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Alors que la famine menace la région, la Chine met le Kenya sur les rails

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Karel Vereycken

S&P----Qui, à part le candidat présidentiel Jacques Cheminade, a mis au profit son temps de parole officiel pour attirer l’attention sur ce que les experts qualifient déjà comme la « pire crise humanitaire depuis la deuxième guerre mondiale » ?

Somalie, Soudan du Sud, Nigeria et Yémen, tous en proie à des conflits armés et de sécheresses, sont les pays cités dans la déclaration faite vendredi 10 mars devant le Conseil de sécurité par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU, Stephen O’Brien. Après une visité éclair sur le terrain, ce dernier a lancé un appel à une mobilisation urgente, réclamant 4,4 milliards de dollars : « Le monde fait face à sa pire crise humanitaire depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, avec plus de 20 millions de gens confrontés à la faim et à la famine dans quatre pays », a-t-il déclaré.

Face à cette catastrophe qui prend de l’ampleur, deux attitudes :

  • D’un coté, celle des occidentaux qui font la « danse du climat » mais n’investissent presque rien sur place pour « équiper l’homme et la nature » et très souvent, au nom de leurs obsessions démographiques et préoccupations pseudo-environnementales, s’opposent à des projets essentiels capables de rendre disponible l’eau, l’énergie et la nourriture. Mme Ségolène Royale se plaint de Donald Trump, mais n’a rien fait pour que le projet Transaqua puisse venir revigorer le lac Tchad.
  • De l’autre, la Chine, qui certes défend ses intérêts, mais qui, au nom d’un principe gagnant/gagnant, n’hésite pas à mettre la main à la poche pour construire canaux, hôpitaux, barrages, routes et lignes ferroviaires.

L’exemple du Kenya

Un cas d’école, le Kenya, où la Chine a décidé d’aider de façon exemplaire.

Ainsi, le 31 mai, grâce à la Chine, le président Uhuru Kenyatta a pu inaugurer dans une ambiance festive une ligne ferroviaire de 472 km reliant la capitale Nairobi à Mombasa, sur l’océan Indien.

Le Standard Gauge Railway (SGR) est le plus grand projet d’infrastructure entrepris par le Kenya depuis son indépendance en 1963.

Le président est monté dans le train accompagné de divers responsables kényans et chinois, ainsi que de 47 enfants issus des 47 comtés du pays. Le train, mu par des locomotives au diesel flambant neuves, s’est arrêté à plusieurs gares, elles aussi flambant neuves.

Son tracé est parallèle à l’ancien chemin de fer construit à partir de 1896 par les Britanniques, qui souhaitaient exfiltrer les richesses de l’Ouganda et de la région par l’océan Indien. L’ancien train, surnommé le « Lunatic express » du fait de ses nombreux retards, parcourait la distance en 18 heures.

Le nouveau, affirme Maxwell Mengich, le chef de projet, atteindra les 120 km/heure et réduira le trajet à 4 heures pour les passagers et à 8 heures pour les marchandises. Les trains auront une capacité de transport de 4 000 tonnes, et devraient à terme prendre en charge 35 % des conteneurs qui transitent par le port de Mombasa, le plus grand d’Afrique de l’Est. « Nous espérons que cela apportera de l’efficacité, et une meilleure liberté de mouvement des personnes et des biens », poursuit l’ingénieur. Il y aura un aller-retour par jour, pouvant transporter chaque fois 1260 personnes, et les prix des billets devraient être inférieurs à ceux des bus. Kenyatta a assuré avoir ordonné aux gestionnaires du SGR de fixer à 700 shillings (6 euros) le ticket le moins cher pour un aller simple Nairobi-Mombasa. Kenya Railways compte principalement sur le transport de marchandises pour rentabiliser cette nouvelle voie ferroviaire.

La Nouvelle Route de la soie

L’aide de la Chine a été plus que décisive. Sur l’investissement total de 2,8 milliards d’euros, 90 % ont été prêtés par la China EximBank. C’est une entreprise chinoise, la China Bride and Road Corporation, qui en a été maître d’œuvre. Le groupe sera aussi chargé de l’exploitation de la ligne pendant dix ans. Les locomotives et les différents wagons sont directement arrivés de Chine, mais c’est grâce au 17000 Kényans qui y ont directement travaillé que le projet a pu être finalisé en un temps record.

Avec le progrès technique vient aussi le progrès social. Huit femmes font en effet partie des chauffeurs de train sélectionnés pour le nouveau projet. Une grande première en plus de 90 ans de transport ferroviaire dans le pays. Ces cheminotes, toutes âgées de moins de 27 ans, ont reçu une formation appuyée en Chine pendant plusieurs mois. De fait, elles disposent de connaissance en communication, en ingénierie et ont également des notions en chinois.

Pour la Chine, le Standard Gauge Railway fait partie d’un projet bien plus vaste, celui d’une ceinture, d’une route, connu comme la Nouvelle Route de la soie terrestre et maritime. La ligne Mombasa-Nairobi n’est que le premier segment d’un projet beaucoup plus grand visant à relier plusieurs capitales à travers toute l’Afrique. Pour l’instant, les conteneurs en provenance de Mombasa s’arrêteront à Nairobi, mais bientôt, ils devraient pouvoir être acheminés jusqu’en Ouganda.

La deuxième phase du projet, dont les travaux doivent commencer le mois prochain, reliera la capitale kényane à Malaba, à la frontière avec l’Ouganda. À terme, la voie ferrée devrait arriver jusqu’à Kigali (Ruanda) et jusqu’à Djouba au Sud Soudan, selon un accord entre les gouvernements kényan, ougandais, rwandais, et sud-soudanais.

Présent lors du Forum une ceinture une route à Beijing le 14-15 mai, le Président Kenyatta a obtenu une promesse de financement supplémentaire à hauteur de 3,5 milliards de dollars pour la poursuite du SGR jusqu’à Malaba. Candidat à sa réélection, il a fait du SGR un thème phare de sa campagne pour la présidentielle du 8 août prochain. Nous lui souhaitons une belle campagne !

Le nouveau port de Djibouti

Cependant, le cas du Kenya ne fait pas exception. Car de son coté, une semaine avant, le 24 mai, le président djiboutien a lui aussi pu inaugurer en compagnie de son homologue somalien, le port polyvalent de Doraleh qui constitue une nouvelle passerelle entre l’Asie et l’Afrique de l’Est pour les échanges de marchandises et de matières premières.

Avec ses 12 immenses portiques rouges sur un quai de 1 200 mètres de long qui s’étire à perte de vue, sa profondeur de 18 mètres, la nouvelle infrastructure de Doraleh, construite sur la mer, pourra accueillir des bateaux de près de 15 000 containers, traiter 9 millions de tonnes de marchandises par an.

Complétant un dispositif qui comprend déjà deux ports uniquement dédiés aux containers, le port de Djibouti sera relié à une ligne de chemin de fer vers Addis-Adeba et jouxtera une zone franche de 4 800 hectares (appelée à accueillir des industries).

Les travaux d’aménagement de cette zone ont démarré en janvier dernier et sa mise en service est attendue en mai 2018, comme l’a annoncé Hu Jinhua, vice-président de China Merchants Holdings, actionnaire du port à 23,5 % et grand maître d’œuvre des chantiers d’infrastructures à Djibouti.

Il offrira à l’Éthiopie qui ne bénéficie d’aucun accès maritime un débouché vers l’Asie. Les ports de Tadjourah et de Ghoubet dédiés à l’exportation de potasse et de sel seront quant à eux inaugurés le mois prochain. Hu Jinhua rappelle avec enthousiasme que c’est en un temps record de 30 mois, après un investissement de 580 millions de dollars financés à 85% par l’Exim Bank of China, qu’ont été accomplis les travaux de construction du port polyvalent de Doraleh.

Tout en soulignant, devant le président somalien, la communauté de destin qui unit son pays avec l’ensemble des États de la Corne de l’Afrique et de la Comesa (Marché commun de l’Afrique orientale et australe), en appelant à une mutualisation des ressources, le président Guelleh a célébré en conclusion les bienfaits de la coopération sino-djiboutienne : « vos ambitions sont aussi les nôtres, vous êtes les principaux acteurs de notre renouveau », a-t-il déclaré à l’attention des participants chinois présents.