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FRANCE
Présidentielle, législatives : Ce que nous avons réussi

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Dans les moments clés de l’histoire, les idées que l’on parvient à développer dans une campagne politique sont bien plus fondamentales que l’adhésion immédiate des électeurs.

Ainsi, malgré les modestes résultats électoraux obtenus, nos campagnes présidentielle et législatives ont réussi à insérer trois sujets fondamentaux dans le débat politique français, autant de défis lancés au monde de la finance folle qui, sans nous, n’auraient pas été évoqués. Il s’agit d’abord de la nécessité de couper les banques en deux, c’est-à-dire de revenir à une séparation entre banques d’affaires et banques de dépôt et de crédit. Ensuite, de rétablir une politique de crédit public, en abrogeant tous les textes qui l’empêchent, pour lancer de grands projets seuls capables de relancer l’économie. Enfin, de revenir aux conceptions économiques de l’administration Roosevelt, y compris leur application dans la France de la Libération, sous forme de notre planification et des conséquences tirées chez nous des missions de productivité envoyées alors aux Etats-Unis.

Si ces sujets ne sont pas traités et si le monde de la City et de Wall Street n’est pas remis en cause, il est vain de discuter de pouvoir d’achat, d’emploi, de logement, d’Europe ou d’effort d’éducation. Car on ne peut insérer dans le système actuel, par nature prédateur et qui induit le saccage social, des politiques de justice et de solidarité.

Cela, nous l’avons dit et répété. Les médias plus ou moins affiliés au monde de la finance n’ont pu nous en empêcher. Ce que nous avons dit fait son chemin. Nos ennemis sont cependant parvenus à troubler la portée immédiate de notre message.

Comprendre leur façon de procéder est essentiel pour réagir. Leur méthode ne relève pas du domaine rationnel, mais de la manipulation idéologique des émotions.

La preuve la plus éclatante en est d’avoir dès le départ jeté des doutes sur la réalité de ma candidature présidentielle, puis en soulignant son caractère farfelu, tout en devant reconnaître que j’avais été le premier homme politique français à prévoir la crise de 2007-2008. Qu’un « farfelu » ait pu être plus compétent que les autres ne les gênait pas ! Comme cela n’a pas gêné Le Monde de « ne pas lui donner la parole comme aux autres candidats » , puisque « nous ne parvenons pas à dire de qui nous parlons ni de la nature de son organisation  » , alors que j’avais obtenu comme les autres les « présentations » de plus de 500 grands électeurs ! A-t-on compris que la grande presse parisienne et les journalistes qui ont suivi Le Monde prennent nos élus pour des imbéciles ou des incapables ? A-t-on compris qu’en alléguant son incapacité de comprendre, Le Monde avoue une incompétence surprenante par rapport à ses prétentions habituelles ? A-t-on compris que notre journal d’opinion le plus respecté puisse s’asseoir ainsi sur la liberté d’expression et de pensée et faire injure au pluralisme politique garanti par notre Constitution ? Il est vrai que nous sommes dans un pays où, en octobre 1995, les comptes de campagne de MM. Balladur et Chirac ont été acceptés dans les conditions que l’on sait, alors que le mien était rejeté sans raison juridique réelle.

Suivons maintenant l’opération de nos ennemis. Avant même la décision de censure prise par Le Monde , Benoît Duquesne, dans son émission « Complément d’enquête  » sur France 2, nous avait accusés d’être une secte à la recherche d’argent, alors que ses journalistes nous avaient au contraire promis de couvrir l’affaire du Conseil constitutionnel de 1995 ! Une émission de Le Mouv avait préparé le terrain. Le climat était ainsi créé.

La suite consista à me lancer au visage une série d’allégations destinées à nous coller l’étiquette d’« extrémistes » ou de « conspirationnistes », voire d’« antisémites ». Evidemment, sur chacun de ces points j’ai pu montrer le caractère ridicule de ces accusations. Il en est par exemple ainsi de la moustache mise à Barack Obama et qui m’était toujours jetée au visage au lieu d’aborder mon projet, comme si ma justification avait été une preuve de racisme. Les journalistes alors si scandalisés devraient aujourd’hui lire les innombrables articles parus dans la presse américaine (« Comment Obama a appris à tuer avec ses drones », « Juge et bourreau à la Maison Blanche », publiés en français dans le Courrier international) en se posant des questions au moins sur leur perspicacité.

Disons-le clairement : la litanie de choses qui m’étaient lancées trahissait par leur similitude une même source, celle des intérêts financiers que j’attaquais et qui voulaient que la présidentielle échappe à leur mise en cause.

Leur dernière trouvaille a été de tenter de ridiculiser ma politique spatiale, comme si le sujet n’avait pas sa place dans une présidentielle. Dehors l’esprit de découverte, l’imagination créatrice et le sens du futur ! Que les choses en restent au sein du système, dans un débat de statistiques, comme celui de MM. Hollande et Sarkozy ! Le problème est qu’une partie des électeurs aient pu avaler cet hameçon, sans voir que la politique spatiale des années cinquante et soixante du XXe siècle s’accompagnait d’un ascenseur social, alors que l’absence de vraie politique spatiale aujourd’hui se fait dans le descenseur !

Là est le fond des choses. Beaucoup de personnes que j’ai rencontrées à travers toute la France me confient qu’elles n’ont pas voté pour moi ou pour nous, mais que ce que nous disons leur plaisait davantage. Pourquoi ? Fondamentalement, parce que nous n’offrons pas le confort d’un mouvement de masse. Plus précisément, parce que l’idée d’une participation active au renouveau politique est perdue dans une société poussée à adopter un sens pratique dans un éternel présent. Preuve en est l’abstention aux législatives, record depuis la fondation de la Ve République.

Alors, ce qui nous reste à faire plus que jamais est de poser l’enjeu du futur et de montrer que si l’on ne sort pas de ce système prédateur, l’on ira soit vers une austérité brutale, soit vers une mutualisation hyperinflationniste de la pyramide de dettes existantes. Nous devons continuer inlassablement la pédagogie d’une autre politique, fondée sur de grands projets et la reconstruction économique, à l’échelle de la France et du monde. Les deux campagnes que nous venons de vivre doivent être la base d’un recrutement en vue de ce combat. Nous ne pouvons pas prévoir la forme exacte qu’il prendra, mais nous devons le mener. Ce que nous avons réussi deviendra alors une aire de décollage face à la tempête mondiale qui vient, en redonnant confiance et estime de soi à ceux qui sont prêts à changer leur manière de penser et d’agir, mais qui hésitent encore ou ne conçoivent pas comment le faire. Là sera la source d’une transformation.

Jacques Cheminade