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Conférence internationale de l’Institut Schiller du 13-14 juin 2015 à Paris.
Pr Shi Ze : regard sur le concept nouveau d’« Une ceinture, une route »

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Voici la transcription de l’intervention du Pr Shi Ze, chercheur et directeur des études stratégiques internationales sur les questions énergétiques à l’Institut chinois d’études internationales (CIIS), groupe de réflexion rattaché au ministère chinois des Affaires étrangères, lors de la conférence internationale de l’Institut Schiller du 13-14 juin 2015 à Paris.

A travers « Une ceinture, une route », regard sur un nouveau concept et une remarquable pratique du développement de la Chine

Première partie

En introduisant ce magnifique concept d’« Une ceinture, une route », les dirigeants chinois ont déjà attiré l’attention de la communauté internationale.

La majorité de la communauté internationale a exprimé des avis très positifs.
Mais certains observateurs ont vu dans ce concept « Une ceinture, une route », l’importance stratégique du développement économique et social de la Chine, et de sa diplomatie.

Il leur semble que la Chine propose cette idée d’« Une ceinture, une route », seulement dans la perspective de son propre développement, et non pas comme occasion importante et comme potentiel pour apporter de la croissance et du développement tout le long des régions de la zone, et même au niveau mondial.

Si l’on considère que le projet « Une ceinture, une route » est destiné au seul développement futur de la Chine, on commet, dans ce cas, une erreur d’interprétation du sens profond de son objectif stratégique.

De nombreux médias étrangers ont interprété ce concept comme « un plan Marshall dans sa version chinoise, et un défi de la Chine à l’ordre international des Etats-Unis » : c’est une interprétation encore plus partiale.

Alors pourquoi la Chine a-t-elle proposé cet ambitieux concept d’« Une ceinture, une Route » ?

Tout d’abord, je voudrais analyser, du point de vue de l’équilibre du développement, pourquoi la promotion par la Chine d’« Une ceinture, une route » est capable de promouvoir le développement commun des pays le long de la Route.

Concernant la définition de l’équilibre du développement des pays le long de la Route, on distingue trois niveaux ?

Premièrement, c’est à partir du niveau de développement de la Chine intérieure qu’il contribuera à l’équilibre du développement entre la Chine de l’Est et de l’Ouest, car il existe actuellement un déséquilibre entre ces régions.

D’après la topographie de la Chine, tout le monde sait que l’Ouest est en haut et l’Est en bas, que l’Ouest est un plateau et l’Est une plaine.

Par contre, au niveau du développement économique, c’est le contraire : l’Est est en haut et l’Ouest en bas. C’est-à-dire qu’à l’Est, y compris la région côtière, le développement économique est plus important, alors qu’à l’Ouest, il est plus faible. Le développement économique dans les montagnes et les campagnes est relativement en retard.

On peut dire que c’est l’inverse de la topographie.

Selon la publication récente des données du Bureau national des statistiques, le PIB de la Chine est de 6800 dollars par habitant. Tandis que le PIB par habitant de la région autonome du Xinjiang à la frontière occidentale est de 6200 dollars, le PIB dans le delta de la Rivière des perles est supérieur à 10 000 dollars depuis déjà plusieurs années, et dans certaines zones, il est même proche de 20 000 dollars. C’est une différence énorme.

Le deuxième niveau concerne le déséquilibre de développement entre la Chine et les pays à l’Est et à l’Ouest de sa périphérie.

Entre l’Est de la Chine et la région Pacifique, et entre l’Ouest de la Chine et l’Eurasie, le développement présente de la même manière un grand écart.

En 2014, notre volume d’échanges commerciaux avec le Japon était de 310 milliards de dollars, avec les pays de l’ASEAN, le volume a atteint 480 milliards de dollars, et avec la Corée du Sud, il a atteint à 290 milliards de dollars.

Si j’additionne les trois, Japon, Corée du Sud et pays de l’ASEAN, le total du volume des échanges commerciaux était de 1000 milliards de dollars. Par contre, quelle est la situation des importations et des exportations avec l’Ouest ?

En 2014, le volume du commerce entre la Chine et les cinq pays d’Asie centrale était d’environ 40 milliards de dollars, et avec l’Inde, de 70 milliards de dollars, alors qu’avec la Russie, il n’a pas dépassé les 100 milliards.

La Fédération de Russie et l’Inde sont parmi les plus grands pays au monde. En comptant l’Asie centrale, le total du commerce entre la Chine et ces pays ne dépasse même pas le volume du commerce entre la Chine et la Corée du Sud, qui représente un montant de 240 milliards de dollars. C’est pour cela que nous avons lancé le concept d’« Une ceinture, une route », vision stratégique orientée vers l’Ouest de la Chine et vers la grande région eurasienne, afin que le développement de ces régions à l’Ouest soit aussi dynamique que dans celles de l’Est.

Nous savons que l’Ouest de la Chine est riche en ressources. C’est une région qui concentre les richesses en ressources. Ainsi, les voisins de la région occidentale de la Chine comme les pays d’Asie centrale, la Russie et aussi ceux d’Asie de l’Ouest, sont riches en ressources, par exemple en pétrole, en gaz naturel et en métaux non ferreux. Ce sont des pays riches en réserves au niveau mondial.

Actuellement, le développement durable de la Chine fait face à un goulet d’étranglement, qui est le manque de ressources. Les importations de pétrole par la Chine l’année dernière ont atteint 310 millions de tonnes. C’est un chiffre considérable : il représente 58 à 59 % de la consommation globale de notre pays, soit presque 60 %. Il est évident que la Chine dépend énergétiquement de l’étranger.

Par conséquent, la Chine a besoin de coopérer pour l’énergie et les ressources avec les pays situés le long de la Route, non seulement pour améliorer et développer leur économie, mais aussi pour les besoins du développement durable en Chine.

Cette coopération est non seulement dans l’intérêt du développement des pays le long de la Route, mais aussi avantageuse pour le développement de la Chine. C’est le but de satisfaire les intérêts des deux parties.

Le troisième niveau est de contribuer à l’équilibre du développement de l’ensemble du continent eurasiatique. Cela permettra de créer un nouveau moteur de croissance économique mondiale.

Le continent eurasiatique est un vaste territoire. Sa partie orientale est le centre économique Asie-Pacifique, qui a une économie florissante. L’Ouest de l’Europe, adjacente de l’Eurasie, est un espace de prospérité économique.

Par contre, la vaste zone centrale se développe lentement, loin derrière les deux extrémités du continent.

L’image de cette situation est celle d’un haltère. Grosse aux deux extrémités, sa partie intermédiaire est une bande étroite. Mais elle est parsemée de graines et offre un énorme potentiel.

C’est-à-dire que les deux extrémités de l’Eurasie ont des développements rapides et les régions centrales ont beaucoup de retard, et ce depuis longtemps.

Si le développement d’« Une ceinture, une route » avance bien, il peut constituer une nouvelle zone économique immense, que ce soit à l’échelle de la population, de l’économie totale ou du potentiel de développement. Aucun des deux continents économiques actuels ne peut être comparé à cette zone, ce qui permet de créer une structure favorable pour le développement de l’ensemble de l’Eurasie, au travers de l’Est, du Centre et de l’Ouest de la région.

L’accélération du développement du continent eurasiatique sera un moteur important pour la croissance de l’économie mondiale. Il jouera un rôle important dans l’équilibre du développement pour stimuler l’économie mondiale.

Deuxième partie

La Chine a proposé cette idée dans des circonstances où elle fait face à un grand défi, qui a stimulé son inspiration et sa créativité. Le point de départ est le développement de la Chine et en même temps, la promotion du développement et du progrès dans le monde.

Qu’apporte au monde ce projet « Une ceinture, une route » ?
A mon avis, les éléments suivants :

Premièrement, il continuera à promouvoir le processus de mondialisation. Dans les décennies passées, l’élan de la mondialisation a accéléré l’intégration rapide des mondes de la politique, de l’économie et de la culture.

Le développement rapide de la mondialisation a modifié la structure politique de l’économie mondiale. Dans celle-ci, le rôle des Etats et des économies émergentes en particulier ne doit pas être ignoré.

Néanmoins, l’origine de la crise financière aux Etats-Unis a engendré des doutes dans beaucoup de pays. Ils pensent que la mondialisation n’est plus seulement un bénéfice pour leur propre développement, mais aussi une source de nombreux problèmes.

Certains pays ont même engagé des réflexions sur les avantages et les inconvénients de la mondialisation. Des idées et des actions se sont même élevées contre la mondialisation. Les problèmes sont perceptibles sur les questions commerciales, où les pays développés ont resserré les normes du commerce sur les économies émergentes. Certains ont également brandi l’étendard du protectionnisme lors des négociations commerciales multilatérales de l’OMC.

De même, un nouveau phénomène dans l’économie mondiale est le découplage et la tendance à la différenciation entre les pays émergents et les pays développés. La croissance économique dans les pays développés n’a plus le niveau qu’elle avait dans le passé, alors qu’elle avait tiré la croissance des économies émergentes.

Dans ce contexte, le président Xi Jinping a proposé le projet « Une ceinture, une route » afin de promouvoir la mondialisation. Il a souligné que la Chine, sous l’impact de la mondialisation, ne cherchait pas à se préserver, mais qu’elle souhaitait que des liens soient tissés entre des pays qui détiennent une histoire et une culture.

En rassemblant plus de 60 pays et en renforçant considérablement les bases de la communication et de la coopération économique et commerciale entre eux, « Une ceinture, une route » donnera une puissante impulsion à la mondialisation.

Deuxièmement, concernant la création de nouveaux moteurs pour la croissance économique mondiale, « Une ceinture, une route » possède à l’une de ses extrémités le cercle économique Asie-Pacifique, à l’autre l’espace économique européen développé, et dans la zone intermédiaire, des pays riches en semences, l’ensemble ayant un potentiel énorme.

Si le développement d’« Une ceinture, une route » avance bien, il peut former une nouvelle zone économique immense, que ce soit à l’échelle de la population, de l’économie totale ou du potentiel de développement. Aucun des deux continents actuels ne peut être comparé à cette zone économique. Elle sera un moteur important de la croissance économique mondiale.

« Une ceinture, une route » va donner à la construction de l’économie mondiale une croissance rapide, le développement étant la solution clé du problème de la pauvreté. Seul le développement durable sera le moyen le plus efficace pour résoudre, en fin de compte, le problème de la pauvreté et pour améliorer le niveau de vie de la population.

Troisièmement, libérer l’énergie positive des différentes civilisations et développer la tolérance. Le long du tracé d’« Une Ceinture, une route », compte-tenu de la complexité des religions de chaque ethnie, il faut maintenir l’ouverture d’esprit et la tolérance. C’est dans cet esprit que la coopération contribuera à résoudre les problèmes.

La culture chinoise se caractérise par une grande tolérance. L’influence de la culture est fondamentale. La tolérance de la culture chinoise a été décisive dans l’action de la Chine dans la communauté internationale.

La culture chinoise inspirée de Confucius exige de « se cultiver soi-même, puis de rassurer les autres ». C’est-à-dire qu’il convient tout d’abord de faire le bien en nous-mêmes, puis d’interagir avec les autres. L’influence de la philosophie politique et de la culture chinoise est la clé principale et fondamentale de la Chine : réflexion tournée vers l’intérieur et tolérance avec l’extérieur.

Cette philosophie est très différente des autres dans le monde, en particulier de la philosophie occidentale. Malgré les différences entre les civilisations dans le monde, il n’y a aucune différence de qualité. La diversité des civilisations, c’est ce qui est merveilleux dans ce monde. La construction d’« Une ceinture, une route » est l’apprentissage mutuel de la diversité des civilisations, de la tolérance mutuelle, et non la voie vers le conflit. C’est le bien public et l’énergie positive que la Chine voudrait apporter au monde.

Quatrièmement : contribuer à plus de paix et de sécurité dans le monde. L’expérience en Europe et dans d’autres régions atteste que la coopération étroite des politiques économiques apportera une paix et une sécurité durables.

La complexité des relations entre les intérêts des pays de la zone « Une ceinture, une route ». La situation en matière de sécurité traditionnelle et non traditionnelle est très sensible. Elle est fondamentale pour la construction du projet.

La mise en place d’un mécanisme de sécurité régionale durable est indispensable pour la construction d’« Une ceinture, une route ». Mais le plus urgent est le développement d’une coopération économique étroite des pays le long la Route.

L’intégration sur le plan économique est elle-même une base importante pour le maintien de la sécurité.

Le président Xi Jinping a proposé un nouveau concept de sécurité pendant la réunion de la CICA, consistant à apprendre à respecter une sécurité commune, une sécurité de coopération, une sécurité globale et une sécurité durable. Ce concept pourrait bien devenir un important consensus dans le lancement du projet « Une ceinture, une route ».

La construction d’« Une ceinture, une route » est impossible sans un mécanisme de sécurité durable, c’est-à-dire sans établir des bases communes de coopération et de synthèse. Elle est indissociable de la sécurité des relations entre grandes puissances. Elle peut aussi faire la promotion de moyens publics de sécurité maritime et terrestre. Cela contribuera à la sécurité au niveau mondial et régional pour l’avenir.

Troisième partie

Quelles sont les innovations dans le concept « Une ceinture, une route » proposé par la Chine ?

Premièrement, il diffère non seulement sur le plan de la philosophie diplomatique avec la politique introduite au début de la réforme et de l’ouverture : « Emprunter des ressources externes », mais montre également que le champ de vision de la stratégie chinoise n’est plus un nationalisme étroit, comme le prétendent certains médias, mais désormais une forme de pensée cosmopolite.

C’est une polymérisation résultant de l’énergie positive de la réforme et de l’ouverture de la Chine dans le système international depuis trente ans, puis une rétroaction vers le monde extérieur, formant un cycle de développement interactif bidirectionnel.

Cela montre que la Chine a vraiment commencé à construire une sorte de « justice internationale » qui contribue au développement commun de tous les pays du monde, y compris ses voisins, pour partager les dividendes de son développement.

Cette pratique deviendra un plus dans l’intérêt des pays. Parce qu’elle signifie que la Chine qui continue à se développer désire construire activement une perspective internationale sur la base des règles en vigueur. C’est également dans ce sens que la Chine et les pays extérieurs vont aboutir par l’intermédiaire de « la zone économique de la route de la soie » à une sorte de polymérisation.

Deuxièmement, pendant la construction d’ « Une ceinture, une route », la Chine a pris l’engagement politique de la poursuite de l’ouverture, de l’égalité et du partage. Ses principales préoccupations sont de former un type de coopération culturelle avec les pays situés le long de la région, malgré de grandes différences politiques, idéologiques et de modèle économique.

On peut dire que c’est une sublimation de « l’esprit de Shanghai », qui est « la confiance mutuelle, l’avantage mutuel, l’égalité, la consultation, le respect de la diversité culturelle et la recherche d’un développement commun ».

Il est le reflet de la nouvelle réalité géopolitique et géoéconomique de l’Eurasie dans la période d’après-Guerre froide. Son objectif est de construire et de réaliser une paix durable dans la région, et de fournir un mécanisme dynamique de développement harmonieux et de prospérité commune.

Cela signifie que toutes les parties sont appelées à participer à la coopération entre les parties prenantes et à maintenir des relations de partenariat, et que tout comportement trop égoïste, même non agressif, affectera l’enthousiasme des partenaires dans la coopération.

C’est ce cadre l’orientation de la Chine avec les autres pays par un processus de coopération mutuelle d’intérêts et politique qui pourrait stimuler les possibilités de coopération.

Troisièmement, lorsqu’on souligne les obligations et la responsabilité de la Chine pour les affaires régionales, cela ne signifie pas que la Chine voudrait essayer de les dominer voire de les monopoliser, mais construire un projet géopolitique.

Le président chinois Xi Jinping a également souligné dans sa dernière tournée en Asie centrale, l’année dernière, la règle essentielle selon laquelle la Chine « ne recherche pas l’hégémonie dans les affaires régionales ni à gérer une sphère d’influence ».

Bien que cette initiative mette l’accent sur l’idée de bâtir une coopération entre certains pays de la région, la Chine souhaite quand même maintenir un mécanisme de coordination avec d’autres régions comme au niveau international.

L’initiative de la Chine pour renforcer le développement de l’Organisation de coopération de Shanghai et de la Communauté économique eurasiatique, en particulier la signature par les dirigeants chinois et russes, en mai de cette année, de la Déclaration conjointe de « la zone économique de la route de la soie » et de « l’Union économique eurasiatique » est une preuve de rapprochement.

L’initiative de « la zone économique de la route de la soie » n’est pas forcément une sorte d’arrangement d’échanges sur une base égalitaire.

Elle montre que la Chine voudrait fournir plus de biens publics sur la base de facteurs tels que ses capacités nationales et d’autres éléments. Elle souhaite partager les opportunités de développement en commun avec les pays situés le long de cette zone, promouvoir le développement mutuel afin de proposer un objectif de construction d’une communauté d’intérêts, et promouvoir l’existence de cette communauté et le développement durable.

Source : Institut Schiller.

Vers les autres discours de la conférence.