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Les Moudjahiddines du peuple iranien, troupes de choc de l’Empire britannique ?

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(Nouvelle Solidarité) — Fondé en 1965 par un groupe de jeunes intellectuels iraniens se réclamant d’un islam libéral de gauche et engagés dans une guérilla urbaine contre le shah, l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (OMPI) ou Mujaheddin-e-Khalq, MeK, actuellement dirigé par « le soleil de la Révolution  » Maryam Radjavi, est la force dominante du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) que préside son mari Massoud Radjavi.

Alors que 3800 membres de ces forces combattantes vivotent dans des camps en Irak, la direction de l’OMPI installe son siège à Auvers-sur-Oise en grande banlieue parisienne. Le groupe affirme lutter pour l’instauration d’un régime démocratique et laïque en Iran. Historiquement, cette mouvance s’oppose au régime des mollahs instauré en Iran à partir de la Révolution islamique de 1979.

Entre 1980 et 1988, l’OMPI participe aux combats du coté de Saddam Hussein, encouragé par les occidentaux dans sa guerre contre l’Iran. À la fin d’un conflit qui fera plus d’un million de morts, Khomeiny émet une fatwa contre l’OMPI et les tribunaux iraniens d’exception ordonnent l’exécution de milliers de ces membres, désormais persécutés y compris à l’étranger.

L’OMPI se dote dès 1987 d’une branche armée, l’Armée de libération nationale d’Iran, qui revendique au début des années quatre-vingt-dix des attentats contre des installations pétrolières ou contre le mausolée de l’imam Khomeiny, près de Téhéran. Ensuite, elle assassinera en 1999 à Téhéran Ali Sayad Shirazi, à l’époque chef de l’Etat major iranien.

L’OMPI est inscrite sur la liste noire des organisations terroristes du Département d’Etat des Etats-Unis dès 1997, suivi en cela par plusieurs pays européens. Cependant, dans le cadre de la guerre que comptent lancer les Britanniques contre l’Iran, le Royaume-Uni, par une décision de justice de mai 2008 enlève l’OMPI de sa liste. Décision sur laquelle s’alignera l’Union européenne suite à un jugement de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) de décembre 2008, décision prise par les ministres européens des Affaires étrangères réunis à Bruxelles. La France, soutenue par l’Allemagne, conteste cette décision et dépose un recours devant la justice européenne.

Campagne internationale

Dans le contexte de l’affrontement croissant promu par l’Empire britannique et qui oppose la zone transatlantique avec l’Iran et au-delà, l’Eurasie, l’OMPI s’est investi depuis plusieurs mois dans une vaste campagne visant à faire rayer son nom de la sulfureuse liste du Département d’Etat.

On peut s’étonner des soutiens soudains apportés à la cause de l’OMPI par toute une palette d’anciens responsables de l’administration Bush (les républicains Michael Mukasey, Fran Townsend, Andy Card, Tom Ridge et Rudy Giuliani) mais aussi des démocrates comme Howard Dean, Ed Rendell, Bill Richardson ou encore le général Wesley Clark. D’après le quotidien américain Christian Science Monitor , ils auraient touché « des dizaines de milliers de dollars » pour parler en faveur de l’OMPI.

Dans un article du magazine américain Salon du 10 février 2012, Glenn Greenwald , non sans ironie, que, alors que l’Administration Obama procède, sans la moindre forme de procès et à coups de drones tueurs, à l’élimination physique de milliers d’individus sur lesquels plane le simple soupçon d’une éventuelle collaboration avec « l’ennemi », Barack Obama n’a pas la moindre intention d’envoyer pareils engins contre ces éminentes personnalités. Alors qu’un simple distributeur de télévision câblé de New York vient d’être condamné à 5 ans de prison ferme pour avoir vendu à un client un abonnement à la chaîne de télévision satellitaire du Hezbollah, Obama regarde ailleurs lorsqu’il s’agit de tous ceux qui se font arroser leur compte en banque pour faire l’éloge d’une organisation considérée comme terroriste par la loi américaine.

Pourtant, ce soutien est tout sauf timide. Le démocrate Howard Dean, parlant de Maryam Rajavi, la patronne de l’OMPI, a déclaré l’année dernière à la chaîne de radio publique NPR qu’il avait « pu diner avec Mme Rajavi a de nombreuses occasions. Je ne pense pas qu’elle a l’air terroriste  ». Dean affirme à qui veut l’entendre qu’elle devrait même être reconnue au plus vite comme la présidente de la République iranienne ! L’ancien maire de New York, le républicain Rudy Giuliani, souvent cité en exemple par Nicolas Sarkozy pour sa politique de « tolérance zéro  » à l’égard de la (petite) délinquance, a déclaré à Mme Rajavi lors d’une conférence à Paris que « décrire » son « organisation comme une organisation terroriste est franchement une disgrâce ».

Beaucoup se posent la question d’où l’OMPI tire son financement pour se payer sa grosse offensive publicitaire. Comme le notait le Christian Science Monitor : « A part une série de conférences dans des hôtels somptueux de Paris (6 et 20 janvier, 11 février), Bruxelles (7 février) et Berlin, la campagne comprend des encarts publicitaires dans le New York Times et le Washington Post, dont le coût avoisine les 175 000 dollars chaque  ».

Le MEK s’appuie en grande partie sur la Fondation pour la défense de la démocratie (FDD), fondée au lendemain des attentats du 11 septembre, comme instrument de propagande en faveur de la guerre et du changement de régimes en Irak, Iran, Syrie, Libye et autres pays. Parmi les dirigeants et conseillers de cette fondation on trouve la fine fleur des néo-conservateurs américains les plus en vue : l’ancien patron de la CIA James Woolsey, Bill Kristol, Richard Perle, Eric Cantor, Joe Lieberman, Gary Bauer, Louis Freeh, Steve Forbes, Paula Dobriansky, Charles Krauthammer, Clifford May, et Oliver « Buck » Revell.

Presque tous ces notables ont été payés par l’OMPI, à travers divers groupes basés aux Etats-Unis, soit comme orateurs à diverses conférences internationales (jusqu’à 30 000 dollars par discours !), soit pour faire pression pour faire retirer l’OMPI de la liste des organisations terroristes. Un autre dirigeant, le Dr Walid Phares, directeur des études sur le « Terrorisme du futur  » (ça ne s’invente pas !) à la FDD, a quant à lui signé « l’appel des experts » pour faire « délister » l’OMPI sur le site delistmek.com.

Deux pavés dans la mare

Pour Salon, les révélations assez spectaculaires du rapport de NBC News de Richard Engel et Robert Windrem, pourraient apporter une réponse. Le rapport se basait surtout sur un entretien vidéo mené par Brian Williams de NBC avec Mohamed-Javad Larijani, le frère d’un des négociateurs du programme nucléaire iranien, l’ancien candidat Ali Larijani, et un ami intime du leader suprême Ali Khamenei.

Dans cet entretien, Larijani affirme que les autorités iraniennes ont mis la main sur un membre de l’OMPI qui était au point d’assassiner un scientifique iranien de haut niveau. Interrogé, l’assassin potentiel est passé aux aveux. Il avait été recruté par le Mossad à Ankara en Turquie et avait reçu une formation en Israël pour des assassinats ciblés opérés avec des explosifs qu’on « colle », à partir d’une moto, sur le véhicule de la cible pendant son déplacement. Sans surprise, c’est le modus operandi constaté lors des derniers assassinats des scientifiques iraniens engagés pour le programme nucléaire iranien. L’assassin potentiel rapporte également que pour se former, il a pu s’entraîner dans une réplique de la maison de sa cible, construite en Israël par le Mossad pour la circonstance. Si ces faits monstrueux se révèlent exacts, s’interroge Larijani, les Etats-Unis devraient convoquer sans tarder Israël devant le Conseil de sécurité des Nations Unies pour « terrorisme d’Etat ».

De son coté, NBC News a pris la précaution de vérifier ces affirmations. Ainsi, citant deux sources américaines haut placés qui désirent préserver l’anonymat, la chaîne confirme l’énormité des accusations : 1) l’OMPI aurait été l’artisan de la récente série d’exécutions des scientifiques iraniens travaillant sur le programme nucléaire ; 2) l’OMPI est « financé, entraîné et armé par les services secrets israéliens ». Ces sources américaines ont ajouté que « L’Administration Obama est au courant de la campagne des assassinats » mais prétend « ne pas être directement impliquée ». Interrogé par le Guardian,l’OMPI a nié toute implicationet le Ministère israélien des Affaires étrangères s’est abstenu de tout commentaire.

Grâce à son histoire et à ses nombreux membres en Iran même, l’OMPI a pu infiltrer plusieurs agences du gouvernement iranien, y compris les Gardiens de la Révolution et l’armée. Un instrument rêvé donc pour les services secrets israéliens (Mossad), britanniques (MI-6), américains (CIA) ou français (DGSE), saoudiens ou autre pays membres du Conseil de coopération du Golfe, tous intéressés à mettre la main sur des informations sensibles ou, recours ultime, de réduire le nombre de scientifiques iraniens.