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Les États-Unis veulent imposer leur « primauté stratégique » grâce au chantage nucléaire

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Ceux qui ont du mal à croire que le danger d’une guerre nucléaire puisse émerger à partir de l’effondrement financier de la zone transatlantique et de la doctrine du changement de régime de Tony Blair, risquent de se réveiller en sursaut en lisant une nouvelle étude parue aux États-Unis.

Le document annonce que la probabilité qu’on fera usage d’armes nucléaires lors d’un conflit futur a nettement augmenté, et ceci à cause de deux développements nouveaux parvenus depuis la fin de la guerre froide.

C’est la thèse développée par Keir A. Lieber, professeur associé de sciences politiques à l’école Edmund A. Walsch de l’Université de Georgetown, et Daryl G. Press, professeur associé de sciences politiques de l’Université de Dartmouth, dans un article intitulé « The New Era of Nuclear Weapons, Deterrence and Conflict » publié par le Strategic Studies Quarterly, le journal de stratégie de l’Armée de l’air américaine.

Les auteurs y annoncent d’emblée de quels changements il s’agit : « D’abord, l’innovation technologique a accru de façon dramatique la capacité des Etats de lancer des attaques dites de counterforce [première frappe incapacitante] c’est-à-dire des frappes visant à désarmer un adversaire en détruisant ses armes nucléaires. Secundo, dans les décennies à venir, prévenir l’emploi d’armes nucléaires lors de guerres conventionnelles sera bien plus difficile que ce que croient la plupart des analystes. »

La base du premier argument de Lieber et Press, c’est que « des systèmes de lancement très précis, des nouvelles technologies de reconnaissance et la réduction des arsenaux par rapport aux niveaux de la guerre froide ont rendu des frappes incapacitantes conventionnelles et nucléaires contre les arsenaux nucléaires beaucoup plus faisable que jamais ».

Lors de la guerre froide, ni les États-Unis, ni l’Union soviétique pouvaient infliger une frappe incapacitante contre l’autre, car chacun disposait de tant d’armes, déployables de façon multiple, qu’une première frappe préventive sur l’autre échouait systématiquement à empêcher une frappe mortelle de riposte. Selon les auteurs, cette situation est révolue. Notamment parce que par la réduction des arsenaux qui a eu lieu entre-temps, d’un coté comme de l’autre, signifie que l’on a réduit le nombre de cibles à frapper.

En 2006, on a simulé une première frappe hypothétique des États-Unis contre la Russie. Les mêmes simulateurs qu’on a utilisé lors de la guerre froide pour démontrer qu’une situation ou l’absence d’un quelconque vainqueur était incontournable – la pré-condition d’une « destruction mutuelle assurée » (doctrine MAD), suggèrent aujourd’hui que même l’arsenal très vaste de la Russie pourrait être détruit avec une [première] frappe incapacitante.

Lieber et Press précisent qu’il ne s’agit pas pour eux de la situation spécifique entre les États-Unis et la Russie, mais qu’ils veulent seulement attirer l’attention sur le fait que les axiomes de la destruction mutuelle assurée et de la dissuasion classiques, axiomes qui étaient de mise lors de la guerre froide, ne le sont plus aujourd’hui.

Cependant, ils vont plus loin en affirmant que les États-Unis poursuivent aujourd’hui une politique cherchant à établir la « primauté stratégique » sur des adversaires potentiels.

Cela signifie, «  que Washington cherche à se doter des capacités capables de détruire les forces nucléaires (et d’autres armes de destruction de masse) de l’ennemi – mais que les armes nucléaires américaines ne sont qu’une dimension de cet effort ». L’effort global, « comprend tous les domaines de la guerre : par exemple la défense antimissile, la défense anti-sous-marins, les systèmes de surveillance et de renseignement, la guerre cybernétique offensive, les frappes de précision conventionnelles et les frappes de précision à longue distance, en plus des capacités de frappes nucléaires ».

Si un régime disposant d’armes nucléaires se trouvait face à une attaque conventionnelle des États-Unis, sa survie pourrait dépendre de ce que les auteurs appellent « l’escalade coercitive » : « Les dirigeants d’États plus faibles – ceux dont la victoire sera improbable sur un champ de bataille conventionnel – doivent affronter des pressions existentielles pour obtenir une situation d’impasse  », écrivent les auteurs. Et l’emploi de l’arme nucléaire sera la meilleure arme pour l’obtenir. Les auteurs citent alors la stratégie nucléaire du Pakistan face à l’Inde, ou la force de frappe israélienne, capable d’assurer la sécurité du pays en cas de défaite conventionnelle.

Les auteurs s’interrogent alors sur ce que les États-Unis peuvent faire pour déjouer la menace d’une escalade nucléaire : «  L’idéal, ce serait d’éviter des guerres contre des ennemis disposant d’armes nucléaires. Cependant, étant donné la politique étrangère américaine actuelle et ses alliances, cette option pourrait ne pas être possible. » L’alternative, selon l’étude, c’est en développant à un tel degré son propre armement pour une première frappe incapacitante que l’adversaire abandonnerait tout espoir d’imposer un rapport de force et que ses dirigeants préféreraient la « retraite doré » à l’escalade.

C’est précisément cette politique américaine que la Russie observe avec horreur dans la crise mondiale actuelle. Ainsi, nous nous retrouvons dans la spirale d’une escalade nucléaire dont le périmètre n’est pas prévisible. Toute utilisation d’armes nucléaires, peu importe son ampleur, reste un meurtre de masse. La seule vraie réponse, c’est de tout mettre en œuvre sur le plan politique pour sortir le monde d’un effondrement financier systémique dont la politique de « changement de régime » n’est que la conséquence.

Comme alternative à ce chantage nucléaire et au compte à rebours vers une conflagration généralisée, il est grand temps de promouvoir une coopération stratégique entre les États-Unis, la Russie, la Chine et toutes les autres nations, capable, dans le cadre d’une « Initiative de défense de la Terre  », de protéger l’humanité aussi bien contre des missiles nucléaires que contre des astéroïdes et autres objets cosmiques. Cette politique ira de pair avec une politique de grands travaux infrastructurels rendue possible suite à une réforme profonde du type Glass-Steagalldu système de crédit et des banques.