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Sanctions contre la Russie : les contre-propositions de Glaziev
26 avril 2014
(La rédaction de S&P)—Une proposition élaborée par l’académicien Sergeï Glaziev, conseiller de Vladimir Poutine, visant à protéger l’économie russe contre les sanctions imposées par les Etats-Unis et l’Union européenne, fait l’objet d’un débat intense en Russie. Les 15 points du plan de Glaziev vont bien au-delà d’une simple réaction aux sanctions. Le plan permettrait d’accélérer la politique de « déoffshorisation » de la finance russe annoncé par Poutine dans le passé, et pourrait constituer le fondement d’une nouvelle banque nationale « hamiltonienne » dédiée au financement de l’économie réelle. La proposition a été publiée sous la forme d’une lettre de Glaziev au ministère des Finances, pour délibération devant le Conseil financier national. Selon le quotidien Vedomosti, consacré aux questions financières, le ministre des Finances Anton Silouanov, un économiste d’obédience libérale, a donné des instructions aux différents départements de son ministère afin qu’ils évaluent le plan de Glaziev. Plusieurs des mesures proposées par Glaziev sont, comme le rapporte Vedomosti, liées à ce que l’on pourrait appeler la « dédollarisation », un processus dans lequel s’est engagé la Russie depuis le début des sanctions imposées par Washington et Bruxelles. Ceci comprend le transfert des actifs russes et des comptes libellés en dollar depuis les pays membres de l’Otan vers les pays neutres ; la vente des obligations des Etats membres de l’Otan ; des limitations aux opérations des banques russes en devises étrangères, surtout pour ce qui concerne les transactions non reliées au commerce (i.e. les transactions spéculatives) ; une réduction rapide des réserves de l’Etat russe en devises des pays participant aux sanctions ; une campagne publique contre les inconvénients découlant de la détention de fonds dans des comptes libellés en dollar, qui pourraient être gelés en raison des sanctions. De plus, Glaziev propose de forcer les entreprises stratégiques à transférer leur domiciliation juridique des zones offshore vers la Russie, et de convertir les comptes au sein de l’Union douanière Biélorussie-Kazakhstan-Russie et dans d’autres pays qui sont des partenaires commerciaux en monnaies nationales. Il propose des accords de swap sur devise et crédit avec la Chine, de manière à garantir le financement des secteurs commerciaux les plus importants. L’élément le plus prometteur, et celui qui ouvre les plus grandes potentialités dans ce que propose Glaziev, a trait à la possibilité de voir la Banque centrale russe procéder à une émission monétaire destinée en exclusivité à la Banque VEB, une banque publique, pour permettre aux entreprises russes de remplacer les prêts étrangers par des prêts libellés en rouble. Au cours des dernières semaines, les entreprises russes n’ont pas pu renouveler leurs prêts sur les marchés internationaux à cause des sanctions. Moskovsky Komsomolets, un quotidien de Moscou, rapporte que Glaziev s’est adressé le 24 avril à un groupe d’entrepreneurs russes proche de Poutine, où il a développé son idée pour favoriser l’offre de « crédit interne, à faible taux et à long terme » au bénéfice des entreprises. Il a déclaré que l’offre de ce type de crédit devait être doublée ou triplée. Le mécanisme proposé s’inscrit dans ce que Glaziev a déjà promu par le passé : un mécanisme de réescompte de la banque centrale [1] au bénéfice du système bancaire, à condition que les prêts accordés par les banques soient réservés au secteur de l’économie réelle. Le journaliste de Moskovsky Komsomolets Konstantin Smirnov décrit Glaziev comme un « dirigiste ». Ceux-ci ne « sont pas contre les marchés, mais croient qu’ils doivent être réglementés avec soin, et que l’Etat vient en premier ». Glaziev s’est en effet battu pour une approche de ce type depuis vingt ans. Il avait convoqué en 2001 des auditions à la Douma, pour discuter de la manière dont l’économie d’un pays peut être protégée en situation de crise financière globale, et au cours de laquelle l’économiste américain Lyndon LaRouche était le principal intervenant étranger. Vedomosti, cite cependant une source du Kremlin, qui a confié que les « idées de Glaziev sont utilisées pour tester le bloc libéral » (représenté par Anton Siluanov, German Gref, ou Alexei Koudrine), et voir s’ils seront en mesure d’y apporter des contre-arguments valables dans le cadre des actuelles sanctions. Ainsi, selon cette source, « l’influence de Glaziev ne doit pas être surestimée, mais il ne faut pas la sous-estimer non plus ». Il reste que les sanctions auront peut-être pour effet de la renforcer. [1] Réescompte : action par laquelle la banque centrale rembourse d’avance à une banque la partie d’un prêt qu’elle a déjà accordé à une entreprise quelconque. La banque peut ainsi prêter à nouveau l’argent à une nouvelle entreprise, sans avoir à attendre le remboursement du prêt initial. |