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Jackson Hole : un directeur exécutif de la Banque d’Angleterre vante les mérites du Glass-Steagall

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(Nouvelle Solidarité) — Lors de la grande réunion des banquiers centraux qui se tient chaque année à Jackson Hole dans l’Etat du Wyoming aux Etats-Unis, un haut responsable de la Banque d’Angleterre a vanté les mérites des principes de la législation Glass-Steagall comme modèle impératif pour la réforme bancaire actuelle.

Le discours, censé exprimer leur point de vue personnel, a été coécrit par Vasileios Madouras, économiste de la Banque d’Angleterre, et Andrew G. Haldane, directeur exécutif chargé de la stabilité financière, connu comme un admirateur du Glass-Steagall Act de séparation stricte entre banques d’affaires spéculatives et banques de crédit ordinaires.

Sous le titre poétique «  Le chien et le Frisbee  », le discours vante l’extrême simplicité des principes de la loi Glass-Steagall. Une régulation bancaire efficace doit rester aussi simple que d’attraper un frisbee pour un chien, qui ignore tout des lois de la physique.

Sur 36 pages, les auteurs démontrent que des systèmes de régulation hypersophistiqués, notamment les accords Bâle III, la loi Dodd-Frank (réforme bancaire imposée par Obama comprenant la règle Volcker) ou les recommandations du rapport Vickers en Angleterre (cantonnement des activités bancaires au sein d’une même entité juridique), sont par avance condamnés à l’échec.

Avec une ironie britannique certaine, Haldane évoque les accords de régulation bancaire de Bâle comme « La tour de Bâle  ». En effet, alors qu’au début ils tenaient sur 30 pages, la dernière mouture prévue pour Bâle III s’étalera sur au moins 60 000 pages !

Pour Haldane : « Si l’on prend un peu de recul historique, cette tendance est encore plus frappante, surtout par rapport aux réponses des Etats-Unis face aux deux plus grandes crises financières du siècle dernier : la grande dépression et la grande récession. La plus importante réponse législative face à la grande dépression a été le Glass-Steagall Act de 1933. C’est peut-être la législation la plus influente du XXe siècle. Or elle tenait sur à peine 37 pages. »

La loi Dodd-Frank de 2010 occupe 848 pages, « plus de 20 fois la loi Glass-Steagall », et une fois complétée elle en occupera 30 000. Les propositions européennes de régulation bancaire promettent une nouvelle « tour de Bâle  » de 60 000 pages, ce qui ferait passer la loi Dodd-Frank pour un échauffement.

Haldane s’en prend ensuite à la pratique des trente dernières années qui consiste, au lieu d’interdire ou de limiter certaines opérations à très haut risque, de simplement leur «  fixer un coût  » (dixit Weizman – 1974). Pour les auteurs, cette politique n’est plus acceptable dans les conditions actuelles d’un « monde incertain  ».

«  Des régulations bancaires quantitatives ont été avancées pendant la crise actuelle. Aux Etats-Unis, la règle Volcker est un commandement de régulation fondé sur la quantité : "Tu ne t’engageras pas à spéculer avec tes fonds propres." En Angleterre, la Commission indépendante (Vickers) a également proposé ce type d’approche : "Tu ne mélangeras pas les dépôts avec les activités de banque d’affaires" (…) Ces propositions, si l’on tente de les appliquer, risquent de nous enfoncer, comme la ’tour de Bâle’, dans les marécages. » Ce qui tient dans le temps, ce sont des régulations simples qui définissent plutôt ce que «  tu feras  ». C’est pour cela que Glass-Steagall a été en vogue pendant soixante ans de plus que Bâle II.

« La finance moderne, conclut-il, est complexe, peut-être trop complexe. La régulation de la finance moderne est complexe, presque certainement trop complexe. Cet état des choses pose problème. De même qu’on ne combat pas le feu par le feu, on ne combat pas non plus la complexité par la complexité. Parce que la complexité est source d’incertitude, non pas de risque, elle nécessite une régulation avec des fondations simples et non pas complexes. Mettre cela en œuvre impliquera de faire demi-tour dans les pratiques de régulation des 50 dernières années. Si une crise d’une gravité rare dans nos vies n’est pas capable de provoquer ce changement, on peut se demander ce qui le fera. Demander aux régulateurs d’aujourd’hui de nous sauver de la crise de demain en utilisant la boîte à outils de hier [Bâle III, règle Volcker, proposition Vickers], c’est comme demander à un chien d’appliquer les lois de la gravité de Newton avant d’attraper un frisbee  ».