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28 pages, enquête sur le 11 septembre, JASTA : les États-Unis au bord d’un séisme politique

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Christine Bierre
Éditrice-en-chef du journal Nouvelle Solidarité

Un projet de loi au Sénat américain pourrait permettre aux familles des victimes du 11 septembre de traduire en justice des citoyens saoudiens soupçonnés d’avoir contribué à monter les attentats du 11 septembre. En visite à Washington le mois dernier, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir, furieux, a proféré des menaces contre les États-Unis : s’ils venaient à adopter cette loi, l’Arabie se débarrasserait de 750 milliards de dollars en obligations du Trésor ou autres avoirs détenus aux États-Unis !

Une actualité qui concerne Solidarité & Progrès au plus haut point, puisque, outre-Atlantique, nos amis du comité d’action politique de Lyndon LaRouche se battent depuis des années avec les principaux acteurs de ce dossier pour faire reconnaître le rôle de premier plan de l’Arabie saoudite dans ces attentats, en lien avec le gouvernement Bush/Cheney de l’époque.

C’est un Barack Obama qui doit faire face à un véritablement séisme politique chez lui qui est arrivé à Riyad, le 20 avril, pour ce qui ce sera sans doute son dernier voyage avant la fin de son mandat.

Séisme politique, car la question de la relation privilégiée qui unie les États-Unis à l’Arabie saoudite, principale source de prolifération du terrorisme djihadiste à l’échelle planétaire, vient enfin d’être posée au niveau politique national.

L’émission phare de la chaîne CBS, 60 minutes, a consacré toute une émission à cette affaire, provoquant un tollé national. Et la réponse à cette question pourrait non seulement ébranler cette relation spéciale qui dure depuis 70 ans ; elle pourrait ouvrir la boite de Pandore sur les commanditaires des terribles attentats du 11 septembre 2001.

A Riyad, Obama devra faire face à une Arabie saoudite en rupture de ban avec son ancien allié privilégié américain. Ne supportant pas que les États-Unis aient contribué à la levée des sanctions contre l’Iran, leur ennemi chiite juré, ils se sont lancés depuis, avec la Turquie, dans une politique de guerre contre Téhéran, notamment au Yémen, et contre le plan de paix russo-américain en Syrie.

Le JASTA

Il a fallu, en effet, pas moins de 15 ans d’action déterminée menée par les familles des victimes du 11 septembre, par des élus, ainsi que par des groupes de patriotes actifs dans la communauté de sécurité et en politique, pour créer les conditions où le rôle de l’Arabie saoudite, et ceux qui l’ont protégé, dans l’organisation de ces attentats, pourra peut-être être posé devant les tribunaux américains.

Le 31 janvier dernier, les associations des victimes du 11 septembre ont réussi à faire avaliser leur projet de loi JASTA (Justice Against Sponsors of Terrorism Act, en français : Justice contre les commanditaires des actes terroristes) par la Commission de la Justice du Sénat américain. La voie est donc désormais ouverte pour qu’il puisse être débattu et voté en séance plénière au Sénat.

Les conséquences de ce projet de loi sont énormes : adopté, il permettrait d’amender le Foreign Sovereign Immunities Act (FSIA) et autres dispositions qui offrent actuellement l’immunité à des pays étrangers qui pourraient faire l’objet des plaintes de citoyens ou de groupes américains.

En d’autres termes, si le JASTA est adopté, les associations de familles victimes du 9/11 pourront traduire les responsables saoudiens soupçonnés d’avoir trempé dans ces attentats, dont 15 des 19 pirates de l’air étaient saoudiens, devant les tribunaux américains.

Les 28 pages

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L’ancien sénateur démocrate Bob Graham, ancien vice-président de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats du 11 septembre, exige la publication des dernières 28 pages du rapport de la Commission bi-partisane qui mettent en cause aussi bien la famille Bush qu’Obama.

Les soupçons sur le rôle qu’a pu jouer l’Arabie saoudite dans ces attentats n’ont fait que se renforcer au fil du temps. La pugnacité de l’ancien sénateur Bob Graham, co-président de la Commission bipartisane du Congrès sur les attentats du 11 septembre, y a contribué fortement.

Le rapport de cette commission, issue des Comités des renseignements des deux chambres, à ne pas confondre avec la Commission « officielle » du 9/11 présidée par P.D. Zelikow, contient, en effet, les résultats d’une enquête précise menée sur l’équipe qui a accueilli aux États-Unis, les futurs pirates de l’air et leur a fourni logistique et financements pour monter leur sinistre projet.

Et les pistes conduisent toutes à l’Ambassade d’Arabie saoudite. A l’époque, l’ambassadeur saoudien n’était autre que le Prince Bandar Bin Sultan, un ami de la famille Bush et de Margaret Thatcher. [1]

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Le Prince Bandar d’Arabie Saoudite et Margaret Thatcher avaient conclu des accords énormes de vente d’armes contre pétrole. Crédit : LPAC

Si la quasi totalité du rapport de cette commission a été rendu publique, le président George W. Bush a décidé de classer secret Défense, la section de 28 pages qui contient justement cette enquête. Barack Obama, candidat, avait promis de la publier mais n’a pas tenu ses promesses, mais Bob Graham n’a pas baissé la garde et se bat depuis pour leur publication.

Mais c’est le déploiement de dizaines de milliers de djihadistes, en Libye et en Syrie, et l’émergence d’un terrorisme encore plusieurs monstrueux, Daesh, menaçant la planète toute entière, qui a fait grossir outre-Atlantique les rangs de ceux qui veulent en finir avec ces pratiques et cette alliance. Tant qu’on n’arrêtera pas l’Arabie saoudite, tant que les pays occidentaux ne cesseront d’instrumentaliser ses djihadistes pour déboulonner leurs ennemis au Moyen Orient, le monde sera pris en otage par des variétés de plus en plus virulentes du djihadisme.

Bob Graham l’a dit, le 8 janvier 2015, quelques heures après les attentats de Paris, lors d’une conférence de presse organisée par des d’élus des deux partis et retransmise « en exclusivité » par nos amis du LPAC. Ces élus venaient de déposer une résolution au Congrès exigeant la publication des ces 28 pages.

Pour Graham, les attentats de Paris étaient la conséquence de l’inaction américaine :

« la non-publication [de ces 28 pages] constitue bel et bien une menace à la sécurité nationale, et nous venons d’en avoir un autre exemple, aujourd’hui, à Paris. (...) Les Saoudiens savent ce qu’ils ont fait (...) ils savent que nous savons ce qu’ils ont fait ! (...) Qu’a fait le gouvernement saoudien dans ces circonstances ? Eh bien, ils ont maintenu, et même accru leur soutien à l’une des formes les plus extrêmes de l’Islam, le Wahhabisme, à travers le monde (...) . Al Qaïda était une créature de l’Arabie saoudite ; les groupes régionaux tels que Al-Shabbaab sont dans une large mesure des créatures de l’Arabie saoudite ; et aujourd’hui, l’État islamique (EI) est leur dernière créature ! »

Génocide au Yémen

La pression sur l’exécutif vient également d’autres sénateurs préoccupés par le déchaînement de violence de l’Arabie saoudite contre le Yémen chiite, qui a déjà provoqué un désastre humanitaire et la réémergence d’Al-Qaïda dans ce pays. Car ce sont les armes vendues à profusion par les États-Unis au régime saoudien, ainsi que leur appui au niveau des renseignements et de la logistique, qui sont utilisées contre le Yémen. En mars dernier, des tirs d’obus contre un marché on tué a eux seuls 119 civils.

C’est ce qui a poussé les sénateurs Christopher S. Murphy, démocrate de Connecticut, et Rand Paul, républicain du Kentucky, à déposer une résolution bi-partisane au Sénat ayant pour but d’imposer certaines restrictions aux ventes d’armes américaines au Royaume.

« Au fur et à mesure que la situation humanitaire continue à se détériorer au Yémen, le sentiment anti-américain explose et la population locale blâme les États-Unis pour les milliers de morts de civils victimes des bombardements saoudiens. Ceci reviendra nous hanter. Pire encore, nos partenaires du golfe ont réduit leur activité contre Daesh afin de se concentrer sur la lutte contre l’Iran au Yémen, a déclaré Murphy. »

Et Rand Paul, de déclarer de son côté :

« Depuis trop longtemps l’administration Obama n’a pas tenu pour responsables de la situation au Moyen-Orient, les pays qui reçoivent des munitions de la part des États-Unis. »

Le facteur LaRouche

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Autre acteur crucial dans la montée de ce scandale des 28 pages, est la tenacité de notre ami politique outre-Atlantique, Lyndon LaRouche, et de ses collaborateurs, notamment le journaliste Jeff Steinberg de l’Executive Intelligence Review (EIR) dont nous publions ici régulièrement les analyses.

Leur dénonciation de l’instrumentalisation du terrorisme islamique par l’oligarchie anglo-américaine contre leurs ennemis, remonte à la présidence de Jimmy Carter, en 1976, quand son conseiller national de sécurité, Zbigniew Brzezinski, avait lancé la politique d’arc de crise, un plan de déstabilisation d’une zone allant du Proche-Orient jusqu’à l’Afghanistan.

Il s’agissait déjà de redessiner les contours de ces pays suivant le plan élaboré par le géopoliticien néo-conservateur Bernard Lewis, à partir des critères ethniques, religieux et linguistiques. Depuis, nos amis n’ont jamais cessé de dénoncer ce projet, relancé par les néo-conservateurs de George W. Bush. Ils n’ont jamais cessé de suivre la trace des « Afghantsis », les premiers djihadistes lancés par les anglo-américains contre les soviétiques qui occupaient alors l’Afghanistan, parmi lesquels Oussama Ben Laden !


Ce n’est donc pas un hasard si les amis de LaRouche aux États-Unis et dans le monde, ont apporté tout leur soutien au combat de Bob Graham, à partir de 2011, et à celui mené par un groupe bipartisan d’élus – les républicains Walter Jones (Caroline du Nord) et Thomas Massie, (Kentucky), et le démocrate Stephen Lynch, (Massachusetts) - qui a déjà déposé deux résolutions au Congrès en faveur de la publication des 28 pages : la résolution HR 428 au congrès 2013 -2014, et la résolution HR 14 au Congrès 2015-2016. La deuxième a été rejointe par quarante et un députés.

Le 8 janvier, quelques heures après les attentats de Paris, les députés Walter Jones et Stephen Lynch, avec Bob Graham organisaient une conférence de presse aux États-Unis, pour exiger la publication des 28 pages. Nos confrères de l’EIR eurent l’exclusivité de la diffusion « en live », par Internet, de cette importante manifestation que vous pouvez retrouver ici.

Le 25 juin 2015, Walter Jones a fait parvenir à la grande conférence de l’Institut Schiller de Paris, un message vidéo sur les progrès de cette bataille.

11 septembre : les langues se délient

Le programme consacré le 10 avril 2016 par l’une des plus suivies émissions télévisées américaine, les 60 minutes de CBS, a propulsé l’affaire des 28 pages au cœur de l’actualité nationale.

Parmi les témoignages les plus importants entendus dans cette émission celui de John Lehman, ancien secrétaire de la Marine sous la présidence Reagan et membre de la Commission officielle sur le 11 septembre.

A la question posée par l’animateur Steve Kroft si les 28 pages permettaient d’identifier par leurs noms des responsables saoudiens impliqués dans les attentats, il n’a pas hésité : « Oui ! Un auditeur moyen de 60 minutes le reconnaîtrait instantanément... »

Ce n’est pas la première fois que Lehman s’en prend à l’Arabie saoudite. Philip Shenon, le cite déjà dans son livre The Commission :

« Il était frappé par la détermination de la Maison Blanche de Bush à vouloir cacher toute preuve de la relation entre les Saoudiens et Al Qaïda : ‘Ils refusaient de déclassifier tout ce qui avait un lien avec l’Arabie saoudite (...) Cela avait un côté ultra-sensible’. »

Un autre quotidien majeur, le New York Post, a publié le 17 avril un article du journaliste d’enquête Paul Sperry intitulé : « Comment les États-Unis ont caché le rôle des Saoudiens dans le 11 septembre ».

Sperry y rapporte :

« L’implication du royaume a été cachée de façon délibérée par les plus hauts niveaux de notre gouvernement. »

Paul Sperry va jusqu’à mettre en cause « Bandar Bush ». Le Prince Bandar, Ambassadeur saoudien à Washington à cette époque, avait eu ce sobriquet en raison de sa proche relation personnelle au Président George W. Bush.

« Quelques informations ont fuité (...) y compris sur une rafale de coups de téléphones, avant les attentats du 9/11, entre l’un des contrôleurs des pirates de l’air à San Diego et l’Ambassade saoudienne, et sur un transfert de 130 000 dollars du compte de l’Ambassadeur Saoudien, le Prince Bandar, vers un compte d’encore un autre des contrôleurs des pirates de l’air à San Diego. »

Mais plutôt que de lancer des poursuites contre Bandar, « s’est plaint un enquêteur qui travaillait avec le Joint terrorisme task force (JTTF) à Washington, le gouvernement des États-Unis l’a protégé – littéralement ».

« Le 13 septembre, après avoir rencontré le Président Bush à la Maison Blanche, où les deux anciens amis de famille ont partagé des cigares au Balcon Truman, le FBI a évacué des douzaines de responsables saoudiens de plusieurs villes, y compris au moins un membre de la famille d’Oussama Ben Laden qui était sur la liste des terroristes (…) Plutôt que d’interroger les Saoudiens, les agents du FBI les ont escorté, même si on savait déjà à l’époque que 15 des 19 pirates de l’air étaient saoudiens. »

Selon Eric Lichtblau du Times, Richard Clark, conseiller à la Maison Blanche, a déclaré en 2003, qu’il n’avait accepté d’aider les Saoudiens que lorsque « le FBI lui avait assuré que les Saoudiens en partance n’étaient pas liés au terrorisme. »

[1] Début 1985, le Prince Bandar bin Sultan, bien qu’Ambassadeur à Washington D.C., a personnellement négocié un accord particulier avec le Premier ministre britannique de l’époque, Margaret Thatcher. Il s’agissait d’un incroyable accord de troc entre les Britanniques et les Saoudiens. Les premiers, à travers la société de défense BAE Systems, s’engagèrent à fournir pour 40 milliards de dollars d’armes, allant d’avions de chasse aux systèmes-radar, au ministère de la Défense saoudien. En échange, les Saoudiens, pour payer ces achats ainsi que des dessous de table pour les hauts responsables de la Défense et une ribambelle de princes saoudiens, s’engageaient à fournir, à partir de 1985 jusqu’à aujourd’hui 600 000 barils de pétrole par jour !


[1Début 1985, le Prince Bandar bin Sultan, bien qu’Ambassadeur à Washington D.C., a personnellement négocié un accord particulier avec le Premier ministre britannique de l’époque, Margaret Thatcher. Il s’agissait d’un incroyable accord de troc entre les Britanniques et les Saoudiens. Les premiers, à travers la société de défense BAE Systems, s’engagèrent à fournir pour 40 milliards de dollars d’armes, allant d’avions de chasse aux systèmes-radar, au ministère de la Défense saoudien. En échange, les Saoudiens, pour payer ces achats ainsi que des dessous de table pour les hauts responsables de la Défense et une ribambelle de princes saoudiens, s’engageaient à fournir, à partir de 1985 jusqu’à aujourd’hui 600 000 barils de pétrole par jour !