News / Brèves
Back to previous selection / Retour à la sélection précédente

Comment les Anglo-Américains ont fait dérailler le Traité d’amitié franco-allemand

Printable version / Version imprimable

S&P—La France et l’Allemagne ont célébré ce 22 janvier le 60e anniversaire du traité franco-allemand de l’Élysée, en référence au document qui avait fixé « une feuille de route pour la coopération bilatérale entre Paris et Berlin en matière de politique étrangère, de défense et de culture ». Chose singulière, au cours de cet événement, c’est la France qui a reproché à l’Allemagne de ne pas assez se soumettre aux diktats de l’UE et de l’Otan, alors que c’est habituellement l’inverse. Mais surtout, en 1963, c’était De Gaulle et le traité de l’Élysée qui invitait l’Allemagne à construire avec la France une Europe des Etats souverains, première pierre d’un paradigme de relations internationales outrepassant la géopolitique.

À l’occasion du l’anniversaire du Traité, une cérémonie solennelle s’est tenue à la Sorbonne, au cours de laquelle le président français et le chancelier allemand ont prononcé des discours, tandis que les présidents des Parlements allemand et français ont déposé une gerbe au mausolée du Panthéon. Dans l’après-midi, les deux dirigeants et les législateurs de leurs pays respectifs se sont réunis pour un conseil des ministres bilatéral à l’Élysée, de façon à souligner « la vitalité de la relation franco-allemande et le fait que nous avançons ensemble en Europe », comme l’a déclaré à la presse une porte-parole de l’Élysée.

Malheureusement, chargé par les Anglo-Américains de jouer le rôle de soft cop en Europe, Macron s’est servi du traité d’amitié de l’Élysée entre les deux pays, signé par les géants que furent le Président Charles de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer, pour faire pression sur l’Allemagne pour qu’elle autorise, comme l’exigent le parti de la guerre à Washington, la livraison à l’Ukraine des chars Leopard demandés par le président Zelensky !

"Macron-Scholz dans le JDD : va-t-en-guerre en Ukraine, encore plus de ’souveraineté européenne’, intégration au sein de l’OTAN et ’majorité qualifiée au Conseil européen’, écrit Jacques Cheminade sur Twitter. Après ça, ils osent se réclamer de de Gaulle et Adenauer ! En envoyant à la mort les ukrainiens..."

Il y a soixante ans, le 22 janvier 1963, de Gaulle et Adenauer ont signé le traité de l’Élysée, qui n’était rien d’autre que l’application entre leurs deux nations du « plan Fouchet », beaucoup plus ambitieux, rejeté en 1962 par les Néerlandais et les Belges opérant par procuration pour les intérêts de la City. Comme le plan Fouchet, le traité de l’Élysée devait conduire à une coopération gagnant-gagnant entre deux États-nations parfaitement souverains (y compris en ce qui concerne la création de leur propre défense militaire) et ouvert à d’autres partenaires (y compris, le cas échéant, la Russie).

Cette perspective était inacceptable aux yeux des personnes comme le sous-secrétaire d’État aux affaires économiques de JFK d’alors, George Ball, un banquier qui était déterminé, avec Jean Monnet, à imposer une Europe supranationale.

Selon lui, le traité de l’Élysée n’était « une conspiration » (déjà !) et de Gaulle menaçait l’existence de l’Otan ! Envoyé aux États-Unis pour se faire « remonter les bretelles », Karl Carstens, qui occupait alors un poste élevé au ministère allemand des Affaires étrangères, fut sermonné par les Américains. Le président JFK, agacé de voir la France exiger d’être payée en or et non plus en dollars, fit comprendre dans une lettre à Adenauer que si de Gaulle persistait, les États-Unis lâcheraient l’Allemagne.

Suivit alors le sabordage. Lorsque le Bundestag (le parlement allemand) ratifia par son vote le traité le 16 mai 1963, il ajouta un préambule diamétralement à l’opposé des intentions du 22 janvier. Ce préambule précisait en effet que l’application du traité serait orientée « vers les principaux objectifs » de la République fédérale d’Allemagne, à savoir « une association étroite entre l’Europe et les États-Unis (...) l’intégration du pays des forces armées des États membres de l’Alliance atlantique (en clair l’OTAN), l’élargissement de l’Europe (...) en admettant la Grande-Bretagne » au Marché commun et en convertissant le Marché commun aux belles pratiques de « libre-échange » (comprenant une dérégulation profitant aux Commonwealth).

En bref, ce préambule contenait tout ce que Charles de Gaulle désapprouvait, et signifiait la mort de cette « Europe politique » que tant de cabris continuent à réclamer sans savoir de quoi ils parlent.

Depuis lors, à Bruxelles et à Berlin, la défense européenne ne peut être conçue que comme « à l’intérieur de l’Otan ».

Aujourd’hui, si l’on veut vraiment donner de la substance à l’idée de « souveraineté européenne », la suppression de ce préambule empoisonné du traité d’amitié franco-allemand pourrait devenir la première étape vers une Europe d’États souverains et du rétablissement de la confiance dont on a besoin de toute urgence pour construire la paix mondiale avec les autres puissances mondiales.

Ça vous intéresse ? restez en contact en vous abonnant au journal Nouvelle Solidarité et à la revue Executive Intelligence Review-EIR.