance dans notre capacité d’avancer », ajoutant que l’effort se concentrera sur «  l’agriculture, l’industrie et les services ».

Au cœur de cette ambition, son projet « Make in India », visant à attirer les investisseurs étrangers pour «  fabriquer en Inde » car au-delà du spatial et du numérique, le pays a besoin d’importants transferts de technologie. « Nous rendons les investissements en Inde plus faciles et plus attractifs, en nous ouvrant aux capitaux étrangers, en créant des infrastructures de niveau mondial, en assurant un environnement fiscal stable et en formant nos jeunes, explique-t-il. Le progrès d’un sixième de l’humanité [1,250 milliards d’habitants] revêtira une immense importance en ce siècle et au-delà.  »

Quant à la France, elle a scellé sa volonté d’accompagner l’Inde dans cette aventure, avec la signature le 23 mars, à New Delhi, d’un mémorandum entre son ambassadeur en Inde, François Richier, et Shri Amitabh Kant, du Département de politique industrielle indien.

Le 9 avril, à la veille de l’arrivée de M. Modi, le Forum CEO réunissait à Paris des entrepreneurs français et indiens. Avec 950 entreprises, dont 38 groupes du CAC 40 et 650 PMI et PME, la France est le 9e investisseur étranger en Inde, employant 280 000 personnes pour un investissement de 19 milliards de dollars en 2014. Pour sa part, l’Inde compte une centaine d’entreprises installées en France, dont 38 % dans la R&D, l’ingénierie et le design, et 5000 salariés.

Ainsi, après la Chine, la politique commerciale ambitieuse de la France avec l’Inde, un autre géant des BRICS, montre qu’elle ne compte pas rater ce train du futur. Aura-t-elle l’intelligence d’utiliser ces partenariats comme tremplin pour rétablir sa souveraineté économique et financière au sein d’une Europe des patries et des projets ?