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Avec l’Union eurasiatique, Poutine lance une nouvelle dynamique

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par Johanna Clerc
militante avec Solidarité&Progrès

Alors que l’UE se suicide à coups de politiques d’austérité, à Moscou une union douanière, faite d’échanges physiques et technologiques, est en gestation.

Le 24 décembre, le président russe Vladimir Poutine a accéléré le mouvement vers la création de l’Union économique eurasiatique (UEA), au cours d’un sommet à Moscou, auquel participaient les pays membres de l’Union douanière, Russie, Kazakhstan et Biélorussie. Étaient aussi présents les chefs d’État du Kirghizstan et de l’Arménie, qui ont commencé les démarches pour devenir membres.

Très important, le Premier ministre ukrainien y participait aussi en tant qu’observateur. C’est un pas de plus de l’Ukraine vers cette alliance eurasiatique, après son refus de signer l’accord d’association EU/Ukraine, du moins en l’état.

L’économiste et stratège Lyndon LaRouche, notre ami outre-Atlantique, s’est réjoui de ce sommet, car c’est une attaque supplémentaire contre la tentative de réseaux atlantistes, via l’Union européenne, de porter un coup à la Russie, en attirant l’Ukraine dans une Union européenne qui ne représente pas aujourd’hui, pas plus que les Etats-Unis, une union économique viable.

Bien que les contours de cette Union eurasiatique que veut créer la Russie, ne soient pas encore très précis, LaRouche a salué l’intention qui la fonde : une volonté de créer un espace souverain de développement économique, d’intérêt commun, au moment où la zone transatlantique sombre dans la crise financière. Ce n’est pas encore une victoire de la zone eurasiatique sur la zone transatlantique, a dit LaRouche, mais c’est un pas dans la bonne direction.

Vladimir Poutine l’a, au contraire, affirmé dès le début du sommet, « nous créons l’Union eurasiatique pour renforcer nos économies et assurer leur développement harmonieux et leur rapprochement ». Il a défini « la coopération juste et mutuellement avantageuse, sur un pied d’égalité » comme l’un des principes de base de l’UEA, ainsi que, « le plus important », comme étant l’amélioration du bien-être des citoyens.

L’UEA pousse plus loin l’Union douanière (UD) et l’espace économique commun établis entre la Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie entre 2010 et 2012, pour créer une zone économique intégrée et souveraine s’étendant à l’Asie centrale. Si les pays concernés sont issus de l’ancien bloc soviétique et ont de ce fait conservé des liens économiques forts, c’est plutôt un vent de type rooseveltien qui les inspire. La libre circulation des biens, personnes, services et capitaux que permettra à terme l’UEA, ne se fera donc pas entre pays aux niveaux économiques très différents, comme l’Ukraine et l’UE. Surtout, elle s’accompagne d’une volonté politique forte de développer les secteurs productifs à forte valeur ajoutée.

Il faut dire que les premiers résultats de l’Union douanière sont déjà encourageants. Les échanges commerciaux entre les trois pays de l’UD ont augmenté de 87 % de 2010 à 2012, alors qu’ils n’ont augmenté que de 50 % avec le reste du monde. Entre 2011 et 2012, ils étaient constitués à 37 % d’hydrocarbures (exportés principalement de Russie vers le Kazakhstan et la Biélorussie), à 21 % de moyens de transport et à 13 % de produits sidérurgiques. Les exportations biélorusses vers le Kazakhstan (22 % de véhicules, 20 % de machines-outils) ont augmenté, comme les exportations russes vers le Kazakhstan, constituées à 26 % de carburants, 15 % de machines-outils et 11 % de métaux. Si la part de biens à haute valeur ajoutée échangée reste faible. Comme les produits high-tech, elle tend à augmenter, tandis que celle des matières premières tend à baisser, signe de relations économiques de meilleure qualité, comme s’en est réjoui Poutine le 24 décembre.

La Banque eurasiatique de développement fondée en 2009 a intensifié ses activités, finançant en grande partie des projets industriels liés à l’énergie, le développement des transports, l’extraction des minerais, l’agriculture… Une société conjointe de transport a été créée par les opérateurs ferroviaires des trois pays, la United Transport Logistic Company, dont les investissements devraient atteindre 6,2 Md$ d’ici à 2020, pour un gain de 11 Md$ pour le PIB des trois pays. Enfin, en janvier 2013, un centre pour l’innovation technologique a été créé, le centre conjoint de l’Eurasec.

Il sera établi prochainement que dans l’UEA, le vote de chaque pays aura le même poids (actuellement, le vote de la Russie compte plus que celui des deux autres pays). Quant aux conditions politiques d’entrée imposées par l’UE, l’entrée dans l’UD puis l’UEA ne met pas de conditions sur le régime et la vie politiques des pays membres.

Sans vouloir encenser la Russie, la Chine ou d’autres pays du Pacifique, une croissance robuste domine cette partie du monde, alimentée par le progrès scientifique et la volonté de maîtriser de grands défis, comme l’exploration spatiale ou la maîtrise de l’atome. Tel n’est plus le cas dans la zone transatlantique. Le progrès a changé de camp.