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Les astronautes chinois étendent l’esprit des BRICS à l’espace

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Benoit Chalifoux


Crédit : Agence Xinhua

Confirmant la montée de l’Asie dans la communauté spatiale mondiale, l’astronaute japonais Soichi Noguchi est devenu le 15 septembre le premier asiatique à avoir été élu à la tête de l’Association des explorateurs de l’espace (ASE), dans le cadre de son 27e Congrès annuel qui vient d’avoir lieu du 10 au 15 septembre à Beijing.

L’ASE a été fondée en 1985, à Cernay, en France, et compte aujourd’hui 395 astronautes, cosmonautes et taïkonautes de 35 pays. Ils ont tous pour point commun d’avoir complété au moins une mission dans l’espace, puisque c’est la principale condition pour pouvoir adhérer à l’association. L’ASE, qui est sans but lucratif et qui se veut apolitique, est divisée en quatre branches : Etats-Unis, Russie, Europe et Asie.

Lors d’une conférence de presse suivant son élection, Noguchi a déclaré que l’ASE allait justement œuvrer « pour que la Chine soit incluse dans l’effort international de coopération et qu’elle amorcerait le dialogue à la première opportunité  ». L’astronaute américain Andy Turnage, secrétaire-général du comité exécutif international de l’ASE, a déclaré que la Chine était un acteur «  sérieux et enthousiaste  » dans le domaine de l’exploration habitée de l’espace et que les membres de l’association devraient encourager leurs gouvernements respectifs à travailler avec elle.

Rappelons que la Chine, qui accueillait le Congrès annuel de l’ASE pour la première fois, s’est engagée dans un programme spatial habité seulement depuis le 21 septembre 1992, suite à une décision du Bureau politique du Comité central du Parti communiste. Ceci fait d’elle une puissance spatiale relativement nouvelle et explique pourquoi elle s’est souvent vue obligée de conduire ses efforts de manière indépendante, à l’exception de l’aide considérable apportée par la Russie, dans un domaine où la coopération et le transfert de technologies ne font pas partie des habitudes. La décision du Congrès américain d’interdire depuis 2011 toute coopération officielle entre la NASA et les scientifiques et responsables chinois en est une bonne illustration ; ce qui explique que la trentaine d’astronautes actifs ou à la retraite de la NASA qui se sont rendus au Congrès l’ont fait à titre privé et non pas dans leurs capacités officielles. Répondant à une question sur cette interdiction qui reste toujours en vigueur, Turnage a déclaré que la «  politique américaine à l’égard de la Chine n’est pas utile dans l’espace » et qu’il faut « aller au-delà de la politique et amorcer un mouvement vers les technologies et une attitude coopérative ».

Les responsables du programme spatial chinois ont stipulé à plusieurs reprises depuis deux ans que leur pays entendait bien ouvrir ses portes à la coopération internationale, en particulier dans le cadre de sa future station spatiale, qui doit être lancée en 2022. Comme l’a encore indiqué Yang Liwei [1] à l’ouverture du Congrès de l’ASE, «  en plus d’une collaboration dans des expériences appliquées, des adaptateurs ont également été prévus [sur la future station spatiale] pour que puissent s’y amarrer les vaisseaux d’autres pays. Nous allons partager notre savoir, notre expérience et nos réussites dans les activités spatiales avec d’autres pays, surtout avec les pays en voie de développement. »

Ici comme dans d’autres domaines (notamment le nucléaire et l’infrastructure), la Chine a dû se battre pour aller de l’avant et elle entend mettre fin à l’apartheid technologique imposé depuis trente ans par les élites occidentales aux pays en voie de développement, sous des prétextes militaires, environnementaux ou financiers. Avec sa politique ambitieuse de vols habités, la Chine cherche à étendre l’esprit des BRICS à l’espace et à créer les conditions d’un risorgimento [2] de l’exploration spatiale, grâce à une politique de coopération « inclusive » respectant la souveraineté des pays partenaires et leur droit au savoir scientifique.

Il ne fait d’ailleurs aucun doute, comme l’a noté l’astronaute canadien Chris Hadfield, que l’objectif à long terme des Chinois est de se rendre sur la Lune ; pas pour y planter un drapeau et revenir sur Terre sans plus y retourner, mais pour faire de l’industrialisation de la Lune un objectif commun de toute l’humanité.

A lire : La Chine dévoile la feuille de route de son programme spatial


[1Yang Liwei est le premier astronaute chinois à s’être rendu dans l’espace en 2003, et est aujourd’hui le directeur-adjoint de l’Agence spatiale chinoise pour les vols habités.

[2Risorgimento : mouvement philosophique, politique et culturel pour la réunification de l’Italie à partir des années 1850, face à la domination de l’Empire austro-hongrois sur une grande partie du pays.