Lyndon H. LaRouche
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Le potentiel de densité démographique relatif- chap.2

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Le livre référence sur la méthode LaRouche-Riemann en économie physique

Ainsi que Henry Carey l’a justement souligné [1], la valeur de l’activité productive humaine a pour véritable mesure l’augmentation de l’économie de travail, obtenue grâce au progrès technologique (« travail épargné »). Ce principe fondamental fut aussi celui qu’adopta le Secrétaire au Trésor américain Alexander Hamilton dans son rapport Au sujet des Manufactures publié en décembre 1791. C’est le principe leibnizien, commun aux principaux représentants du Système américain d’économie politique, c’est la seule définition de la valeur économique qui soit implicitement cohérente avec le commandement de la Genèse.

Nous montrerons au fur et à mesure que nous progresserons dans le texte pourquoi cette affirmation est nécessairement vraie. Pour l’instant, il suffit de noter que sans économie de travail il n’aurait pu y avoir de croissance de la production ou de la consommation par tête de la société ; sans elle, aucun progrès économique n’aurait pu être réalisé. Sans progrès économique, obtenu grâce au progrès technologique engendrant l’économie de travail, l’humanité serait encore à l’état d’une communauté de chasse et de cueillette.

Dans cette forme d’existence, la surface moyenne de terrain habitable requise pour subvenir aux besoins d’une seule personne est d’environ 10 km2. La population maximum sur notre planète ne peut donc dépasser dix millions d’individus [2]. L’espérance de vie est bien inférieure à vingt ans, ceci signifiant que la majeure partie de la population est nécessairement constituée d’enfants.

La plus grande partie de la population indigène que les colonisateurs ont recensée en Amérique du Nord est habituellement classée par les anthropologues comme vivant de la chasse et de la cueillette mais, même pour ce qui constitue la meilleure approximation d’une civilisation de chasse et de cueillette, « les indiens fouilleurs », il est prouvé qu’ils avaient auparavant atteint un niveau culturel relativement plus élevé. La plupart des civilisations amérindiennes étaient en effet des branches dégénérées de civilisations relativement avancées qui avaient existé antérieurement à l’an 1000 av. J-C. Certaines civilisations indiennes résultaient aussi de mélanges avec des colonies de pêcheurs scandinaves, irlandaises et portugaises, quelques unes des colonies européennes établies de ces centaines d’années avant que Christophe Colomb n’utilise des cartes semblables à celles rassemblées à Florence en 1439 pour se guider le long de la même route que, suivant la description de l’Odyssée, emprunta le légendaire Ulysse dans son voyage (environ 1000 av. J-C) vers les Caraïbes [3].

Dans une « véritable » civilisation de chasse et de cueillette [4], qui n’aurait pas conservé certaines technologies provenant d’une culture relativement plus avancée, la condition humaine ferait pâle figure par rapport à celle du babouin, plus fort et plus rapide. Sans le principe du progrès se manifestant dans l’économie de travail, la population humaine serait aujourd’hui composée d’environ dix millions d’individus, ou peut-être moins encore, condamnés à subsister dans cette condition misérable.

Pour l’instant, jusqu’à plus avant dans ce texte, nous laissons de côté la preuve que l’humanité ne pourrait pas, aujourd’hui, continuer à exister sans progrès technologique continu. Pour le moment, nous nous limiterons à la preuve plus évidente que le progrès humain est, à tous les égards, impossible sans l’amélioration continue de l’économie de travail réalisée grâce au progrès technologique.

On comprend aisément que l’accroissement du pouvoir de l’homme sur la nature se mesure très facilement par la diminution de la surface habitable nécessaire à la subsistance d’un individu. L’économie de travail se mesure ainsi d’une manière très efficace ; cette mesure peut être appliquée à toutes les formes de société quelles que soient les différences internes de structure et de civilisation pouvant généralement exister entre les sociétés.

Le nom de cette mesure, en première approximation, est la densité démographique. Pour un niveau technologique donné de la société, combien de personnes peut-on faire vivre, au kilomètre carré, en utilisant uniquement le travail de la population de cette société ?

Toutefois, avant de procéder à cette mesure, nous devons apporter certaines précisions à notre définition de la densité démographique.

Tout d’abord, le terrain pour l’habitat humain varie en qualité. Cette variabilité est triple. Par rapport à une culture technologique donnée, des surfaces de terrain différentes sont dotées de différentes qualités d’adaptabilité et de fertilité pour l’habitat de l’homme et d’autres usages. Cependant, l’habitat humain ne laisse pas le sol dans une condition immuable. Les conditions d’habitabilité et d’autres utilisations éventuelles se trouvent empirées par les effets de l’épuisement ; leur qualité est au contraire améliorée par des moyens tels que l’irrigation, la fertilisation des sols, etc. Enfin, un changement de technologie se traduit par un changement des qualités des terres les plus propices à un usage humain. Ces trois sortes de variabilité interactives de la qualité du terrain doivent être prises en compte lorsque l’on compare l’« habitabilité » d’un kilomètre carré de terrain avec celle d’un autre. Ces trois considérations définissent la qualité variable du terrain en tant que valeur relative d’un kilomètre carré.

Au lieu de mesurer de simples kilomètres carrés, nous devons mesurer des kilomètres carrés relatifs. Nous devons donc mesurer la densité démographique relative.

Ensuite, il y a habituellement une différence significative entre la taille de la population que l’on pourrait faire subsister avec les niveaux de technologie existants et la taille réelle de la population. C’est la première que nous devons mesurer lorsque nous comparons différents niveaux de développement technologique de civilisations. Nous devons mesurer la population potentielle, ainsi définie.

Nous devons donc mesurer le potentiel de densité démographique relative. C’est la mesure approximative de la supériorité d’un niveau de civilisation sur un autre. C’est la mesure du progrès économique ; c’est la mesure de l’économie de travail.

Nous devons franchir une étape supplémentaire. Pour des raisons qui seront indiquées dans la suite du texte, la quantité que nous devons mesurer est le taux d’accroissement du potentiel de densité démographique relative. Ceci mesure le taux d’économie de travail, le taux auquel les pouvoirs productifs du travail sont augmentés. Pour des raisons que nous démontrerons le moment venu, il s’agit là de la seule base scientifique permettant de mesurer la valeur économique. La mesure de la valeur économique est le taux d’accroissement du potentiel de densité démographique relative comparé au niveau existant du potentiel de densité démographique relative.

En termes mathématiques, une telle mesure de la valeur économique a une signification précise dans le langage des fonctions d’une variable complexe. Ceci est mieux défini et compris en assimilant la théorie générale des fonctions d’une variable complexe du même point de vue que celui à partir duquel Karl Gauss élabora la théorie de la génération des fonctions elliptiques.

Gauss y parvint en travaillant du point de vue de la géométrie constructive : la géométrie synthétique de constructions coniques-spirales soi-similaires. Avec cette perspective géométrique, un élève du secondaire normalement doué peut comprendre la signification ontologique des fonctions d’une variable complexe, et toute mystification superstitieuse souvent reliée au terme « nombres imaginaires » part en fumée. Les problèmes majeurs laissés irrésolus par Gauss et aussi par les travaux de Legendre, Abel et Karl Jacobi (1804-1851) sur les fonctions elliptiques, ont été implicitement résolus par ce que Bernhard Riemann a rendu célèbre sous le nom du « Principe de Dirichlet ». En appliquant le principe de Dirichlet aux travaux de Gauss, Legendre et alia, Riemann est parvenu à une forme générale de solution permettant de maîtriser ces conceptions. D’où la méthode LaRouche-Riemann, dont le nom indique le lien entre la méthode de Riemann et les découvertes économiques de LaRouche.

Assurément, tenter de maîtriser ces conceptions du point de vue d’une algèbre déductive basée sur l’arithmétique axiomatique est laborieux et effraie même des mathématiciens chevronnés. Si l’on adopte plutôt une approche de géométrie synthétique, la mystification s’efface au point qu’un collégien peut accéder à l’essentiel. Par conséquent, le lecteur ne devrait pas être effrayé par cet avertissement quant à la nature des conceptions vers lesquelles nous tendons.

Aucun profane intelligent ne pourrait arguer honnêtement qu’un tel progrès n’est pas avantageux. Il devrait être clair qu’essayer de retourner à un mode d’existence basé sur la chasse et la cueillette, ainsi que quelques-uns des « écologistes » les plus radicaux d’aujourd’hui le prônent, nous obligerait à supprimer environ quatre milliards et demi d’individus de la population actuelle de la Terre : le massacre le plus sauvage de l’histoire moderne. Si l’on tentait d’opérer ce retour à un niveau de civilisation technologique l’on provoquerait un génocide qui se manifesterait principalement accompli par des famines et des épidémies, éclatant de manière simultanée, c’est-à-dire les modes de destruction les plus efficaces jamais inventés.

Un tel massacre (génocide, selon la doctrine du juge américain Robert Jackson au Procès de Nuremberg) pourrait être accompli dans une large mesure en adoptant simplement une politique de « société postindustrielle » de façon globale sur une période de quatre à cinq décennies. La chute de la productivité du travail, mesurée en quantités de biens physiques produites, abaisserait le potentiel de densité démographique relative nettement en deçà des niveaux de population existants. Après une cinquantaine d’années de mise en pratique d’une telle politique à l’échelle planétaire, le potentiel descendrait aux environs d’un milliard d’individus. Il n’est pas improbable que l’effondrement des potentiels immunologiques des populations les plus affectées causerait des éruptions à grande échelle d’anciennes et de nouvelles variétés d’épidémies et de pandémies à un niveau suffisant pour éradiquer complètement l’espèce humaine. Il n’y a pas grand chose de bon à dire sur l’« écologisme » tel qu’il est aujourd’hui prêché.

Une fois mises de côté les propositions criminelles visant à abaisser le niveau de civilisation technologique, la question demeure de savoir si le progrès technologique ne pourrait pas être interrompu aux niveaux actuels de développement. En d’autres termes, la continuation du progrès technologique est-elle indispensable — ainsi que simplement bénéfique — à la poursuite de l’existence humaine ? Nous arriverons rapidement au point où il est prouvé qu’un « oui » préliminaire, et plus ou moins conclusif, est la réponse à la question posée : le progrès technologique est indispensable à l’existence continue de l’espèce humaine sur cette planète. Ultérieurement, la même preuve sera explorée d’un point de vue plus avancé.

Nous examinons maintenant le problème de l’application de la notion de potentiel de densité démographique relative aux économies existantes. Nous commencerons avec une approximation qui est grossière dans son énoncé mais saine dans son principe. Nous mettrons ainsi en lumière quelques conceptions majeures de la science économique appliquée et, à partir de ce point, passerons à un examen ultérieur des mêmes conceptions d’une manière plus profonde et plus rigoureuse.

Pour procéder à l’examen préliminaire de toute économie, il faut traiter toute grande économie nationale comme si toutes ses activités étaient celles d’un groupe agro-industriel intégré. Les opérateurs employés soit dans la production industrielle ou agricole, soit dans la construction, la maintenance et l’exploitation de l’infrastructure économique de base essentielle à la production agricole ou industrielle de biens physiques, doivent être considérés comme effectuant du travail productif. Toutes les autres catégories d’emplois ou de chômage tombent dans les catégories relevant des frais généraux de l’entreprise agro-industrielle. Les frais généraux incluent l’administration, les services, les frais liés au commerce, les dépenses et les diverses formes de gaspillage, y compris le chômage.

On trace plus utilement le cycle de production des biens physiques de l’entreprise agro-industrielle en le remontant des biens finis aux biens intermédiaires et à la production de matières premières. Les produits finis sont répartis entre deux « paniers » : celui des biens d’équipement et celui des biens de consommation des ménages. On remonte le flux des biens intermédiaires et des matières premières vers chacun des deux sortes de paniers. Nous subdivisons ces « paniers » en deux sous-catégories générales pour chacun d’entre eux :

a- les biens d’équipement consommés pour la production de biens physiques, plus la construction, la maintenance et l’exploitation de l’infrastructure économique de base ;

b- les biens d’équipement consommés par les activités liées aux frais généraux ;

c- les biens de consommation requis pour l’entretien des ménages des opérateurs employés ;

d- les biens de consommation requis pour l’entretien des ménages dont l’emploi relève de la catégorie des frais généraux.

Nous mesurons ces paniers par tête :

a- par tête pour la population totale
b- par tête pour la population active totale ;
c- par tête pour la composante du secteur productif de la population active totale.

Nous définissons ces mesures par tête en termes de consommation et aussi en termes de production des composants des paniers. Ceci pourrait être décrit comme une méthode de mesure des échanges de biens (les entrées-sorties) à l’intérieur d’un processus économique complet et autonome.

Cette approche est suffisante pour évaluer les dangers que représentent pour la société une politique de « croissance technologique zéro. »

Quel que soit le niveau de technologie, certains aspects de la nature altérée par l’homme sont les principales « ressources naturelles » dont dépend la production des matières premières. Dans un tel cas, à tout moment, la production des matières premières nécessaires pour produire ce qu’il faut pour remplir les « paniers » requiert l’affectation d’un certain pourcentage de la population active totale. Nous devrions également observer que cette affectation doit aussi être mesurée comme un pourcentage de la part du secteur productif dans la population active totale.

Si l’éventail des variétés de ressources naturelles requises par une civilisation technologique est en voie d’épuisement, la société est obligée d’employer des variétés relativement plus pauvres et moins accessibles de ces ressources. Ceci accroît le coût du travail par unité de matière première produite. Le pourcentage de la force de travail requise à la production de matières premières se trouve ainsi augmenté. En conséquence, la production globale diminue car d’autres pans de la production se trouvent étranglés ; par conséquent le contenu des paniers se trouve réduit. Ceci représente une diminution du potentiel de densité démographique relative.

Si ce potentiel tombe en dessous des niveaux existants de population, la société elle-même entre dans une spirale d’écroulement analogue à du monde romain, causée par une combinaison de politiques économiques de croissance technologique zéro, y compris le remplacement du travail pleinement productif de fermiers libres italiens par le travail marginalement productif d’esclaves enchaînés à des grandes propriétés aristocratiques. Le résultat de ce processus fut la dépopulation graduelle de l’Italie, l’une des causes principales du bouillonnement politique associé aux réformes de Flaminius et aux insurrections avortées des Gracques. L’Empire Romain a subsisté par la suite grâce au tribut (y compris les importations de céréales) apporté à l’Italie par l’assujettissement d’autres peuples. Comme de larges étendues des territoires conquis ont décliné d’une manière similaire à l’Italie, pour les mêmes raisons politiques, l’Empire Romain s’est écroulé de l’intérieur. Dans les temps modernes, la vitesse de l’effondrement induit par de telles politiques s’accroît fortement, par rapport à l’exemple romain, car l’on dépend toujours davantage de la technologie pour maintenir le niveau de population. Il y a d’autres facteurs, mais les énumérer ici nous ferait faire une trop grande digression ; l’idée générale est suffisamment claire au point où nous en sommes.

Les effets de l’épuisement des ressources sont atténués, voire effacés, par le progrès technologique. Il existe deux aspects à cela.

D’abord, simplement, l’accroissement des pouvoirs productifs du travail compense l’augmentation du coût moyen du panier. L’économie de travail permet d’accomplir la même quantité de travail avec moins d’effort humain, c’est-à-dire avec une partie de la force de travail consacrée à la production de biens physiques moindre. Si le progrès technologique est suffisamment rapide, l’économie pourra croître avec succès en dépit de l’épuisement d’une partie de l’éventail des ressources naturelles requises. De même, l’affectation d’une partie des économies de travail obtenues par le progrès technologique à l’amélioration des infrastructures, augmente la qualité relative du sol pour l’habitat humain et les autres usages qu’en fait la société : irrigation, transports, etc.

Ensuite, ce qui pourrait être légitimement appelé « révolution technologique » renouvelle l’éventail des ressources naturelles requises. La « révolution agricole » est un cas exemplaire. L’utilisation de la puissance animale, l’utilisation de la puissance hydraulique, de la puissance éolienne, la révolution industrielle basée sur les machines à combustion en sont d’autres ; la révolution électrique en est encore un. En restreignant sur certaines surfaces le règne végétal aux espèces utiles à l’humanité et en améliorant les espèces cultivées, la quantité finie de radiation solaire inondant le sol (environ 0,2 kW/m2) se trouve concentrée au bénéfice de l’homme ; la qualité relative du sol s’améliore fortement ; le potentiel de densité démographique relative s’accroît en conséquence. Aujourd’hui, les paramètres majeurs d’une révolution technologique réussie sont à la fois la diminution du coût de production et de livraison des ressources énergétiques utilisables et, en même temps, l’augmentation de la densité du flux d’énergie et la cohérence de ces ressources énergétiques ; de telles méthodes, par exemple, rendent les minerais très pauvres aussi peu coûteux à l’emploi que les minerais très riches l’étaient auparavant.

Sur ces bases, nous pouvons prouver que le progrès technologique est non seulement bénéfique, mais encore indispensable à la continuation de l’existence de notre espèce. Seules les sociétés dont la culture s’en remet au progrès technologique réussi, en tant que pratique politique, sont qualifiées pour survivre et prospérer. En effet, seules ces sociétés sont moralement qualifiées pour survivre alors que la société basée sur la loi et la culture romaines ne l’était pas.

En même temps que la technologie utilisée par l’humanité progresse, la quantité d’énergie utilisable consommée par tête et par km2 augmente. De manière générale, nous pouvons réduire ceci à la forme d’une simple fonction mathématique, en corrélant l’énergie au km2 au potentiel de densité démographique relative : une fonction de l’énergie au km2 croissante (utilisable) augmentant avec le potentiel de densité démographique relative. Ce n’est pas encore une fonction exacte, mais une approximation utile de la fonction requise.

Ainsi que nous l’avons sous-entendu ci-dessus, historiquement, l’accroissement du débit d’énergie utilisable est grossièrement divisé en deux phases principales. Dans la première phase, on se concentre sur l’accroissement de la captation efficace de l’énergie solaire. La révolution agricole, l’utilisation de la puissance hydraulique et l’utilisation de la puissance fournie par les moulins à vent, sont des exemples de cette utilisation indirecte des sources d’énergie nées du rayonnement solaire (principalement). La deuxième phase est un basculement graduel vers des sources non solaires : combustibles fossiles, énergie fournie par la fission nucléaire et la fusion thermonucléaire contrôlée.

L’énergie solaire est une source d’énergie extrêmement limitée par rapport aux niveaux actuels de densité de population relative potentielle. Nous avons noté que le rayonnement solaire frappant la Terre est de seulement 0,2 kW/m2. Les chiffres des tableaux 1 et 2 donnés ci-après ont été recueillis par la Fondation pour l’Energie de Fusion dans le courant de l’année 1979 : bien que les coûts relevés dans le tableau 2 soient évidemment périmés, les valeurs relatives de ces coûts donnent néanmoins encore aujourd’hui une bonne indication.

On doit insister sur le fait que la puissance hydraulique, la puissance éolienne et les sources d’énergie végétales ou animales sont des formes de capture du rayonnement solaire. Celle qui est disponible à la surface de la Terre, nous l’avons souligné, est de 0,2 kW/m2. A huit millions de kilomètres du Soleil, la densité de flux d’énergie atteint seulement 1,4 kW/m2. En tant qu’énergie combustible capturée par la biomasse, le rendement de la capture de l’énergie solaire par la vie végétale est seulement de 0,0002 kW par m2 de la surface où cette vie végétale s’est développée.

La révolution agricole a été un grand développement, un développement indispensable à toute la civilisation humaine, mais, considérée d’un point de vue élargi, elle est très limitée en potentiel dans la mesure où elles nous fait simplement dépendre du rayonnement solaire et, sur une échelle de temps appropriée, la biomasse a une vie historiquement très courte pour la fourniture de puissance calorique. En examinant le développement des plantes comme sources de nourriture, les limites associées à cet aspect des choses sont illustrées par le fait que notre meilleure performance dans l’amélioration (génétique) des graines ne permet de rendre consommable que 50% du poids total de la plante céréalière ; sans accroître grandement la masse végétale par hectare, on ne pourra donc pas améliorer beaucoup le rendement par hectare au-delà de celui des meilleures variétés actuelles. Pour obtenir les qualités de protéines animales nécessaires au développement sain de jeunes personnes, et pour soutenir des potentiels immunologiques élevés, et ainsi de suite, nous devons perdre une partie de la production végétale totale en l’affectant à la nourriture du bétail. Seuls le traitement des sols par les engrais chimiques, la maintenance des oligoéléments, les pesticides, etc. nous permettent d’améliorer les variétés végétales en vue de rendements significativement plus élevés que ceux obtenus avec le seul rayonnement solaire et les « engrais naturels ». Ce n’est que par des améliorations radicales de la qualité des sols, y compris en recourant à des systèmes extensifs de gestion des ressources hydrauliques qui exigent toujours des apports significatifs d’énergie, que l’on peut obtenir des terrains agricoles de valeur relativement élevée au kilomètre carré.

Avec les combustibles fossiles et la « révolution de la chimie » des XVIII et XIXe siècle, rendue possible grâce à l’utilisation des combustibles fossiles, l’humanité a pu dans une grande mesure s’affranchir des contraintes du rayonnement solaire. Cependant, les combustibles fossiles ne peuvent-ils être utilisés par l’ensemble de l’humanité que de façon limitée dans l’histoire. Le charbon est un résidu sédimentaire de la vie végétale et donc limité. Pétrole et gaz naturel combinés ne sont pas des « combustibles naturels » au sens strict, au sens où le charbon l’est ; le pétrole et le gaz naturel sont produits « naturellement » dans n’importe quelle partie de notre planète où existent les pré-conditions chimiques appropriées, et où l’on a un milieu « réductif » plutôt qu’un milieu « oxydant ». Sans aucun doute, la Terre produit aujourd’hui encore sans arrêt de nouvelles sources de pétrole et de gaz naturel profondément dans le manteau terrestre. Néanmoins, à long terme aussi, le pétrole et le gaz naturel sont des ressources naturelles limitées pour l’humanité. La même observation générale s’applique également au potentiel énergétique de la fission nucléaire sur Terre, du moins tant que l’on dépendra seulement des matières fissiles obtenues par extraction minière.

Avec la fusion thermonucléaire contrôlée, nous échappons à de telles limitations. L’hydrogène est abondant dans l’Univers et l’obtention de l’isotope deutérium à partir de mélanges d’isotopes d’hydrogène disponibles sur Terre — et ailleurs — est bien établie. Maintenant, le combustible pour la fusion thermonucléaire est presque disponible sans limite par rapport aux autres sources terrestres de production d’énergie et, avec les avancées technologiques, la fourniture du combustible de fusion deviendra totalement illimitée pour toutes les applications pratiques prévisibles au cours des millénaires à venir et même au-delà. Aux très, très hauts niveaux de densité de flux d’énergie rendus désormais possibles par le développement de la fusion thermonucléaire contrôlée, une forme adéquatement organisée de plasma ayant ce genre de densité de flux d’énergie ultra-élevée, pourra être, par exemple, employée à la fabrication de combustibles destinés aux processus de fusion ordinaires à partir, par exemple, de l’hydrogène ordinaire. De cette manière, alors que nous allons maintenant vers des percées économiques dans la production d’énergie nette par les prototypes de première génération ayant recours à la fusion thermonucléaire contrôlée, nous sommes au bord de la fourniture illimitée « d’énergie artificielle ».

Proposer que l’on dépende des sources « d’énergies renouvelables », comme l’a fait l’ancien Secrétaire à l’Energie américain James R. Schlesinger et beaucoup d’autres de cette faction, est une politique véritablement suicidaire. Nous avons suffisamment indiqué le problème de l’utilisation de la biomasse en tant que substitut à l’énergie nucléaire et aux combustibles fossiles. Dans le cas du collecteur solaire, ou cellule solaire, la quantité d’énergie consommée par la société pour la production de tels composants excède l’énergie totale susceptible d’être collectée par ces composants pendant toute leur durée de vie. En d’autres termes, la quantité d’énergie que reçoit la société en utilisant de tels composants est négative.

Parmi les points marquants illustrés par le tableau 2, il y a une corrélation entre l’efficacité des sources de chaleur et le niveau de température (ou équivalent) auquel opère la source d’énergie. Ce tableau évoque la mémoire de Sadi Carnot (1796-1832). Aussi longtemps que l’on s’en tient à la « théorie calorique de la chaleur percussive », la fameuse formule de Carnot semble rendre compte du fait que les processus les plus coûteux de génération de chaleur peuvent concurrencer les moins coûteux si les plus coûteux opèrent à des niveaux de densité de flux d’énergie suffisamment supérieurs à ceux des moins coûteux. Cependant, Sadi Carnot lui-même n’a jamais été très à l’aise avec la théorie « calorique » et n’a utilisé les hypothèses de cette théorie que par souci pratique, à l’époque où il écrivit son traité. La réfutation décisive de la « théorie statistique de la chaleur » a été opérée plus tard par Riemann dans son traité De la propagation des ondes atmosphériques planes d’amplitude finie de 1859,— une des sources les plus employées par la méthode LaRouche-Riemann. Lord Rayleigh (1843-1919), dans ses écrits des années 1890, fut un de ceux qui soulignèrent que si le traité de Riemann de 1859 s’avérait scientifiquement exact, c’est toute la théorie statistique des gaz qui allait se trouver discréditée dans son intégralité. Les travaux de scientifiques allemands prouvèrent expérimentalement la justesse des idées de Riemann. Le Professeur Erwin Schrödinger (1887-1961) a eu également recours au traité de Riemann dans ses travaux sur la géométrie interne de l’électron. Il y a bien quelque chose derrière les résultats donnés dans le tableau 2 plus profond qu’il n’y paraît et qui n’aurait jamais pu être démontré dans le cadre de la théorie statistique de la chaleur.

Ceci a trait au curieux phénomène auquel nous avons fait référence plus haut : la proposition selon laquelle une simple portion de la puissance totale fournie à un processus, dans la mesure où cette portion est élevée à un niveau suffisant de densité de flux d’énergie, accomplit plus de travail que toute la puissance fournie, si cette dernière est appliquée à un niveau de densité de flux d’énergie significativement inférieur.

Ce curieux phénomène peut être rapproché de situations dans lesquelles une réaction chimique, par exemple, ne peut survenir sans qu’elle reçoive un apport énergétique à une certaine densité de flux d’énergie. Il existe bien sûr de nombreux exemples analogues. De tels exemples concernent le point que nous allons développer plus loin dans ce texte, mais ce point à développer va au-delà de ce que ces exemples tendent à suggérer.


[1L’unité de la loi. passim.

[2Estimation tirée des recherches de Uwe Parpart-Henke

[3En 1978, des hellénistes ont reconstitué le voyage d’Ulysse à partir de la description fournie dans l’Odyssée. Le parcours dépasse nécessairement l’espace méditerranéen et implique une navigation transatlantique, possible dans une de ces barques similaires aux drakkars vikings qui ont proliféré en Méditerranée au cours du deuxième millénaire av. J-C. L’« esprit du bateau » mentionné dans le livre suggère l’emploi d’un compas magnétique, une technologie qui n’est pas invraisemblable pour l’époque et dont on pourrait prouver la possibilité d’existence, mais par une analyse trop détaillée pour pouvoir être rapportée ici.

[4Le premier récit historique portant sur l’existence d’une véritable culture de chasse et de cueillette se réfère au peuple de l’Atlas et a pour auteur Diodorus Siculus, historien romain du premier siècle av. J-C. Les gens de l’Atlas peuplent alors la partie fertile du Maroc proche du détroit de Gibraltar, insistent sur le fait que leurs ancêtres possédaient une culture de chasse et de cueillette primitive, et que c’est à partir d’un centre urbain établi par un peuple maritime que leur fut enseignée l’agriculture. Il s’agit de la « civilisation de l’Atlantide », citée dans les dialogues de Platon. Les noms dynastiques de cette civilisation correspondent aux noms prédynastiques de l’Egypte archaïque. Les civilisations souvent qualifiées de civilisations de chasse et de cueillette par nombre d’anthropologues ne constituent pas des civilisations « primitives » à strictement parler, mais sont le fruit de la décadence et de la dégénérescence de civilisations ayant atteint auparavant des niveaux relativement plus élevés.