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Le principe de Westphalie contre les guerres impériales

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Le Canada renoncerait-il à un droit, inhérent à tout pays souverain, d’articuler une politique extérieure qui à la fois sauvegarde l’intérêt général de ses citoyens et promeut la concordance parmi la communauté des nations ?

Force est de constater qu’avec le consensus en matière de politique extérieure qui domine à Ottawa aujourd’hui, il devient difficile sinon impossible pour le Canada de refuser d’obtempérer aux demandes d’ un président américain va-t-en guerre qui réclame de plus en plus fréquemment la participation des forces armées canadiennes dans des conflits déguisés en « interventions humanitaires ».

Le refus catégorique de Jean Chrétien à l’endroit du président Bush d’engager les forces armées canadiennes dans une guerre injuste contre l’Iraq en 2003 passera-t-il à l’histoire comme la dernière décision souveraine du Canada ?

Dans la crise internationale actuelle aucune décision souveraine importante ne pourra dorénavant être prise par Ottawa à moins que le leadership de ce pays décide de rompre avec les règles du jeu établies par l’empire financier britannique [1] et que notre pays s’engage à rejoindre un groupe de nations [2] qui considère la possibilité de forger une communauté de principes capable d’initier un nouvel ordre économique mondial plus juste et ce dans les plus brefs délais.

L’urgence première pour ce groupe de nations sera d’éviter que la crise financière aiguë qui frappe la région transatlantique ne s’étende et fasse sombrer la planète entière dans un nouvel âge des ténèbres semblable à celui qui suivit l’écroulement des banques Bardi et Peruzzi au milieu du XIVe siècle [3].

L’intervention immédiate requise est de mettre en place dans plusieurs nations simultanément le principe de la loi Glass-Steagall que le Président Franklin Delano Roosevelt fit passer au Congrès américain en 1933. [4]

La pérennité du Traité de Westphalie

Le Traité de Westphalie de 1648 mettait fin aux guerres de religions qui avaient ravagé l’Europe durant la guerre de Trente Ans (1618-1648). C’est la Paix de Westphalie qui pour la première fois permet d’établir une communauté de principes entre états-nations souverains.

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cardinal Jules Mazarin (1602-1661)

Le Cardinal Mazarin crée une révolution en mettant au centre de la diplomatie et des relations entre états souverains le principe de « l’avantage de l’autre »  : « Cette paix doit-être si honnête et sérieusement préservée et nourrie que chaque parti améliore l’avantage, l’honneur et le bénéfice de l’autre ». Une paix durable entre nations devient possible dans la mesure où chaque nation peut réaliser son plein potentiel et considère comme étant de son propre intérêt de développer pleinement l’autre.

Le Traité de Westphalie ne peut jamais tomber en désuétude comme l’affirment ses détracteurs puisqu’il est basé sur des principes qui sont en concordance avec la nature même de l’être humain. Seule l’espèce humaine est douée de créativité volontaire et capable de surmonter les « limites naturelles » par un progrès scientifique et technologique.

L’avènement de l’État-nation souverain a permis une plus grande floraison d’avancées culturelles et scientifiques. C’est l’État-nation qui assure les conditions pour le développement maximum du plus grand nombre de ses citoyens. Voilà pourquoi le Traité de Westphalie demeure à ce jour une véritable bête noire pour l’oligarchie financière et ses sbires qui s’acharnent à nous convaincre qu’il n’existe pas de différence fondamentale entre l’homme et les autres espèces !

Le Traité de Wesphalie est un test pour différencier la pensée humaniste de la pensée oligarchique. Les sires Henry Kissinger, George Soros, Michael Ignatieff, et Tony Blair : cette élite de mandarins politiques dont les carrières furent promues par les plus hautes sphères de l’empire britannique [5] se sont tous portés volontaires pour attaquer le Traité de Westphalie. Ce “gang of four” est déterminé à éliminer les principes du Traité de Westphalie en « redéfinissant » le concept de souveraineté nationale pour mieux l’éradiquer et ainsi ouvrir la voie à une politique néo-malthusienne dont le but avoué, selon le Prince Philip d’Édinbourg, est de réduire la population mondiale à moins de deux milliards de personnes !

Le gambit anglo-saoudien et le “R2P”

L’oligarchie britannique essaie de subvertir les révolutions du printemps arabe en manipulant l’Arabie Saoudite (et Israël) dans une « guerre permanente » contre l’Iran et une nouvelle guerre de Cent Ans à l’intérieur du monde islamique entre Chiites et Sunnites, selon Jeff Steinberg spécialiste du renseignement à l’Executive Intelligence Review :

« Les plans d’aujourd’hui ne sont rien d’autre qu’une version moderne de la politique de l’empire britannique du XIXe siècle, "The Great Game", pratiquée en Asie centrale ».

« Le but de cette opération anglo-saoudienne est d’écraser chaque révolution, de la Tunisie, à l’Égypte, à la Libye et spécialement les révolutions dans la région du golfe : Bahreïn, Yémen, et l’Arabie Saoudite », affirme Steinberg.

Sur l’échiquier impérial aujourd’hui se trouve le Prince Bandar bin-Sultan, l’ancien ambassadeur de l’Arabie Saoudite à Washington, celui-là même qui à partir de fonds occultes du contrat Al-Yamamah finançait l’attaque du 11 septembre [6] contre Washington.

S’y trouve également Susan Rice l’ambassadrice des Etats-Unis aux Nation-unies et Samantha Power, une amie personnelle de Michelle et Barack Obama qui occupe présentement le poste de conseillère au Conseil de Sécurité Nationale.

Rice et Powers se sont servies d’une doctrine post-Westphalie concoctée par Michael Ignatieff pour le compte de l’oligarchie financière britannique en 2001 : la « Responsabilité de Protéger » mieux connue en anglais par le sigle “ (R2P) Responsability to Protect ” qui argumente en faveur d’une limite à la souveraineté nationale.

Les fossoyeurs de Westphalie : Ignatieff et Soros

Plusieurs événements tragiques dans les années quatre-vingt dix ont alimenté le débat au sein des Nations-unies et ont mené à l’acceptation de l’idée « d’intervention humanitaire » pour empêcher des gouvernements de laisser massacrer ou tuer leur propre population.

Un cas important fut celui des massacres au Rwanda, dont l’élément déclencheur vint à la suite de l’attentat du 6 avril 1994 qui coûta la vie au président rwandais. Deux ans plus tard, le 12 décembre 1996, le mandat de la force multinationale de protéger les rwandais dans les camps de réfugiés à l’est du Zaïre est abruptement annulé lors d’une conférence de presse conjointe du général Maurice Baril commandant de la force multinationale et Raymond Chrétien envoyé spécial des Nations-Unies pour la région des Grands Lacs en Afrique centrale. Des milliers de rwandais avaient fui les camps de réfugiés pour aller se cacher dans les forêts pour ne pas se faire massacrer par des groupes armés. La raison invoquée pour annuler le mandat de la force multinationale était qu’on ne pouvait pas voir ces réfugiés cachés dans la forêt à partir de vols de reconnaissance et queces réfugiés n’existaient donc pas !

Lors du Sommet du Millenium des Nations-unies en septembre 2000 l’occasion se présenta pour corriger ces erreurs et c’est à la demande expresse de Kofi Annan que le gouvernement libéral de Jean Chrétien fonda l’ “International Commission on Intervention and State Sovereignty”.

En décembre 2001 Michael Ignatieff, alors en poste au Carr Center for Human Rights Policy de l’université Harvard, fut chargé de préparer le rapport “Responsability to Protect” qui servit de document « fondateur » au nouvellement formé ICISS.

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Un clivage important apparut assez tôt aux Nations-unies entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement. Ces derniers craignaient que derrière les arguments en faveur d’interventions humanitaires, désormais appelées « Responsabilité de Protéger », se camouflait un droit légal d’envahir les pays du Tiers-Monde.

Finalement le 16 septembre 2005 l’Assemblée Générale des Nations-unies adopta une résolution reconnaissant « la responsabilité de protéger ». La section 139 de cette résolution est directement inspirée du texte de Michael Ignatieff et de ses deux co-penseurs qui signèrent le rapport fondateur du “R2P” pour l’ICISS.

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« Au sommet de la pyramide financière du "R2P" se trouve le milliardaire spéculateur George Soros [7]. L’Open Society de Soros, en plus d’être le principal argentier du Global Center for the Responsability to Protect, est aussi un contributeur majeur des ONG qui composent l’ICISS tel l’International Crisis Group (ICG) et Human Rights Watch.

« Garth Evans le co-président actuel d’ICISS est un ancien président d’ICG de Soros. Quant à Samantha Powers elle siégea sur le comité exécutif de l’ICG avec Soros avant de rejoindre les Nations-unies. Son livre “A Problem from Hell ” avait tellement impressionné le Sénateur Barack Obama qu’il l’avait invité à rejoindre son équipe sénatoriale en temps qu’experte en politique étrangère » [8].

L’oligarchie exige de multiples interventions de style-libyen

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« Le 9 juin, lors d’une interview avec l’“Independent” [9] à l’occasion d’une réédition de ses mémoires, Tony Blair déclara que la Grande Bretagne et ses alliés devaient se tenir prêts à lancer des interventions de style-libyen contre d’autres pays arabes

Sans faire mention de son ’arrangement dans le désert’ de 2004 entre lui-même et le Colonel Mu’ammar Kadhafi, qui facilita la transformation du leader libyen, de paria international qui exportait le terrorisme, en un allié occidental … M. Blair affirme que si l’invasion récente ne s’était pas produite, Kadhafi aurait reconquis le pays et supprimé la révolte avec ’une véhémence extraordinaire et plusieurs auraient été tués’.

L’ancien Premier Ministre affirme que ’la conséquence la plus importante aurait été qu’à l’intérieur d’à peine quelques mois, nous aurions appuyé la destitution d’un allié clé, le Président Moubarak d’Égypte (et on ne peut réécrire l’histoire, il fut notre allié) ; et par la suite ne pas intervenir alors que Kadhafi (qui malgré son changement sur la question des armes de destruction massive et le terrorisme ne pouvait être considéré de la même façon) maintenait son pouvoir. Les dommages à la réputation de l’Occident, à sa crédibilité et à sa stature auraient été non seulement massifs mais potentiellement irréparables. C’est ce que je veux dire lorsque j’affirme que l’inaction est aussi une décision’ ».

Une politique wesphalienne pour le Canada

1) La politique extérieure du Canada doit être véritablement souveraine : elle doit prendre un engagement ferme pour éliminer la finance folle et ses pratiques spéculatives meurtrières. C’est-à-dire être aux premières loges du groupe qui votera pour un Glass-Steagall global et qui établira un système de crédit productif garant d’une politique canadienne de paix par le développement mutuel des nations.

2) Étant un pays dont les frontières touchent à trois océans, et possédant des ressources hydrauliques parmi les plus abondantes dans un monde de pénurie, nous avons une responsabilité particulière au niveau international de :

a) mettre une priorité sur le développement de l’Arctique [10] afin d’augmenter considérablement le bassin de ressources qui doivent être équitablement mises à la disposition d’un plan de développement des nations.

b) favoriser dans ce contexte la construction du tunnel sous le détroit de Béring [11] ainsi que la construction de la connexion de chemin de fer Alaska-Canada. Une contribution canadienne essentielle à une reprise de l’économie mondiale.

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c) Utiliser notre savoir-faire en hydrologie et en ingénierie acquise lors de la construction de la voie maritime du St-Laurent, de la Baie James et à travers les nombreux grands travaux internationaux accomplis tant en Afrique, au Maghreb, en Libye, [12] etc. pour lancer d’abord le plus grand projet de bio-ingénierie de l’histoire, le NAWAPA en Amérique du Nord, un point de départ pour des projets similaires [13] de par le monde.

La Révolution bleue

Un Glass-Steagall global permettra de créer un crédit productif pour la réalisation de grands travaux d’infrastructure à la fois nécessaire pour soutenir la vie et en améliorer ses conditions.

Nous devons mettre au centre des pourparlers de paix, concernant les régions arides de l’Afrique, du Proche et Moyen-Orient, la faisabilité de rendre disponible une eau potable en abondance pour l’ ensemble des populations de ces régions.

Le beau texte d’Yves Paumier : « Afrique : de la Mer intérieure de Roudaire à la Révolution bleue » [14] nourri notre espoir que le printemps arabe fleurira et que les sacrifices et les morts n’auront pas été en vain.

Glass-Steagall et l’immortalité

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« Nous allons faire une révolution, et soit, ils l’acceptent, soit ils meurent. Le temps est venu de faire une bonne révolution – celle que nous préconisons ici », a précisé récemment Lyndon LaRouche.

« Il faut un système global fondé sur de taux de changes fixes dans lequel la valeur est mesurée par la productivité physique par tête et par kilomètre carré. (…) Si vous produisez de la haute technologie, vous accroissez l’investissement et le développement de la population, de ses pouvoirs créateurs et productifs ; et là vous aurez un bonus. Le gouvernement fédéral devra ainsi juger de la productivité relative, de la productivité physique incorporée dans les investissements ; évaluer d’avance la valeur de ces investissements pour un système de crédit. Et vous découvrirez, que par tête, vous augmenterez certes le montant total de la dette ; mais que votre productivité augmentera plus vite permettant de dépasser le niveau d’équilibre… »

« Nous devons cependant aller au-delà. Nous ne pouvons pas avoir un système qui mesure uniquement la valeur de ce que quelqu’un a fait durant sa vie. Il faut évaluer l’immortalité de son âme, c’est-à-dire, l’accroissement des pouvoirs productifs du travail, la valeur de l’individu telle qu’elle s’exprime dans ses pouvoirs créateurs, et dans la valeur qu’il représente pour le futur, quand il sera déjà mort, pour avoir contribué à ce que ce futur ait été possible. Ainsi, il y a l’héritage légué à ceux qui doivent encore naître, par ceux qui sont encore au travail. Voici ces questions élémentaires ; elles impliquent une compréhension plus profonde de la technologie et de comment elle fonctionne. » [15]

Gilles Gervais



[7George Soros : 6 février 2004 The People’s Sovereignty, published in the January-February issue of Foreign Policy magazine

[8Rick Moran : blog editor of The American Thinker

[9Andrew Grice, June 9, 2011 interview with Tony Blair : « Blair demands more allied military action, Independent.co.uk