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La Chine veut intégrer l’Iran dans la Nouvelle route de la soie

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Karel Vereycken

La levée des sanctions contre l’Iran ouvre bien des perspectives, et pas seulement pour les Occidentaux. Saisissant cette « fenêtre d’opportunité », la société d’État chinoise China Railway Corporation a proposé le mois dernier la construction d’une ligne de trains rapides reliant la Chine occidentale à l’Iran, un de ses partenaires majeurs au Moyen-Orient. C’est ce qu’annonce le quotidien gouvernemental China Daily.

Long de 3200 km, ce tronçon permettrait de relier Urumqi, la capitale de la province chinoise Xinjiang, à la capitale iranienne Téhéran. Le train marquerait des arrêts à Almaty au Kazakhstan, Bichkek au Kirghizstan, Tachkent et Samarkand en Ouzbékistan et Achgabat au Turkménistan. Les trains transporteront des passagers à 300 km/h et du fret à 120 km/h, un progrès immense comparé aux vitesses actuelles.

Cette ligne rapide viendrait complémenter le réseau existant dans la région, a confirmé He Huawu, l’ingénieur-en-chef du China Railway Corporation. Pour lui, le moment est venu d’en finir avec l’incompatibilité qui existe aujourd’hui entre l’écartement large des voies dans cette région (1m52) et celui employé en Chine et dans 60 % du monde (1m43). Une voie avec un écartement identique, affirme ce responsable, mettrait fin aux longues attentes à certaines frontières.

Nouvelle route de la soie

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Nouvelle Solidarité No.18/2014. Pour s’abonner.

Pour la Chine, intégrer l’Iran dans son projet de Nouvelle route de la soie (également connu sous le nom anglais One Belt, One Road - OBOR), relève avant tout d’une importance économique. Bien que cette proposition ne soit pas encore officielle, elle n’est que la dernière de toute une série de projets conçus pour améliorer la connectivité de la Chine grâce à des investissements conséquents dans les routes, les chemins de fer, les aéroports et les pipelines.

« Pour la Chine, l’occasion de construire des lignes de trains rapides dans d’autres pays est stratégiquement attractif car cela s’intègre dans ses efforts pour éloigner son économie des productions bas de gamme », a confié Rajiv Biswas, économiste en chef pour l’Asie Pacifique du groupe IHS à l’agence de presse allemande Deutsche Welle. « A long terme, en tant que fournisseur majeur de gaz et de pétrole, l’Iran a un rôle majeur à jouer pour la sécurité énergétique de la Chine », précise Biswas.

« La Chine a maintenu ses relations commerciales avec l’Iran en dépit des sanctions et les sociétés chinoises y ont massivement investit dans l’industrie, des biens de consommations à l’énergie en passant par l’automobile  », affirme pour sa part Michal Meidan, un expert du Chatham House britannique.

Énergie et au-delà

Par le passé, l’Iran couvrait jusqu’à 13 % des besoins chinois en pétrole, ce qui en faisait le troisième fournisseur. Cependant, avec les sanctions, l’Iran s’est retrouvé en 5e position, après l’Arabie Saoudite, l’Angola, la Russie et Oman. Depuis l’annonce en juillet 2015 de l’accord historique sur le nucléaire, les importations chinoises ont remonté à 9 % du total. De 555 000 de barils par jour en 2014, les exportations iraniennes vers la Chine sont passées à 573 000 de barils par jour en 2015.

Ensuite, une part importante des revenus pétroliers iraniens ont été déposés dans les banques chinoises. Y compris avec la levée des sanctions, une part importante de ces dépôts, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards de dollars, ne retournera pas en Iran mais ira pour régler l’achat par l’Iran de biens chinois.

A cela s’ajoute enfin la nature stratégique des relations sino-iraniennes. La compréhension chinoise du rôle de l’Iran en tant que puissance historique et culturelle au Proche-Orient a conduit les deux pays à approfondir leurs relations, notamment au niveau des ventes d’armes. Il existe également une convergence en termes de politique étrangère par rapport aux crises stratégiques en Afghanistan et en Syrie.

La Chine est depuis longtemps un fournisseur d’armes de l’Iran alors que pour ce dernier, le fait que la Chine est un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, la met en position de référence diplomatique de premier plan. Par ailleurs, une fois les sanctions levées, l’Iran sera également éligible en tant que membre de plein droit de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).

Relations sino-iraniennes

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Le Président chinois Xi Jinping avec le Président iranien Hassan Rouhani.

Bien que le Président Xi Jinping soit attendu depuis longtemps à Téhéran, Beijing espère ménager l’Arabie saoudite avant d’annoncer une visite d’État. De leur coté, certains Iraniens craignent une domination chinoise, notamment à cause du volume des biens chinois importés. Et depuis que les sociétés chinoises ont ralenti certains de leurs investissements dans le secteur énergétique par crainte des sanctions américaines, Téhéran a répliqué en gelant certains projets en Chine.

C’est l’accord sur le nucléaire iranien qui marque un tournant et rebat les cartes. Tant que l’Iran était en conflit avec Washington et l’Europe, les relations sino-iraniennes se consolidaient. Avec l’ouverture aux Occidentaux, la position chinoise pourrait s’affaiblir devant l’arrivée des sociétés occidentales dans des secteurs où l’isolement iranien avait donné un accès privilégié aux chinoises.

Le rôle de l’Iran est unique dans le sens où sa position géographique la rend un intermédiaire incontournable, aussi bien pour la Nouvelle route de la soie terrestre que pour la version maritime. « A long terme », affirme le Dr Hui Ching, directeur de recherche de l’Institut Zhi Ming de Hong Kong, « la construction et le fonctionnement de cette ligne de chemin de fer n’est pas seulement dans l’intérêt stratégique de la Chine, mais servirait également ces intérêts géopolitiques et ses besoins économiques (…) Étant donné les alliances militaires des États-Unis et ses collaborations dans l’Asie Pacifique, Beijing cherche des marchés, des ressources et des partenaires stratégiques, aussi bien en Asie centrale qu’au Moyen-Orient. Pour la Chine, regarder vers l’ouest dans les décennies à venir est donc un choix logique et inévitable » a conclu l’expert.