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Le courage de la jeunesse

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[ Ce document est le texte d’un discours prononcé par Franklin Delano Roosevelt avant son inauguration qui eut lieu le 1er mars 1933 .]

Les preuves du changement de notre ordre social sont si nombreuses, si tragiques dans certaines de leurs conséquences, et si clairement indicatives de la nécessité d’user de bon sens dans la préparation de tous nos projets pour le futur, que nous ne pouvons nous permettre aucune querelle quant au patriotisme et à l’entier dévouement dont devront faire preuve tous ceux qui auront reçu mandat de gouverner, de légiférer ou d’administrer les affaires du peuple.

Notre condition présente peut s’exprimer, pour chaque industrie et profession, sous forme de statistiques, courbes et graphiques. Nous pourrions présenter nos espérances futures de la même manière. Ces méthodes sont certainement nécessaires, cependant je préfère, pour ce sujet, vous parler de nos problèmes de planification d’un point de vue plus humain quoique tout aussi fidèle.

Ce point de vue intéresse peut-être plus les hommes et femmes qui éprouvent un vif intérêt pour le bonheur, comme le sont tous ceux qui se trouvent dans la pleine force de leur ambition, de leur santé et de leur jeunesse. Je veux parler de ceux qui viennent de finir leurs études et qui se préparent à prouver la valeur du système d’éducation le plus élaboré, y compris en ce qui concerne la formation du caractère, que le monde ait jamais connu.

En parlant d’eux, je pense mieux exprimer l’attitude de jeunesse vigoureuse que doivent maintenir ceux d’entre nous que concerne la planification nationale, si nous souhaitons que nos plans aient un quelconque intérêt autant pour nous que pour les générations à venir.

La plupart des jeunes de ce pays, formés et parés pour le travail du monde, se trouvent soit incapable de trouver leur place dans une entreprise productive, soit extrêmement inquiets pour leur futur – si tant est qu’il y en ait un – s’ils ont eu assez de chance pour trouver une occupation rémunératrice.

Ils ont bon espoir, bien entendu. On a beaucoup écrit sur l’espoir de la jeunesse, mais je préfère souligner une autre qualité. J’espère qu’un grand nombre d’entre eux a été entraîné à poursuivre sans relâche les vérités et à les examiner courageusement. J’espère qu’ils feront face au malheureux état du monde autour d’eux avec une meilleure clarté de vue que la plupart de leurs aînés.

Et lorsqu’ils auront pris connaissance de ce monde dans lequel ils s’apprêtent à devenir une part active, je ne doute pas qu’ils auront été impressionnés par son chaos, son manque de perspective. Cette échec de notre société à mesurer les véritables valeurs et à préparer l’avenir est vraie pour à peu près chaque industrie, chaque profession, chaque mode de vie.

Depuis quelques années des groupes ayant des intérêts particuliers qui ne coïncident pas avec les intérêts de l’ensemble de la nation ont défié les gouvernements. Nous ne pouvons permettre que notre vie économique soit contrôlée par ce petit groupe d’hommes dont l’idée essentielle qu’ils se font de l’intérêt général est voilée par le fait qu’ils peuvent obtenir des profits immenses en prêtant de l’argent et en vendant des actions – idée qui mérite les adjectifs « égoïste » et « opportuniste ».

L’on nous présente une multitude de points de vue sur les moyens de remettre en marche cette machine économique. Certains s’accrochent à la théorie selon laquelle le ralentissement périodique du système est une de ses particularités inhérentes, dont nous pouvons bien nous plaindre mais que nous devons supporter, car toute tentative d’intervention ne pourrait que provoquer des problèmes encore pires. Selon cette théorie, si je comprends bien, si nous faisons contre mauvaise fortune bon cœur assez longtemps, le système se remettra finalement à redémarrer et retrouvera après un nombre indéfini d’années le nombre maximum de révolutions représentant ce que nous avons pris coutume d’appeler à tort prospérité – mais qui ne sont, hélas, que les derniers tourbillons flamboyants de la machine économique avant qu’elle ne succombe de nouveau à cette mystérieuse impulsion du ralentissement.

Cette attitude envers notre système économique requiert non seulement plus de stoïcisme, mais plus de foi en l’immuable loi économique et moins de foi en la capacité de l’homme à contrôler ce qu’il a créé, que je ne puis personnellement avoir. Nous souffrons tous aujourd’hui, j’en suis convaincu, parce que cette confortable théorie a été trop largement implantée dans l’esprit de certains de nos dirigeants, dans la finance comme dans les affaires publiques.

La capacité inventive de l’homme, qui a construit ce grand système économique et social capable de satisfaire au besoin de tous, est largement en mesure de garantir que tous ceux qui veulent travailler et qui y sont aptes en reçoivent au moins le nécessaire pour vivre. Dans un tel système, le revenu d’un jour de travail devra être supérieur, en moyenne, à ce qu’il a été, et celui du revenu du capital, en particulier le capital spéculatif, devra diminuer.
Mais je pense qu’après l’expérience des trois dernières années, le citoyen ordinaire préfèrera n’avoir qu’un petit intérêt de son épargne en échange d’une plus grande sécurité pour le principal, plutôt que de vivre un instant l’excitant projet d’être millionnaire pour découvrir l’instant suivant que sa fortune, réelle ou espérée, s’est fanée dans ses mains à cause d’un nouvel accident du système économique.

C’est vers la stabilité que nous devons aller, si nous voulons tirer profit de nos récentes expériences. Rares seront ceux qui nieront que ce but est désirable. Pourtant, beaucoup de peureux, effrayés par le changement, fermement assis sur leur toit au beau milieu de l’inondation, résisteront avec entêtement à l’idée d’embarquer vers cet objectif de peur d’échouer à l’atteindre. Et même parmi ceux qui voudront tenter le voyage, il y aura de violentes différences d’opinion sur la manière dont il devra être entrepris. Les problèmes auxquels nous devons faire face sont si nombreux, si répandus dans l’ensemble du pays, qu’hommes et femmes, bien qu’ayant le même but, se trouvent en désaccord sur les moyens de s’y attaquer. De tels désaccords ne mènent qu’à l’inaction et à la dérive. La concorde pourrait arriver trop tard.

Ne confondons pas les objectifs avec les méthodes. Beaucoup trop de soi-disant dirigeants de la nation n’arrivent pas à voir la forêt cachée par les arbres. Beaucoup trop d’entre eux n’arrivent pas à reconnaître la nécessité de la planification selon des objectifs précis. Le véritable dirigeant appelle à la mise en place des objectifs et au ralliement de l’opinion publique en vue du soutien à ces objectifs.

Quand la nation est suffisamment unie en faveur de la préparation des objectifs généraux de notre civilisation, alors le véritable dirigeant doit unir les esprits derrière des méthodes précises.

Ce pays, pour autant que je comprenne son caractère, a besoin et demande que l’on tente des expériences courageusement et avec persévérance. Le bon sens veut que l’on choisisse une méthode et qu’on l’essaye ; et si elle échoue, qu’on l’admette avec franchise et qu’on en essaye une autre. Mais par-dessus tout, il veut que l’on tente quelque chose. Les millions de ceux qui sont dans le besoin ne resteront pas pour toujours à attendre en silence alors que les moyens de satisfaire leurs besoins sont à portée de main.

Nous avons besoin d’enthousiasme, d’imagination et d’habileté pour bravement confronter les faits, même les plus déplaisants. Nous devons corriger, par des moyens drastiques si nécessaire, les défauts de notre système économique qui nous cause actuellement de la souffrance. Nous avons besoin du courage de la jeunesse.