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Mise au point russe « sur les crimes d’État britanniques »

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S&P— Les sympathisants de Solidarité & Progrès et les lecteurs de Nouvelle Solidarité le savent.

Dès qu’on accuse « l’Empire britannique » (Une oligarchie financière ayant élu domicile à la City et à Wall Street) d’exister et de jouer un rôle majeur dans les catastrophes qui nous arrivent, on se fait généralement traiter d’anglophobe, de complotiste, voire d’anti-sémite ou carrément de foldingue...

Subissant de pleine fouet les accusations les plus exotiques imaginables, la Russie, qui ne souhaite pas que l’histoire se répète d’une façon aussi tragique qu’en 1914, a décidé pour sa part de briser le silence.

C’est ainsi que, lors de sa conférence de presse du 19 avril 2018 à Moscou, la porte-parole du Ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova a présenté une longue mise au point sur les crimes d’Etat du Royaume-Uni dont voici la version française complète telle qu’elle figure sur le site du ministère russe des Affaires étrangères.

Une leçon de courage pour les autorités françaises qui préfèrent danser le tango avec le mal en espérant lui faire tourner la tête...
Sur les crimes d’État britanniques

Et maintenant, attachez vos ceintures.

Le 13 avril, lors d’une conférence de presse pour le corps diplomatique consacrée à la publication du rapport de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), l’ambassadeur du Royaume-Uni en Russie Laurie Bristow a déclaré que la Russie était impliquée « dans une série d’assassinats commis sur ordre de l’État, notamment sur le territoire britannique. »

Évidemment, ce n’est pas la première déclaration clairement russophobe d’un représentant britannique officiel ces derniers mois. Et dans l’ensemble, ce n’est pas la première déclaration britannique sortant du champ du droit, des normes de la décence et de toute morale. Ce n’est même pas la question. Laissons la morale et le droit de côté et parlons d’autre-chose.

Peut-être que l’ambassadeur britannique ne connaît pas très bien l’histoire de son pays, son rôle et son implication dans les processus se déroulant dans d’autres pays depuis des siècles. Je ne pense pas qu’il faille accuser Laurie Bristow d’autre chose - d’absence de droit par exemple - car peut-être ignore-t-il vraiment sa propre histoire.

L’écrivain britannique d’origine indienne Salman Rushdie a écrit :

Le malheur des Britanniques est qu’ils ne connaissent pas l’histoire de leur propre pays pour la simple et bonne raison que la plupart des événements se sont déroulés en dehors de son territoire. Sa situation insulaire, qui était à la base du statut impérial de la Grande-Bretagne, a causé une distanciation de tous les aspects accompagnant cette histoire.

Je pense que le moment est venu et que, depuis cette tribune, nous pouvons combler ce vide cognitif et nous plonger dans l’histoire du Royaume-Uni et son activité internationale intense avec toutes les conséquences qui en découlent. Parlons des commandes de l’État, d’une série d’assassinats et dans l’ensemble de la renommée de cet État.

L’histoire récente. On n’en parle pas très souvent, mais le Royaume-Uni a été l’une des plus violentes métropoles du point de vue des répressions vis-à-vis de ses colonies et des territoires dépendants.

Notons la réflexion de la journaliste et écrivaine Afua Hirsch dans The Guardian du 22 novembre 2017, qui écrit que depuis la conquête normande de l’Irlande au XIIe siècle les Anglais se prenaient pour les « nouveaux Romains ». C’était leur grande prédestination : devenir de nouveaux missionnaires et apporter la civilisation aux « tribus retardées », tout en recevant le droit d’exploiter les ressources, les terres et la main-d’œuvre sur ces territoires « rendus heureux ». Les Britanniques considèrent la création de l’Empire britannique comme un grand exploit moral, et l’effondrement de cet empire comme un acte de grande générosité.

Sur fond de cette vision généralisée de son histoire se perdent des faits simplement embarrassants. Il y a le principal : la motivation. Et personne n’a besoin de détails. Aujourd’hui nous allons parler des détails : l’instauration de camps de concentration pendant la guerre des Boers, qui a ensuite inspiré les nazis à créer leurs camps de la mort, l’anéantissement culturel total des États entre Ashanti en Afrique jusqu’à la Chine, les massacres sanglants commis par l’armée britannique en Irlande, le pillage du Bengale, l’exploitation des ressources naturelles à l’échelle industrielle, la traite d’esclaves – et ce ne sont que les gros traits.

L’Inde

A elle seule, l’Inde a tellement subi de la part des représentants britanniques ! En 1930 a été publié le livre de l’historien américain Will Durant The case for India consacré à l’histoire et à la vie de ce pays. L’auteur conclut :

Plus je lis et plus je suis surpris et indigné par la torture évidente, intentionnelle et préméditée de l’Inde par l’Angleterre pendant 150 ans. Je commence à sentir que j’ai affaire au plus terrible crime de l’histoire mondiale.

Le Royaume-Uni a laissé à travers le monde des lignes de fracture qui se ressentent tout particulièrement en Asie du Sud où, en 1947, un peuple a été divisé en deux de force. Et aujourd’hui chacune des deux parties surmonte les conséquences de l’héritage colonial britannique.

Le député et ancien Secrétaire général adjoint de l’Onu Shashi Tharoor, homme d’État expérimenté qui s’est présenté à une époque au poste de Secrétaire général de l’Onu, respecté dans le monde entier à juste titre, a déclaré plusieurs fois que les autorités britanniques souffraient « d’amnésie historique » de leurs cruautés impériales. Difficile de ne pas être d’accord. Le 22 juillet 2015, à Oxford, il a notamment déclaré :

La part de l’Inde dans l’économie mondiale, quand le Royaume-Uni est arrivé sur son littoral, était de 23%. Après le départ du Royaume-Uni elle a baissé à moins de 4%. Pourquoi ? Simplement parce que l’Inde a été gérée au profit du Royaume-Uni. Pendant 200 ans, la croissance britannique était financée grâce au pillage de l’Inde.

Selon Shashi Tharoor, de facto la révolution industrielle britannique a été réalisée grâce à la désindustrialisation de l’Inde. Le Royaume-Uni a provoqué plusieurs fois la famine en Inde, faisant entre 15 et 29 millions de morts. La plus connue est celle du Bengale en 1943, qui a emporté la vie de 4 millions d’Indiens. On pourrait penser que ce sont des réflexions journalistiques. Mais non. Le Premier ministre indien Narendra Modi a souligné le 24 juillet 2015, pendant le séminaire Speaker’s Research Initiative, que tout ce qui avait été dit par Shashi Tharoor correspondait à ce que pensaient les citoyens du pays. Je le dis à vous, monsieur Bristow.

Dans son livre Inglourious Empire paru l’an dernier, Shashi Tharoor rappelle les cruautés de l’Empire britannique en déclarant que l’ex-premier ministre Winston Churchill devait être considéré comme l’un des plus cruels dictateurs du XXe siècle. Ce dernier a déclaré dans une conversation avec le secrétaire d’État britannique à l’Inde et à la Birmanie Leo Amery :

Je hais les Indiens. C’est un peuple animal avec une religion cruelle. Cette famine est leur propre erreur, ils se sont reproduits comme des lapins.

Ce n’est pas nous qui le disons, ce ne sont pas nos inventions. C’est un fait.

Le peintre russe Vassili Verechtchaguine a peint sa célèbre œuvre Vent diabolique - ce n’est pas une comparaison symbolique - qui représente la méthode d’exécution répandue en Inde au XIXe, siècle qui a été inventée par le gouvernement britannique pour réprimer la révolte des cipayes. Le principe consistait à attacher le condamné à l’embouchure d’un canon et à l’exécuter en tirant à travers le corps.

Cette exécution, parmi les plus brutales de l’histoire des civilisations, ne visait pas vraiment à détruire physiquement ou à intimider. Les autorités britanniques possédaient déjà tellement d’outils de torture et d’exécution infernaux que ce moyen n’était pas très original et honnêtement, connaissant les Britanniques, assez onéreux. Le fait est que du point de vue casto-religieux cette forme de mise à mort était absolument inadmissible pour les Indiens. Leurs corps étaient déchiquetés, indépendamment de la caste les défunts étaient enterrés ensemble, ce qui allait complètement à l’encontre des traditions des Indiens.

Voici un autre épisode : le 13 avril 1919, jour de Baisakh - la fête de la récolte et du Nouvel an célébrée à Pendjab - 50 soldats sous le commandement du général de brigade Reginald Dyer ont ouvert le feu sans avertissement contre un rassemblement de civils dans le parc de Jallianwala (Amritsar) au centre-ville. La plupart étaient des femmes et des enfants. Je voudrais souligner qu’il n’est pas question d’agissements de Britanniques, de citoyens du Royaume-Uni, mais de l’exécution d’ordres directs des autorités britanniques. Le nombre de victimes, selon les estimations britanniques, a atteint 379 tués et plus de 1000 blessés. Le Congrès national indien a annoncé 1000 morts et 1500 blessés. Malheureusement, pendant au moins plusieurs décennies après ces tristes événements, des millions d’Indiens seront encore victimes des agissements des autorités britanniques, notamment d’exécutions de masse.

A différentes époques, les autorités britanniques ont également commis des sévices en Afrique. Près de 13 millions de personnes ont été enlevées de ce continent en tant qu’esclaves (voilà en ce qui concerne la renommée, quand l’ambassadeur britannique reproche quelque chose à notre État). Sachant que le nombre de tués a été 3-4 fois plus élevé que les personnes enlevées. Autrement dit, le nombre de victimes a atteint plusieurs dizaines de millions de personnes. Le fondateur de la théorie de la société civile, le philosophe anglais John Locke qui a aidé à rédiger la Constitution américaine, a investi toutes ses épargnes dans la traite d’esclaves. C’est aussi un fait.

La guerre des Boers

L’un des premiers camps de concentration de l’histoire a été utilisé contre la population civile par les forces britanniques pendant la guerre des Boers de 1899-1902. Dans ces camps étaient rassemblés les civils soupçonnés de sympathiser avec les rebelles ou potentiellement capables de leur apporter une aide. Leurs fermes étaient brûlées par les autorités britanniques, le bétail et les plantations qu’ils possédaient étaient détruites. Les femmes et les enfants étaient séparés des hommes. C’était avant la Seconde Guerre mondiale. Les hommes étaient envoyés dans des prisons éloignées situées dans d’autres colonies britanniques – en Inde et à Ceylan.

Dès que la communauté internationale a appris cette « invention » de lord Horatio Kitchener, commandant des forces britanniques, le gouvernement britannique a publié une explication officielle selon laquelle l’objectif de la création de ces camps était la « garantie de la sécurité de la population civile des républiques boers », et les camps ont été rebaptisés « lieux de sauvetage ».

C’est un peu comme avec les Casques blancs : prendre des combattants, des extrémistes et des terroristes rescapés, leur faire porter des « casques blancs », écrire dessus « paix » et, par leur biais, commettre des provocations pour les enregistrer sur un portable et les diffuser à travers le monde en faisant passer cela pour la preuve qu’il faut sauver la population civile d’urgence. Des siècles ont passé. Rien n’a changé. Les prisonniers étaient appelés « hôtes du gouvernement britannique ». Au total, dans les camps, se trouvait la moitié de la population blanche des républiques boers – 200 000 personnes, dont près de 30 000 sont mortes de maladies et de famine.

Depuis la fin des années 1930 et jusqu’en 1948, des camps britanniques fonctionnaient à Chypre et en Palestine où étaient rassemblés des réfugiés juifs (les exécutions de Juifs y étaient également largement répandues).

Voici un autre chapitre sombre dans l’histoire du Royaume-Uni : les régiments tristement célèbres du Special Air Service (SAS) qui ont été utilisés dans plus de 30 conflits locaux, essentiellement dans les pays qui étaient à l’époque des colonies britanniques (y compris le Kenya et plusieurs pays au sud de l’Afrique).

En particulier, près de 50 anciens militaires du SAS faisaient partie du régiment rhodésien qui devait jouer un rôle central dans le complot préparé pendant la passation du pouvoir à la population autochtone de Rhodésie (actuellement Zimbabwe).

Les historiens pensent que le Royaume-Uni détient le record mondial de génocides. Des millions d’innocents ont été tués dans les colonies britanniques, c’est inimaginable.

Australie

Selon différentes estimations, sur ordre du gouvernement britannique ont été éliminés jusqu’à 90-95% des aborigènes d’Australie pendant la colonisation de l’île. Les aborigènes australiens ont été éradiqués. Ils n’étaient pas seulement tués, mais faisaient également l’objet d’expériences. On a apporté intentionnellement des maladies, notamment la variole, dans ce pays.

Le conflit armé entre les colonisateurs britanniques et les aborigènes de Tasmanie au début du XIXe siècle, surnommé Black War ou « Guerre noire », a pratiquement conduit à l’éradication des Tasmaniens. Plusieurs historiens britanniques considèrent cette guerre comme un génocide. Les colonisateurs anglais ont été officiellement autorisés à tuer les Tasmaniens avec une récompense pour chaque mort. Voilà pour la réputation sur la scène internationale. Ils étaient empoisonnés, poussés dans le désert où ils mouraient de faim et de soif, ils étaient chassés comme des animaux sauvages. En 1835, près de 200 Tasmaniens ont survécu. Ils ont simplement été déportés sur les îles voisines.

Dans les années 1870, sur ordre des autorités britanniques, a été commis le génocide des Zoulous de la colonie du Cap, et en 1954-1961 le génocide des Kikuyus au Kenya. En réponse à l’assassinat de 32 colonisateurs blancs par les rebelles locaux, les autorités britanniques ont massacré 300 000 représentants de cette ethnie et ont interné 1,5 millions de personnes dans des camps. Le livre Imperial Reckoning : The Untold Story of Britain’s Gulag in Kenya de Caroline Elkins est consacré à ces événements. Il n’est pas très agréable ou confortable d’en parler dans les médias occidentaux, mais prenez l’histoire personnelle de l’ex-président américain Barack Obama. Comme nous l’avons lu, son père a subi la torture des Britanniques pendant la révolte au Kenya. Ou ce n’est pas vrai ?

Guerres de l’opium

Il convient de rappeler également les tristement célèbres guerres de l’opium. En fait, pendant des décennies, Londres a empoisonné les citoyens chinois par des drogues. L’Angleterre exportait de l’opium en Chine et en tirait des revenus colossaux. De plus, cela permettait d’atteindre un objectif militaire stratégique : la décomposition de l’armée chinoise et du peuple, la perte de la volonté de résistance. Pour sauver le pays, l’empereur chinois a lancé en 1839 une vaste opération pour confisquer et détruire les réserves d’opium à Canton. Londres a réagi par la guerre – c’est ainsi que les guerres de l’opium ont commencé. Au final, la Chine a été vaincue et a dû accepter les conditions léonines des Anglais. « Tant que la Chine reste une nation de drogués, nous n’avons pas à craindre que ce pays se transforme en grande puissance militaire, car cette addiction aspire la force vitale des Chinois » : c’est ainsi que le consul britannique en Chine Richard Hurst a terminé son discours pendant la réunion de la Commission royale pour l’opium en 1895. En 1905, les autorités chinoises ont enfin réussi à adopter et à commencer à mettre en œuvre le programme d’interdiction progressive de l’opium.

Et voici les exemples de l’histoire récente quand Londres a défendu haut et fort les droits de l’homme en se qualifiant de « bastion de la démocratie et de la liberté ».

Nous avons déjà dit combien l’Inde avait subi. Ce n’est pas notre question, c’est du common sense. Combien les habitants du Moyen-Orient ont-ils subi de la part des représentants des autorités britanniques ? Faut-il rappeler que le Royaume-Uni, qui cherchait à préserver au maximum son influence dans la région en prévision de la destruction du système colonial, a entrepris plusieurs démarches qui ont posé une fracture fondamentale dans les relations entre les Arabes et les Juifs ? Sans entrer dans les détails historiques, il suffit d’ouvrir la carte du monde pour voir les frontières des pays dans la région, qui ont été dessinées après la chute de l’Empire ottoman avec la participation directe du gouvernement britannique. Personne n’a pensé les frontières dans un sens où ce n’étaient pas de simples lignes sur la carte, mais de la vie de peuples entiers dont il s’agissait. Elles ont été tracées à la règle. Au final, des tribus, des communautés ethno-confessionnelles et des peuples se sont retrouvés divisés.

Le monde continue de récolter les conséquences de cette politique au Moyen-Orient. Mais même sur cette question, le Royaume-Uni reste très actif.

Voici un autre fait intéressant. Dans les archives nationales du Royaume-Uni déclassifiées en 2014, on découvre que les autorités britanniques ont activement recouru aux armes chimiques pour réprimer les révoltes des Arabes de Mésopotamie (territoire actuel de l’Irak) au printemps 1920.

Alors qu’il occupait le poste de ministre de la Défense du gouvernement anglais, Winston Churchill avait affiché son soutien à l’« usage du gaz contre les tribus non civilisés ». Dans les documents d’archives on apprend que Winston Churchill a ordonné d’utiliser des milliers d’obus contenant du gaz moutarde contre les rebelles. Au total, selon différentes sources, entre 6 000 et 10 000 personnes ont été tuées pendant la révolte antibritannique en Irak. Du point de vue de Londres, au vu de l’envergure de ce bilan par rapport à d’autres régions, cela ne méritait pas d’y porter attention.

Les Grecs ont également souffert des agissements des autorités britanniques. Au printemps 1944, une mutinerie a éclaté dans des unités militaires grecques en Égypte, qui a été violemment réprimée par les Britanniques. De nombreux historiens pensent que la répression de la révolte a créé les prémisses et a même constitué le prologue de l’intervention britannique en Grèce en décembre 1944 et de la Guerre civile (1946-1949). Sur 30 000 officiers et soldats grecs au Moyen-Orient, entre 20 000 et 22 000 ont été internés dans des camps britanniques en Érythrée, en Égypte, au Soudan et en Libye.

A la fin des années 1960-1970, les autorités britanniques ont déplacé 1 500 autochtones de l’archipel des Chagos (océan Indien). Pour ce faire, les diplomates britanniques ont présenté à l’Onu les habitants de l’île comme des « travailleurs sous contrat ». La raison derrière tout cela ? La volonté des USA de créer une base militaire sur l’une des îles. Tout était très simple.

De plus, tout l’archipel a été proclamé « zone de réserve maritime ». En 2009, WikiLeaks a rapporté que le gouvernement britannique avait soutenu ce projet car il pouvait ainsi avoir la garantie que les tentatives incessantes des habitants déportés des îles de revenir chez eux échoueraient. Ironie du sort : la base militaire américaine sur l’île Diego Garcia portait le nom de Camp Justice. Merveilleux !

Afghanistan

Et voici un exemple de l’histoire récente. Les renseignements militaires britanniques ont intentionnellement falsifié les rapports sur les crimes de guerre commis entre 2010 et 2013 pour cacher l’information sur les assassinats de civils en Afghanistan. Des civils afghans non armés, considérés comme des combattants potentiels des talibans, ont été tués - et pas interpellés comme cela a été annoncé ensuite - pendant les raids menés à leur domicile.

L’enquête sur les crimes de guerre en Afghanistan commis entre 2010 et 2013 a été appelée "Opération Nortmur" et a commencé en 2014. Les enquêteurs ont établi que les renseignements britanniques avaient falsifié les documents pour rejeter la responsabilité des assassinats de personnes non armées sur l’armée afghane. Voilà en ce qui concerne la réputation sur la scène internationale, monsieur l’ambassadeur britannique. Les enquêteurs ont obtenu les enregistrements réalisés par des drones appelés kill TV, où l’on voit des militaires britanniques, et pas leurs collègues afghans, tirer sur des Afghans désarmés. Selon le journal britannique The Times daté du 2 juillet 2017, le Ministère britannique de la Défense avait l’intention de cacher ces crimes de guerre à la presse parce qu’il pensait que la « publication des détails de l’enquête pouvait nuire à la sécurité nationale, à la confiance sociale et au travail avec les alliés ». Le commandement du ministère de la Défense qualifiait les preuves des « massacres » réunies pendant l’enquête de « véridiques et très sérieuses », et « menaçant le gouvernement d’une catastrophe ». Aucune catastrophe n’a suivi. Les autorités britanniques trouvent toujours un moyen de détourner votre attention, chers journalistes.

Le 19 novembre 2017, le Sunday Times a publié un autre article sur les assassinats du SAS en citant les détails de l’interrogatoire du commandant Chris Green, selon qui en 2012, pendant l’opération dans le village de Rahim (district de Nahr-e-Saraj), trois civils n’ayant aucun lien avec les talibans auraient été assassinés dans la cour de leur maison par une section du SAS.

L’Irak

Maintenant, passons à l’Irak. Selon les sources ouvertes, suite aux abus des militaires britanniques pendant la guerre d’Irak en 2003-2011, 326 enquêtes pénales ont été ouvertes visant 1 500 accusés, et le montant des indemnités versées aux victimes s’est élevé à près de 20 millions de livres. On pourrait dire que ce sont des exceptions, que ce n’est pas une stratégie fixe de l’État. Mais une enquête se déroule ensuite, et des gens sont sanctionnés. Seul le gouvernement britannique qui autorise tout cela ne subit jamais de punitions. Surtout, cela se répète à chaque fois, d’année en année, de décennie en décennie, de siècle en siècle.

Le plus grand retentissement médiatique a été déclenché par un épisode qui s’est produit dans la ville de Basra en 2003 quand, après l’exécution de deux tireurs d’élite britanniques, les militaires ont interpellé deux Irakiens et les ont retenus sans forme de procès pendant plusieurs années pour leur implication supposée dans ces meurtres. C’est seulement en 2006 qu’ils ont été inculpés, mais le Tribunal suprême de l’Irak a levé ces accusations faute de preuves.

Afin de minimiser le nombre de plaintes contre les militaires britanniques pour leurs crimes pendant les campagnes militaires, en octobre 2016, pendant le congrès annuel du Parti conservateur à Birmingham, le gouvernement britannique a rendu publics les plans pour ne pas appliquer la Convention européenne pour les droits de l’homme (CEDH) aux militaires britanniques participant aux conflits à l’étranger.

Maintenant, passons aux opérations d’espionnage et aux actes de sabotage ponctuels. Depuis la nuit des temps, les représentants britanniques sont de fervents amateurs de différentes « opérations secrètes » et de sabotages ponctuels dirigés contre des personnes concrètes afin d’en tirer un profit politique pour le Royaume-Uni.

Cette prédisposition est largement représentée dans leur art, à l’instar de la saga James Bond. Cela paraît amusant si l’on ignore que son auteur Ian Fleming a travaillé avec les archives et que l’agent 007 a des modèles réels. Pour ceux qui ne s’intéressent pas à l’historiographie, qui pensent que la partie précédente peut être ennuyeuse ou pensent que les documents d’archives peuvent être interprétés différemment et nécessitent des vérifications supplémentaires, il y a une version « allégée » sous forme d’extraits dans la réalisation artistique de l’écrivain et concurremment officier du renseignement naval Ian Fleming. En effet, la « saga Bond » est un exemple très symptomatique de la passion du gouvernement britannique pour ce genre d’activités.

Ian Fleming est mort en 1964, mais ce qu’il a décrit vit et fleurit encore aujourd’hui. De nouvelles séries sur James Bond font régulièrement leur apparition sur les écrans britanniques, et tout le monde est habitué au superhéros. Les temps changent, les acteurs et les décors changent, mais l’idée reste la même : un agent britannique au service de sa Majesté ne reçoit pas moins qu’une « licence pour tuer ».

Je répète que ce n’est pas une invention mais un travail basé sur les archives. En fait, tout ce que nous voyons dans la saga Bond se déroule en réalité sous la couverture du MI5 et du MI6.

Grâce à ce film, les gens ont découvert l’existence de la notion « licence pour tuer », terme désignant l’autorisation officielle du gouvernement ou d’un organe public donnée à un agent secret au service de ce pouvoir de décider lui-même de la nécessité et de l’utilité d’un assassinat pour parvenir à l’objectif. Une fois la mission accomplie, l’agent revient toujours à la « base », nous l’avons vu également.

Il est dommage que dans la vie ordinaire à laquelle nous revenons maintenant, tout ne soit pas aussi beau et digne. Ian Fleming a fait une chose géniale : il a pris les faits pour les mettre dans un bel emballage. Nous voyons tous une très belle image.

Et à présent nous revenons à la réalité. Les prochains épisodes historiques ne relèvent plus de la fiction, mais des faits. Certains prouvés, d’autres avancés comme des hypothèses très véridiques des historiens. Mais surtout, si, il y a un mois et demi, nous n’utilisions pas de matériaux hypothétiques dans les discours officiels, depuis que par la main légère de Theresa May la phrase highly likely (hautement probable) est devenue courante pour accuser quelqu’un d’un crime gravissime, pourquoi devrions-nous nous en priver ?

Ceux qui ont étudié l’histoire de Scotland Yard concluent également à l’implication des autorités britanniques dans l’assassinat de Grigori Raspoutine. L’historien du renseignement britannique Michael Smith, dans son livre Six : A History of Britain’s Secret Intelligence Service, écrit qu’en 1916, alors que la Première Guerre mondiale battait son plein, le résident du renseignement anglais à Petrograd avait entendu des rumeurs selon lesquelles Grigori Raspoutine essayait, par le biais de l’impératrice, d’obtenir une paix séparée avec l’Allemagne.

Cela inquiétait sérieusement les Anglais. Le capitaine Oswald Rayner du MI6 a été envoyé à Petrograd avec la mission d’obtenir de Raspoutine des informations sur les négociations et, si besoin, de l’éliminer. Selon Michael Smith, le troisième tir dans la tête de Raspoutine a été tiré (ce qui n’est pas mentionné dans les dépositions des assassins "officiels") avec le revolver anglais 455 Webley, alors que selon les mémoires des comploteurs on sait que Ioussoupov a tiré avec un pistolet de poche Browning, et Pourichkevitch avec un Savage.

Dans les documents déclassifiés des correspondances des agents anglais se trouve la lettre d’un ami d’Oswald Rayner, l’officier du renseignement britannique John Scale, datée du 24 décembre 1916 :

Tout ne s’est pas déroulé selon le plan, mais notre objectif a été atteint… Rayner efface les traces et vous contactera pour vous donner des instructions.

Plusieurs historiens sont persuadés que le message parle précisément de l’assassinat de Grigori Raspoutine. En 2004, la BBC a montré le documentaire Qui a tué Raspoutine ? Selon la version des journalistes, la « gloire » et l’idée de cet assassinat revient au Royaume-Uni, et les comploteurs russes étaient seulement des exécutants ou des instruments.

D’ailleurs, des versions similaires circulent au sujet de l’assassinat de l’empereur russe Paul Ier, mais je pense que cette question relève de la compétence des historiens

Les historiens ont étudié le « complot Lockhart » qui a été organisé en 1918 par des représentants diplomatiques du Royaume-Uni, de la France et des USA en Russie soviétique afin de renverser le pouvoir bolchevique. Au complot avaient participé le chef de la mission britannique spéciale Robert Lockhart, ainsi que les ambassadeurs de la France Joseph Noulens et des USA David Francis.

Robert Lockhart avait tenté de corrompre des tireurs lettons se trouvant à Moscou pour protéger le Kremlin. Vous connaissez la suite de l’histoire. Ces Lettons devaient être envoyés à Vologda pour rejoindre les troupes anglaises qui devaient débarquer à Arkhanguelsk et aider à leur avancée. C’est seulement une brève description. Vous pouvez lire des informations plus détaillées.

En 2013 a été publiée l’information selon laquelle le service secret britannique MI6 était l’organisateur de l’assassinat (nous nous rendons dans une autre région du monde) du premier premier ministre congolais démocratiquement élu Patrice Lumumba.

Un membre de la chambre des Lords du Parti travailliste a raconté comment la baronne Daphne Park de Monmouth, à quelques mois de son décès en mars 2010, a reconnu qu’elle avait organisé en 1961 l’assassinat de Patrice Lumumba car elle craignait que ce nouveau pays démocratique s’allie avec l’Union soviétique.

Dans une lettre écrite à la rédaction du magazine London Review of Books, lord Lea a annoncé que Daphne Park avait fait son aveu lors d’une conversation autour d’une tasse de thé.

De 1959 à 1961, Park travaillait en tant que consule et première secrétaire dans la capitale du Congo belge, devenue Kinshasa après l’accession du pays à l’indépendance. Lord Lea écrit :

J’ai mentionné le brouhaha provoqué suite à l’enlèvement et à l’assassinat de Patrice Lumumba, et j’ai rappelé aussi la théorie de l’implication du MI6 dans cette affaire. ’Oui, c’est nous qui l’avons fait’, m’a-t-elle dit. ’Je l’ai organisé’

Avec le temps, la passion de Londres et de ses représentations diplomatiques pour l’ingérence dans les affaires d’autres pays et l’influence sur leurs régimes politiques n’a pas diminué. Rappelons ne serait-ce que les événements du XXe siècle, quand les services britanniques en 1953 ont "participé" à l’organisation du coup d’État en Iran.

Depuis le début du XXe siècle, l’industrie pétrolière de l’Iran était contrôlée par le capital britannique par le biais de la concession qui absorbait la majeure partie des revenus pétroliers nationaux. Cette situation a provoqué en Iran une tension sociopolitique qui est montée à la fin des années 1940-début des années 1950.

En 1951, Mohammad Mossadegh a été nommé premier ministre iranien et a commencé à mener une politique nationale et étrangère indépendante. La ligne principale du premier ministre visait à éliminer les monopoles étrangers en Iran, qui étaient conclus à des conditions léonines au détriment des intérêts iraniens.

Le principal symbole de la ligne indépendante de Mohammad Mossadegh a été le mouvement pour la nationalisation du pétrole iranien dont les revenus étaient disproportionnellement répartis au profit de la compagnie pétrolière anglo-iranienne (actuellement British Petroleum), dont le principal actionnaire était le gouvernement britannique. Mohammad Mossadegh, soutenu par le parlement, a réussi à faire adopter la loi sur la nationalisation de l’industrie pétrolière iranienne.

Cela a infligé un coup dur aux intérêts britanniques. Dès lors, Londres a commencé à mener une activité subversive contre le gouvernement iranien en recourant notamment au mécanisme de boycott international des produits pétroliers iraniens, ce qui a provoqué une profonde crise économique en Iran.

Maintenant les diplomates britanniques qui travaillent à Moscou sont certainement assis, écoutent et retranscrivent tout cela - ils devront certainement tout envoyer à Londres aujourd’hui. J’y ai mis du mien, cela fait 17 pages. J’ai une question : êtes-vous fiers de votre histoire ? Dans ce cas il faut faire un choix – soit vous êtes pour les droits de l’homme, pour le droit international et la démocratie, soit vous êtes fiers de ce que vous avez fait par le passé et continuez à faire.

En août 1953, la CIA américaine et le Secret Intelligence Service (SIS) britannique ont mené l’opération conjointe Ajax pour l’élimination violente du gouvernement de Mohammad Mossadegh. Le nouveau gouvernement iranien a signé un nouvel accord prévoyant la création d’un consortium de compagnies américaines et britanniques appelé à recevoir une partie des revenus pétroliers de l’Iran et le droit d’exploiter les gisements pétroliers dans ce pays.

Le comportement du Royaume-Uni pendant la Seconde Guerre mondiale, même si nous étions alliés, est également controversé au vu de plusieurs facteurs. Certains épisodes historiques soulèvent de grandes questions sur la nature de la politique britannique sur la scène internationale - notamment le mystérieux vol de Rudolf Hess au Royaume-Uni à la veille de l’attaque de l’Allemagne contre l’URSS.

Dans l’histoire de chaque pays, il existe des faits dont on est peu fier et pour lesquels les futures générations devront payer et assumer une responsabilité morale. Mais le fait est que tous les documents sur cette affaire sont classifiés par les renseignements anglais pour « cent ans », la confidentialité est prolongée. Pendant le procès de Nuremberg, Rudolf Hess a tenté de dévoiler le secret de sa visite en Angleterre mais le procureur anglais qui présidait la cour a interrompu le procès d’urgence. Pendant l’interruption de séance, la cellule de Rudolf Hess a été visitée par des agents britanniques, après quoi l’accusé a commencé à simuler une perte de mémoire.

Sur décision du tribunal de Nuremberg, Rudolf Hess a été transféré à la prison internationale de Spandau pour purger sa peine à perpétuité. Il est mort en 1987 dans des circonstances encore non élucidées à trois mois de sa libération. Une nouvelle fois, tout a été classifié. A nouveau, tout est en demi-teinte. A première vue il y a des faits, mais les circonstances sont confidentielles.

Le 5e tome des Récits sur l’histoire du renseignement extérieur russe évoque un autre épisode très curieux de la Seconde Guerre mondiale. En octobre 1998 a été déclassifié un plan conjoint d’attaque du Royaume-Uni et des USA contre l’URSS (les informations des Archives d’État britanniques ont été publiées). Sur les forces de l’allié soviétique, qui ne s’attendait à rien, devaient s’abattre 10 divisions allemandes et 47 divisions américaines et anglaises. Le renseignement disposait d’informations sur les préparatifs militaires des Alliés après la capitulation de l’Allemagne.

Le nom de code de ce plan, Operation Unthinkable (opération impensable), correspondait parfaitement à ce projet d’envergure. L’objectif de l’opération consistait à « forcer la Russie à se plier à la volonté des États-Unis et de l’Empire britannique ».

Cependant, en pesant le rapport de forces et de matériel, les nouveaux alliés ont conclu que "parvenir rapidement à un succès limité serait hors de nos capacités et nous nous retrouverions impliqués dans une longue guerre sans disposer de forces supérieures".

Un autre exemple de l’activité subversive. Des informations intéressantes se trouvent dans le livre de Kim Philby My Silent War (Ma guerre silencieuse).

En avril 1951 à Londres s’est tenue la réunion des représentants des renseignements anglais et américain sur l’utilisation, par les USA et le Royaume-Uni, des organisations nationalistes ukrainiennes. A nouveau tout se rejoint. A l’époque, les renseignements ont soutenu pendant plusieurs années l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), adepte de Bandera, et l’ont utilisée aussi bien pour recruter des agents que pour obtenir des informations sur l’URSS.

La coopération entre l’OUN et le SIS se renforçait constamment. En 1949-1950 déjà, plusieurs groupes de sabotage constitués de membres de l’OUN ont été projetés en parachute sur le territoire ukrainien. Dans la nuit du 14 au 15 mai 1951, les renseignements britanniques ont parachuté trois groupes de reconnaissance et de sabotage.

Tout le monde est au courant des sévices de l’OUN : massacre de la population civile, centaines de milliers d’hommes, de femmes, de vieillards et d’enfants cruellement tués et torturés à mort (des Russes, des Ukrainiens, des Biélorusses, des Juifs, des Polonais, des Tchèques, des Slovaques, des Yougoslaves). Le massacre de Volhynie, la tuerie des professeurs polonais, la tragédie de Katyn, les opérations punitives en Slovaquie, à Varsovie et à Prague.

Dans le cadre de cette activité subversive, les autorités britanniques recrutaient activement des criminels professionnels. Vous vous souvenez, on nous raconte que la Russie est criminelle et qu’il ne faut pas coopérer avec elle ? Mais les autorités britanniques collaborent parfaitement avec des criminels. Nous ne parlons même pas des Casques blancs et des hommes recrutés dans cette organisation, qui sont soutenus.

Parlons de choses « terre-à-terre ». En 1973, le gouvernement britannique a officiellement reconnu que les deux frères Keith et Kenneth Littlejohn avaient été utilisés pendant plus d’un an pour braquer des banques en République irlandaise afin de discréditer l’armée républicaine irlandaise « officielle ». C’est un classique. Kenneth Littlejohn affirme également qu’il avait été chargé de tuer Sean MacStiofain, l’ancien chef de cette armée.

Autre exemple : Howard Marx, diplômé d’Oxford reconverti en trafiquant de drogues, a été recruté pour obtenir des informations sur le réseau de fournisseurs d’armes pour l’armée irlandaise. En échange, on lui promettait d’annuler sa peine pour trafic de drogues. Ce sont des exemples sporadiques.
D’ailleurs, les autorités britanniques créent constamment sur leur territoire des conditions confortables pour les criminels d’autres pays. Entre 2005 et 2012, le Ministère britannique de l’Intérieur a établi que plus de 700 criminels de guerre résidaient dans le pays.

Les autorités britanniques aiment également recourir à des méthodes interdites de traitement des détenus, notamment afin d’obtenir les informations qu’elles désirent. Et évidemment, la « licence pour tuer » reste valable en cas de nécessité.

Un exemple récent est celui du chef de guerre libyen Abdelhakim Belhaj, capturé en 2004 par les renseignements américains avec l’aide des Britanniques. Abdelhakim Belhaj, libéré en 2009, accuse Londres de l’organisation directe de son enlèvement et d’implication dans l’obtention de ses aveux par la torture.

Depuis 2011, il cherche à obtenir des excuses officielles du gouvernement britannique. Il tient pour principal responsable des faits l’ex-ministre des Affaires étrangères Jack Straw et plusieurs agents du MI6, notamment l’ancien directeur de son bureau antiterroriste Mark Allen dont la correspondance avec les représentants des renseignements libyens a été divulguée après le renversement de Mouammar Kadhafi. Nous nous souvenons aussi de la manière dont Mouammar Kadhafi a été renversé, et de la façon dont Londres a applaudi le renversement du dirigeant d’un État souverain.

En décembre 2013, la Haute Cour de justice d’Angleterre et du pays de Galles a constaté l’"impossibilité d’examiner cette affaire au Royaume-Uni". En juillet 2016, le parquet britannique a confirmé sa décision de disculper les agents du MI6.

Selon la décision de la Cour suprême britannique du 17 janvier 2016, l’enquête sur cette affaire devait reprendre étant donné que « l’arrestation d’Abdelhakim Belhaj et la torture constituaient une violation des droits fixés dans la Grande Charte ». Par conséquent, les accusations en question devaient « être examinées par la cour britannique ».

En février 2018, il a été annoncé que la prochaine audience n’aurait pas lieu avant 2019. Tout cela pour dire que l’histoire est une chose, mais qu’il y a des procès, que l’enquête est en cours. Voici un exemple. Le Ministère britannique des Affaires étrangères insiste pour que ces procès restent clos (c’est également un classique) pour des « intérêts de sécurité nationale ».

En 2015 en Serbie est sorti le livre-investigation La troisième balle. Les circonstances politiques de l’assassinat de Zoran Dindic (tué en 2003), dont les auteurs accusent directement les renseignements britanniques d’avoir éliminé le politicien. Ils affirment que dans le meurtre du premier ministre serait impliqué l’agent britannique Anthony Monckton qui était en contact avec les principaux accusés de ce crime, qu’on appelle le « clan Zemun ».

Dieu seul sait combien d’histoires de ce genre figurent au palmarès du gouvernement britannique. Le 21 mars 1985, un groupe terroriste afghan a tué à New Delhi l’ingénieur soviétique d’une centrale nucléaire indienne Valentin Khitritchenko. A première vue, il a été tué par un groupe terroriste afghan mais des agents britanniques de New Delhi entretenant les contacts avec ce groupe étaient parfaitement au courant de l’attentat en préparation - et n’ont rien fait pour empêcher ce crime.

Pour finir sur ce thème, je vais présenter le « calendrier des meurtres » - appelons-le ainsi - pour le début du XXIe siècle, listant la mort d’hommes très connus et influents dans des circonstances étranges sur le territoire britannique.

En novembre 2001 à Salisbury est décédé le microbiologiste soviétique Vladimir Passetchnik, ancien directeur de l’Institut des bioproduits purs de Saint-Pétersbourg. Cause de la mort officielle : AVC. Vladimir Passetchnik travaillait pour le laboratoire chimique militaire secret de Porton Down.

Vous savez, il y a un laboratoire britannique à Porton Down. Il y travaillait. En 1989, alors qu’il se trouvait en France, il a demandé un asile politique au Royaume-Uni et a transmis aux renseignements britanniques des informations sur les prétendues élaborations secrètes d’armes biologiques en URSS.

En juillet 2003, dans le comté d’Oxfordshire, est décédé le microbiologiste et expert des armes biologiques David Kelly. Cause officielle de la mort : suicide. Je rappelle que David Kelly critiquait le gouvernement de Tony Blair et pensait que l’invasion de l’Irak en 2003 était basée sur des informations falsifiées. Une décennie plus tard, le gouvernement britannique a reconnu que les informations avaient effectivement été falsifiées.

En 2003, l’avocat Stephen Moss est mort d’un arrêt cardiaque. Il avait été engagé par Boris Berezovski et son partenaire Badri Patarkatsichvili pour vendre les actifs de la compagnie d’investissement Devonia.

En 2004, dans le comté de Devon, Paul Norman, qui travaillait dans le laboratoire chimique militaire secret de Porton Down (il occupait le poste de David Kelly après sa mort), a été tué dans le crash d’un avion privé. Il était considéré comme l’un des principaux spécialistes britanniques dans l’élaboration des armes biologiques et chimiques.

En mars 2004, dans un crash d’hélicoptère près de Bournemouth a été tué l’avocat Stephen Curtis. Selon la presse britannique, Stephen Curtis craignait pour sa vie. A quelques semaines de sa mort, dans une conversation avec un ami, il avait déclaré que si quelque chose lui arrivait cela ne serait pas un accident.

D’après les médias, il travaillait en tant que directeur administratif du groupe Menatep. Avocat de Boris Berezovski et de Nikolaï Glouchkov, il avait fait une déposition à la Cour suprême britannique sur leur plainte contre le magazine américain Forbes en tant que témoin indépendant.

Je n’évoquerai pas tous les cas de décès. Nous ne nous arrêterons que sur l’essentiel. En novembre 2006 à Londres est mort l’ancien agent du FSB russe Alexandre Litvinenko. Je ne rappellerai pas l’histoire, tout est confidentiel. En janvier 2007 à Londres est décédé l’un des fondateurs de la compagnie Ioukos, Iouri Goloubev.

En février 2008, Badri Patarkatsichvili est mort d’une crise cardiaque dans la ville de Leatherhead (comté de Surrey). En août 2010, l’ex-collaborateur du QG de communication gouvernemental (renseignement électronique) Gareth Williams est mort dans des circonstances inexpliquées. Il a été découvert mort dans un sac de sport fermé de l’extérieur. Pendant l’enquête, la police a conclu que sa mort était accidentelle (soi-disant il serait entré dans le sac, l’aurait fermé et n’aurait pas réussi à en sortir). Pourquoi vous riez ? Ce n’est pas drôle. C’est ce qui figure dans les données officielles de l’enquête britannique.

En avril 2012 à Salisbury est décédé Richard Holmes, qui travaillait pour le laboratoire chimique militaire secret de Porton Down. Selon l’enquête, à un mois de sa mort il avait démissionné pour des raisons inconnues. Selon le légiste, il serait mort d’un AVC. Ses collègues affirmaient pourtant qu’il était en excellente forme physique et n’avait pas de problèmes de santé. C’est visiblement lié à Porton Down. Peut-être est-ce l’environnement ? Aurait-il été empoisonné ?

En novembre 2012, l’homme d’affaires russe Alexandre Perepelitchny est décédé à Weybridge (comté de Surrey). Cette affaire est également floue. En décembre 2012, le millionnaire et magnat immobilier Robert Curtis est mort à Londres. Selon l’enquête, il s’est jeté sous une rame de métro. En mars 2013, Boris Berezovski est mort à Ascot. Il n’y a même rien à commenter. Jusqu’à aujourd’hui on ignore ce qui s’est passé. En décembre 2014, l’homme d’affaires Scot Young, ami proche de Berezovski, est mort. Il a chuté du troisième étage d’un immeuble. Cela arrive que des gens tombent du troisième étage, mais ce n’était pas l’unique mort de ce genre à l’époque.

En 2016, dans le comté d’Oxfordshire, est mort le célèbre chercheur britannique et spécialiste en matériaux radioactifs Matthew Puncher, qui avait participé à l’enquête sur la mort d’Alexandre Litvinenko et faisait partie des principaux experts. Sa mort a été reconnue comme un suicide. La police a rapidement clos l’enquête.

Je voudrais dire que la « campagne noire » avec laquelle le gouvernement britannique attaque aujourd’hui la Russie est la tactique favorite des autorités britanniques. Voilà en ce qui concerne la réputation sur la scène internationale. Or les représentants britanniques parlent tout le temps de notre réputation ! C’était une brève liste. Des tomes entiers ont été écrits pour dévoiler ce que le gouvernement britannique et ses subordonnés ont fait dans le monde pendant des siècles, y compris aux XXe et XXIe siècles. Tout cela n’est pas très étonnant pour les personnes averties. Mais beaucoup l’ignorent.

L’habitude de l’establishment britannique de diaboliser ses adversaires depuis le XVIe siècle a été bien décrite par l’historien espagnol Julian Juderias, qui a consacré un tome entier aux agissements du gouvernement britannique (quand on parle de « campagne noire » spécifiquement vis-à-vis du Royaume-Uni, on utilise le terme spécial de « légende noire ») :

L’atmosphère créée par les histoires fantastiques sur notre patrie diffusées dans tous les pays ; les descriptions grotesques du caractère espagnol aussi bien individuel que social ; le déni ou du moins le passage systématique sous silence de la beauté et de la diversité de notre culture et de notre art ; les accusations permanentes de l’Espagne sur la base de faits exagérés, mal interprétés ou complètement faux ; enfin, les déclarations répétées dans des livres apparemment respectables et véridiques, et évoquées et renforcées par les médias étrangers, selon lesquelles notre pays serait une exception déplorables parmi les peuples européens du point de vue de la tolérance, de la culture et du progrès politique.

Je répète, c’est un Espagnol qui écrit cela sur l’usage de la fameuse légende noire.

Je termine avec le lyrisme pour passer au concret. En parlant des motifs invoqués par Londres dans l’affaire Skripal et de la politique d’État de longue date qui nous a été reprochée par l’ambassadeur britannique en Russie Laurie Bristow, il est fort probable que la provocation visant des citoyens russes à Salisbury ait été bénéfique voire ait été organisée par les renseignements britanniques dans le but de compromettre la Russie et sa direction politique. Par le passé, historiquement, le Royaume-Uni a régulièrement pratiqué ce genre de choses. Cette démarche s’inscrit dans la ligne russophobe générale du gouvernement conservateur pour diaboliser notre pays.

Entre autres, tout cela est confirmé par la stratégie de sécurité nationale du Royaume-Uni et le discours de banquet de la première ministre Theresa May fin 2017.

Le refus catégorique de coopérer avec la Russie dans l’enquête sur l’empoisonnement de Salisbury, la violation par Londres de ses engagements dans le cadre de la convention consulaire, l’esquive de la coopération avec l’OIAC et la dissimulation des documents originaux pour mener une enquête objective en sont une confirmation flagrante.

Cet article a été repris d’un autre site.

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