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Burkina Faso : le spectre de Thomas Sankara revient hanter la présidence

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(Nouvelle Solidarité) – La grève de masse s’étend à l’Afrique subsaharienne avec le soulèvement du peuple burkinabé contre son président Blaise Compaoré. Depuis plusieurs jours, le mouvement s’est étendu à l’armée puisque dans de nombreuses villes, des soldats se sont joints aux cortèges contre la hausse des prix alimentaires, alors que la jeunesse est en révolte depuis la mort d’un étudiant lors d’une arrestation en février. Compaoré était arrivé au pouvoir en octobre 1987 avec le soutien de la France de Mitterrand et Chirac, après avoir fait assassiner son ami et camarade révolutionnaire Thomas Sankara, alors que celui-ci tentait d’organiser un Front uni des pays africains contre la dette étrangère.

C’est l’accumulation de 25 années d’injustice qui est la cause de la révolte, comme l’a confié à RFI Ali Sanou, Secrétaire général du Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples : « Il y a beaucoup de crimes de sang et de crimes économiques qui sont restés impunis. Nous sommes dans un contexte de vie chère marqué par la paupérisation de plus en plus accrue d’une bonne partie de la population de notre pays ». Il ne manquait plus qu’un déclencheur. A Koudougou, foyer de la résistance, les manifestants défilent avec des pancartes « La Tunisie est à Ouagadougou » et « Le Burkina va avoir son Egypte ».

Face à la colère qui gronde et la défection de ses troupes, jusqu’au sein même de sa garde présidentielle, Compaoré a été contraint de dissoudre son gouvernement. Aujourd’hui, l’avenir du Burkina Faso est incertain, mais pas plus qu’hier. Dès son arrivée au pouvoir, toutes les politiques lancées par Sankara – moratoire sur la dette, protectionnisme, émancipation des femmes, transfert technologique, lutte contre la corruption, etc. – ont été stoppées et le pays est rentré dans le rang néo-colonial.

Mais comme l’a dit Thomas Sankara dans son discours d’Addis Abeba contre la dette du 29 juillet 1987, s’en prenant aux prédateurs financiers : « Ceux qui veulent exploiter l’Afrique sont les mêmes qui exploitent l’Europe ». A l’heure où le FMI saigne les peuples grecs, irlandais et portugais, et où les spéculateurs ont été renfloués des deux côtés de l’Atlantique par les banques centrales et les gouvernements, son appel à libérer les pays africains du joug monétaire international est de portée universelle : « la dette ne peut pas être remboursée. La dette ne peut pas être remboursée parce que d’abord si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Soyons-en surs. Par contre si nous payons, c’est nous qui allons mourir. Soyons-en surs également. Ceux qui nous ont conduits à l’endettement ont joué comme au casino. Tant qu’ils gagnaient, il n’y avait point de débat. Maintenant qu’ils perdent au jeu, ils nous exigent le remboursement. Et on parle de crise. Non, Monsieur le président, ils ont joué, ils ont perdu, c’est la règle du jeu. Et la vie continue. »

Aujourd’hui, la « bombe de la dette » est mondiale et bien plus explosive qu’alors. Le soulèvement des peuples à travers le monde doit mener à la mise en liquidation de toutes les dettes illégitimes – publiques comme privées – issues des paris financiers ; c’est le prix à payer pour que la vie continue…